Les messages d’alerte ne cessent d’être diffusés et les spécialistes ont les yeux rivés vers le ciel : l’hiver a été sec et suite à la sécheresse du printemps et de l’été 2022, les pluies du printemps 2023 ne suffiront pas à atteindre un niveau correct des réserves hydriques. Nous aurons finalement passé l’hiver sans connaître les coupures d’électricité envisagées à l’automne, mais l’arrivée du printemps apporte une autre crainte : de possibles coupures d’eau potable ou au mieux, des restrictions de l’usage de l’eau. La situation est plus ou moins alarmante selon les départements.
Ne pas dramatiser à ce stade de l’année
En Charente-Maritime, le niveau des nappes phréatiques ne présente pas d’inquiétude. Les pluies de décembre et janvier (jusqu’au 20) ont permis une remise à niveau, faible, mais remise à niveau tout de même. En revanche, les deux barrages de soutien d’étiage de Lavaud et de Mas Chaban sur le fleuve Charente – d’où provient la majorité de l’eau distribuée en Charente-Maritime – ne sont eux qu’à 40% de remplissage (au 7 mars) là où, en année « normale » et à une date similaire, ils sont à 70% remplis.
« Pas question de dramatiser pour autant », précise Christophe Sueur, président d’Eau 17 et de la Rese. Le maire de Saint-Pierre d’Oléron rappelle que si en 2022, la France a connu une sécheresse sévère, en 2021, en revanche, les pluies avaient été abondantes et l’ensoleillement rare. Un point sera fait par le préfet de Charente-Maritime, Nicolas Basselier le 27 mars prochain.
La plus grosse usine de production d’eau de Charente-Maritime ouverte au public
Différentes étapes permettent l’assainissement de l’eau, comme ici les philtres à sable.
C’est dans ce contexte qu’Eau 17 et la Rase lancent une campagne de sensibilisation sans précédent auprès des Charentais-maritimes : grand public, agriculteurs, élus, professionnels du tourisme et scolaires. Eau 17, engagée dans cette politique de gestion résiliente de l’eau depuis 2020, sort cette année le grand jeu. Parmi les points forts de cette opération séduction, l’ouverture de l’usine Lucien Grand de Saint-Hippolyte au public à treize reprises.
L’usine de traitement des eaux de Saint-Hippolyte est la plus grande usine de production d’eau potable du département. Un lieu performant où l’eau est surveillée et contrôlée en permanence par une vingtaine de techniciens. Elle traite 13 millions de m3 d’eau par an. En période estivale, elle atteint une capacité de traitement de 60 000 m3 par jour, car l’afflux touristique sur le littoral entraîne une nécessaire adaptation de la production d’eau potable. Rien que pour l’île de Ré, la consommation d’eau quotidienne passe de 4000 m3 en hiver à 17 000 m3 au mois d’août.
Grâce à un réseau structuré et à un maillage conséquent, le syndicat Eau 17 et la Rese produisent et distribuent l’eau potable partout dans le département à un tarif identique, y compris en zone rurale. L’enjeu est de maintenir un partage de la ressource pour tous les usages en Charente-Maritime et ce sur du long terme, à échéance de 2050.
L’objectif des visites de l’usine Lucien Grand, à laquelle seules les 28 communes de la communauté d’agglomération de La Rochelle et la ville de Rochefort ne sont pas adhérentes, est aussi de montrer les atouts de l’eau du robinet : un produit local, de qualité, écologique et économique. Une ressource à utiliser avec parcimonie.
Lutter contre les fuites, réutiliser les eaux grises
Hortense Bret explique comment l’eau est assainie.
40 millions d’euros sont investis chaque année par Eau 17 dont 20 millions pour entretenir et améliorer le réseau afin de faire la chasse aux fuites ; un objectif majeur pour ne pas gaspiller la ressource. Une stratégie de détection et de sécurisation des fuites sur le réseau est mise en pratique. Dans le département, la perte est évaluée à seulement 13%, cela peut atteindre 50% ailleurs.
L’anticipation de la raréfaction de la ressource passe aussi par la restructuration d’anciens forages et la création de nouveaux, en zone littorale notamment. À l’île d’Oléron, un troisième forage va venir compléter les deux existants, pour être activé en été quand la distribution d’eau potable est tendue.
Un autre levier d’action pour « renouveler la ressource » cette fois, consiste à étudier les moyens d’assainir et de réutiliser les eaux grises ou les eaux usées des stations d’épuration, la REUT ( ou Reuse) dans le jargon. Depuis quatre ans, Eau 17 se penche sur cette solution. L’île de Ré, et sa station d’épuration de La Flotte, sert de zone test avec la réutilisation d’une eau classée A en sortie de station, permettant l’arrosage par les maraîchers de la pomme de terre primeur en AOP.
*Eau 17 est un établissement public qui organise le service de l’eau et de l’assainissement en Charente-Maritime pour 500 000 habitants répartis sur 432 communes.
*La Rese est la régie publique d’exploitation du syndicat Eau 17 et le 1er producteur et distributeur d’eau potable en Charente-Maritime.