Thierry et Sylvia Bereau sont ravis. Les propriétaires de l’épicerie bar-tabac du village d’Escource dans les Landes, bénéficient depuis cet été d’un tarif d’électricité très privilégié à 10 centimes du kilowattheure, quand la norme se placerait plutôt entre 18 et 23 centimes. Si le couple ne sait pas encore précisément à combien va s’élever leur nouvelle facture, c’est bel et bien pour eux, une « bouffée d’oxygène. La lumière est allumée de 6h30 à 20h le soir, il y a la vitrine réfrigérée, les frigos, divers appareils électriques… Quand nous avons repris le commerce il y a 5 ans, on payait 342 euros d’électricité tous les deux mois, avec les hausses, on était arrivé à des factures de 1 500 euros ».
Il était hors de question de laisser notre soleil à des opérateurs venus d’ailleurs
Cette bonne nouvelle, c’est le résultat de plus de 10 ans d’engagement et de persévérance de l’équipe municipale du village et de son maire Patrick Sabin. Après la tempête Klaus de 2009, voyant arriver de nombreux opérateurs étrangers tout prêt à installer des hectares de panneaux photovoltaïques sur les bois communaux dévastés, le maire se rebiffe, et perçoit l’opportunité de prendre les choses en main. « Il était hors de question de laisser notre soleil à des opérateurs venus d’ailleurs, il fallait que ce soit les opérateurs locaux qui investissent », commente Patrick Sabin.
Embarquant la communauté de communes Coeur de Haute-Lande à ses côtés, avec le soutien bienveillant et constant de la Région, et des autres membres du réseau national des Territoires à Energies Positives (TEPOS), le village se lance peu à peu dans une véritable conquête de son autonomie énergétique. En appui aussi des derniers investissements, le plan France Relance, et le Sydec des Landes (syndicat d’équipement des communes des Landes).
Au top de l’innovation énergétique
« Emmener un village de moins de 600 habitants là dedans… on m’a un peu pris pour un illuminé au départ ! Mais quand on explique qu’on n’augmente pas les impôts parce que les charges énergétiques de la commune baissent, on arrive à convaincre ». En 2008, la facture énergétique du village était de 58 000 euros, elle est de 34 500 euros aujourd’hui, alors que le patrimoine de la commune s’est étendue. Elle compte désormais près de 800 habitants.
« Entre 2008 et 2023, le coût de l’énergie a bondi de 139 %. Chez nous la facture a baissé et les impôts n’ont pas augmenté depuis 2008 ». Derrière ses airs de village landais tranquille, Escource est au top de l’innovation énergétique, entrainant dans son sillon la communauté de communes. Trente-deux toitures photovoltaïques sont installées sur les bâtiments des communes qui la composent.
A Escourse, la salle polyvalente est équipée pour l’autoconsommation et elle abrite aussi trois batteries de 40 KW qui permettent d’alimenter 150 lampadaires standards de la commune. Les 341 candélabres restants sont entièrement autonomes, construits en Nouvelle-Aquitaine par la société Fonroche. Les toilettes publiques sont elles pourvues de panneaux hybrides. Fabriqués par la société girondine Base, ils permettent de fournir lumière et chauffage au bâtiment. Le même type de panneau équipe notamment la piscine de Sore.
Une ombrière photovoltaïque de 350 m2, à la pointe de la technologie a aussi été construite. Outre sa production de 75 kW, elle est équipée d’un système bidirectionnel permettant à la fois de recharger les véhicules électriques actuels ou à venir du village et de la communauté de communes mais aussi, la nuit, d’utiliser les voitures électriques comme de véritables batteries de réserve permettant de nourrir le réseau, jusqu’à une limite prédéfinie par véhicule. Le système « qui existe déjà au Japon », confie le maire, n’est pas encore mis en œuvre en France, mais à Escource tout est déjà prêt pour pouvoir le faire. Patrick Sabin parie sur 2024 pour sa mise en route.
350 kW supplémentaires au bénéfice de la population
Cette année sera aussi celle de la mise en production d’une toiture de 100 kW sur un bâtiment technique de la commune, et d’une autre de 250 kW sur un bâtiment agricole. C’est avec ces 350 kW supplémentaires (soit 400 000 kWh à vendre) qu’il compte bien élargir le nombre de commerçants bénéficiaires du tarif communal mais aussi en faire profiter l’ensemble de la population. Pour accéder au tarif communal les habitants devront adhérer à une SAS citoyenne (entre 100 et 200 euros la part) , elle-même actionnaire jusqu’à 25% de la Société d’économie Mixte en charge de la gestion des infrastructures locales.
Bien décidé « à sortir des prix du marché de l’énergie », Escource ne se limite pas à l’auto-consommation collective de l’électricité. La commune a aussi investi dans un réseau de chaleur alimenté par deux chaudières bois. « Habituellement la chaudière de secours est une chaudière au fuel, mais l’idée étant de se départir de toute énergie fossile, on a insisté pour avoir deux chaudières bois. Résultat, ça fonctionne et ça nous a même couté moins cher ! » Sont ainsi chauffées, la médiathèque, la mairie, l’école, l’école de musique et la salle polyvalente. Un investissement à hauteur de 480 000 euros soutenu à hauteur de 69 % par la Région.
Mais là encore, le maire d’Escource a voulu que le système soit parfaitement « circulaire et vertueux ». Face à « l’aberration de voir des chênes centenaires coupés pour finir brulés dans les chaudières », il a initié au sein de la communauté de communes, dont il est vice-président, de construire une plateforme de fabrication de plaquettes forestières à destinations des collectivités, en utilisant les ressources locales. « Nous avons 600 hectares de forêt communale, nous en consommons 70 tonnes par an, ça représente 2 500 m² de forêt en pin maritime… on n’est loin du risque de déboisement ».
Autant d’actions très concrètes auxquelles s’en ajoutent bien d’autres comme la mise en place d’une plateforme de diagnostic énergétique pour les particuliers (dès 2017) à l’échelle de plusieurs communautés de communes, ou la mise en place, en cours, de marchés groupés pour les citoyens qui veulent s’équiper à leur tour de toiture photovoltaïque.
Des actes et des paroles pour le faire savoir. Au total, « plus d’une soixantaine de collectivités sont venues voir ce qu’on faisait ici et sur le territoire de la communauté de communes. On pensait que c’était un devoir de le faire et on a été très content de le faire », conclut le maire qui a annoncé quitter son mandat au mois de juin prochain.