@qui : Comment est née l’idée de cette exposition ?
E.P-E : « Elle est née dans la tête du maire de la ville Jean-François Fountaine il y a trois ans. A la suite de l’exposition sur la famille d’armateurs Vieljeux-Delmas qui avait suscité beaucoup d’intérêt, il voulait une exposition sur la préfiguration des enjeux climat et océan. La ville de La Rochelle était toute indiquée pour la faire, au vue de son passé, entre son histoire maritime et son vécu des submersions comme lors du passage de Xynthia. La Rochelle porte aussi des projets innovants en lien avec la mer, comme le programme « territoire zero carbone », consistant à la mise en place d’actions en vue de réduire ses émissions de CO2 et l’impact de l’homme sur son environnement. Cela faisait également suite à une première exposition « Changement climatique, à nous de jouer », montée en 2015 avec le réseau RADDAR, qui mettait avant les solutions locales. L’idée, c’était de venir en complément de ce qui avait été fait, et des autres structures rochelaises qui parlent de l’Océan comme le muséum d’histoires naturelles ou l’aquarium.
Elise Patole-Edoumba, directrice du muséum d’histoire naturelle, responsable de la vulgarisation scientifique pour la ville de La Rochelle et co-commissaire de l’exposition. Ici, devant des reproductions de planctons gravées dans du cristal, d’après des images du CNRS.
@qui! Comment s’est-elle construite ?
E. P-E « On a commencé à travailler dessus en 2016 en fédérant tous les acteurs locaux en lien avec les problématiques de l’océan, des associations aux chercheurs. Nous nous sommes associés à sept scientifiques de niveau local et international : météorologue, climatologue, historien du climat, physicien, géologue et anthropologues. Par l’intermédiaire de l’association de vulgarisation scientifique Escal’Océan, nous nous sommes mis en lien avec la plateforme Océan-Climat (1) et sa fondatrice Françoise Gaill, biologiste, spécialiste des écosystèmes profonds océaniques et directeur de recherches émérite du CNRS. Elle nous a aidé à intégrer les données du GIEC 2016-2018 et d’autres rapports scientifiques sur l’évolution de climat et des océans dans un parcours de vulgarisation. La difficulté a été de trouver un équilibre entre restituer de façon précise l’ensemble des problématiques et les rendre abordables au grand public sans tomber dans du fastidieux d’un côté, ou des raccourcis de l’autre. On a fait beaucoup d’aller-retour entre le musée et les chercheurs pour valider les contenus scientifiques, à chaque étape de la construction de l’exposition. »
Parmi les activités interactives, cette plateforme lumineuse : le public est invité à déplacer les oursins (en plâtre) et à observer les conséquences. Ce jeu illustre l’impact des changements sur les fonds marins.
@qui! L’exposition présente des œuvres interactives et artistiques à travers des jeux, tableaux, vidéos et sculptures. Pourquoi avoir intégré cet aspect ?
E. P-E « On voulait faire une exposition interactive, didactique et surtout pas moralisatrice. Une personne ne peut pas comprendre les menaces et les effets de l’activité humaine si elle ne comprend pas comment le climat et l’océan fonctionnent. C’est pour ça qu’on a choisi un parcours qui raconte une histoire, avec un volet artistique car un message passe mieux lorsqu’il est porté par un artiste. La partie scientifique en soi est plutôt anxiogène, puisqu’on explique notamment les conséquences de l’activité humaine entre 2050 et 2200, avec la fonte des glaces, la montée des eaux, l’augmentation des tempêtes et la disparition des espèces. On a voulu également montrer que des solutions sont possibles et qu’il existe déjà des formes de résilience à travers le monde. Notre objectif, c’est de faire comprendre tout en suscitant l’émotion. On aimerait qu’en repartant de l’exposition, les gens s’engagent à faire évoluer leur mode de vie. »
@qui! Quelles sont vos parties préférées ?
E. P-E « J’adore les reproductions de planctons gravés dans du cristal, basés sur les fichiers fournis par le CNRS de Roscoff. J’aime aussi beaucoup les deux vidéos artistiques présentées, dont celle sur l’histoire du Signal, cet immeuble à Soulac-sur-Mer (33) menacé par l’érosion. Parce qu’on connaît tous cette histoire et qu’elle a un côté précurseur : il est évident que le scénario se reproduira ailleurs. En recueillant le témoignage des habitants du Signal, le vidéaste en a fait une illustration concrète et sensible des effets de la montée de la mer, en montrant l’impact sur l’humain. »
Note/ Exposition Climat-Océan, au musée maritime de La Rochelle, jusqu’au 31 octobre 2021.
(1) Qui rassemble plus de 70 membres – instituts de recherche, ONGs, aquariums, secteur privé, institutions françaises et agences internationales, collectivités territoriales autour de la sensibilisation à la protection de l’Océan
Un collectif d’artistes détourne avec humour des classiques des arts pour se moquer des clichés sur les écologistes et des idées des climato-sceptiques.
L’exposition Climat Océan
Le ton est donné dès l’entrée : des bruits de vagues et une colonne d’eau accueillent le visiteur dans un long couloir bleuté. Une première salle explique le fonctionnement de l’écosystème de l’océan, son interaction avec notre atmosphère et son rôle de régulateur du climat. Une autre salle explique la fabrication du vent, des tempêtes et des tornades, ainsi que le phénomène d’érosion. Tout au long de la visite, l’exposition est jalonnée de vidéos, de sculptures et de jeux interactifs pour comprendre les mécanismes de l’Océan ou du climat, de la fabrication du vent à la constitution d’une tornade. La fonte des glaces est également abordée, avec une vidéo d’Isabelle Autissier et une impressionnante simulation numérique de la montée des eaux dans le port de La Rochelle. L’impact de la pollution humaine, et en particulier du plastique, est également évoqué. Un cabinet de curiosités façon musée des horreurs clôt l’exposition en présentant des œuvres d’art détournées, se moquant des préjugés des climato-sceptiques et des clichés sur les écologistes.