Université d’été du PS à La Rochelle: la guerre des idées n’aura pas lieu


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Université d'été du PS à La Rochelle: la guerre des idées n'aura pas lieu

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 30/08/2008 PAR Jean-Baptiste Rey

Parti à l’aurore de la gare de Bayonne, ayant traversé les brumes emmanuellistes de la forêt landaise et des matins difficiles, le premier militant socialiste rencontré dans le train Bordeaux-la Rochelle est un camarade lecteur du Canard Enchaîné et de Libération. Chemise blanche aussi immaculée que son portable à stylet, Pierre est enseignant. Il fait la navette entre Paris et Bordeaux où il donne des cours d’Histoire Contemporaine. Spécialiste de la Troisième République, il peut rendre de grands services à son parti qui n’arrive pas à trouver de majorité viable en interne. Cette boutade ne le fait d’ailleurs pas rire et il refuse le terme « Think thank » même si il concède qu’il travaille effectivement pour une « Boite à Idées » proche du premier secrétaire François Hollande et du maire de Paris, favori dans les sondage pour lui succéder : Bertrand Delanoë.

Une arrivée au cimetière des éléphants sous un soleil de plomb

Pas le temps de développer, nous voici arrivés sous un soleil de plomb dans ce que beaucoup surnomment ici « le cimetière des éléphants ». Un cimetière surpeuplé : plus de 4000 militants attendus, 8000 selon l’optimiste service d’ordre. Tous les hôtels affichent complets. Le Camping Le Soleil accueille la plupart des militants du Mouvement des Jeunes Socialistes. Il reste quelque places dans le deuxième camping municipal, au Port Neuf très excentré du lieu de l’Université : l’espace Encan.

« Mon Dieu, ça lui reprend »
Le temps de monter la tente, je manque l’ouverture. Je ne verrai donc pas Ségolène Royal, en hôtesse d’accueil-présidente de la Région Poitou-Charentes. Je ne l’entendrai pas citer Juliette Gréco : « Aimez-vous les uns les autres ou disparaissez! ». Mais je suis aux premières loges pour les sarcasmes des militants MJS arborant des T Shirts « C’est aujourd’hui que l’avenir s’invente ». « Mon dieu, ça lui reprend. S’étouffe l’un d’entre eux. La Madone nous fait encore du mystique ». L’intéressée récidive le soir même, devant ses partisans, en prônant une « transcendance » en politique. Puis elle s’envole pour une rencontre avec la gauche italienne.

Sur l’esplanade de l’espace Encan, le maire de Paris a fait garer sa voiture de fonction avec gyrophare juste en face des cinq camions satellites qui couvrent l’évènement. Les caméras des chaînes d’informations en continu BFM et Itélé filment exactement le même plan : une centaine de militants agglutinés près de la porte d’entrée, écrasés par le soleil qui suivent en repérant les perches des micros, la très savante danse des ténors du PS. Beaucoup pavanent, certains s’évitent. François Hollande fait la bise à Ségolène Royal. Immédiatement les journalistes font remonter l’information capitale à leurs rédactions parisiennes.

Pourquoi apprend t’on plus de choses en allumant la télé qu’en étant sur place?
L’essentiel est invisible pour les simples badauds, même si ils sont militants. Cette Université est avant tout l’occasion de préparer le congrès de Reims en novembre. Les 21 contributions déposées vont fusionner dans la douleur pour devenir des motions. François Hollande a proposé un jeu devant les jeunes militants : que les contributions s’accouplent en fonction des idées et non de leur signataires. Étrangement, personne ne joue. L’Université d’été « Officieuse », où se joue l’avenir du parti est invisible à l’espace Encan. Elle est cantonnée dans les brasseries alentours. Comme au café de l’Aquarium ou au bar « Le Bout du Monde » sur le port des minimes. Certains journalistes VIP sont prévenus d’un conciliabule gastronomique, les autres restent bêtement à écouter des débats qui n’en sont pas.

Le hall est le point névralgique de l’Université « Officielle ». Celle des 21 « ateliers »de réflexions, des assemblées plénières. Les militants refont le monde à la buvette ou passent de longues minutes à faire des emplettes dans la créative boutique du PS. Bien sur, il y a des cravates, bracelets, écharpes, mugs, briquets, pins, stylos et bonbons tous affublés d’une rose. Mais le PS s’est aussi mis à produire des bijoux pour portable, des peignes rétractables et même des lingettes « La Droite, on s’en lave les mains ». Prévoyant ou utopiste, le Parti Socialiste vend aussi des mousquetons-porte clefs qui seraient fort utiles pour ne pas retomber si tant est qu’ils remontent un jour dans les sondages.

« Qu’éclate enfin la guerre des idées! » Jade, 20 ans, étudiante à l’IEP de Rennes.

Anne-Sophie et Jade, 40 ans à elle deux, étudiantes à Rennes ont acheté un tablier « La parité, c’est bien ». Elles se sont rencontrées en « tractant » puis en « bloguant » pour Ségolène Royal. Elles sont deux représentantes des fameux « militants » à 20€ qui sont en voie de disparition. Traumatisées par l’élimination du PS le 21 avril 2002, elles se sont inscrites au PS la veille de la clôture pour la présidentielle de 2007. Anne-Sophie se souvient qu’elle ne pouvait « pas voter Sarko, et Ségo était quand même le moindre des maux. Et puis en militant, je l’ai trouvé pas si mal. » Jade a d’abord été attirée par les critiques contre elle. « Moi, ce n’était pas par défaut. J’étais admirative de la constance de ses positions, de son parcours ; contrairement à ce qui a été dit ». Désormais elle se prononce pour Dominique Strauss Kahn et si il ne revient pas du FMI à temps, elle voit d’un bon oeil la candidature de Pierre Moscovici surnommé par les militantes « Moscosexy ». Se revendiquant « progressistes pragmatiques », les deux demoiselles vont partir pour l’ile de Ré. Elles sont juste là pour « prendre la température avant le congrès, voir si ils se sont calmés avec leurs clivages bidons. » Elle lèvent leurs petits poings manucurés et réclament au ciel qui refuse d’interrompre la canicule : « On veut qu’éclate enfin la guerre des idées ».

C’est pour cette guerre des idées qu’existent, théoriquement, les Ateliers. 21 thèmes internationaux ou hexagonaux : Où en est la présidence française de l’UE? La question des flux migratoires ; Quelle politique économique et sociale de gauche? etc. Chacun est approfondi par une belle brochette de « grands témoins » qui se répartissent la parole en fonction des « animateurs ». On imagine aisément les heures de travail et de négociations pour accoucher d’un programme aussi vaste avec des intervenants qui ont tous leurs exigences. Le résultat est décevant. Cela pourrait être une noble guerre des idées comme le souhaite nos deux militantes bretonnes. C’est plutôt une assoupissante suite de monologues.

Laurent Fabius se voyait pourtant en sage actif
Le plus piètre exemple étant donné par Laurent Fabius. Nous l’avions laissé l’année dernière en tribun pouvant prendre aux tripes toute une salle sans notes. Un an plus tard, s’exprimant dans le luxueux auditorium sur le Manifeste du Parti Socialiste Européen, il expose le temps qui lui est attribué en suivant inexorablement le déroulé de ses fiches. Voyant que l’assistance s’endort, l’ancien plus jeune premier ministre de France a alors recours à une arme sarkozyste : il s’auto-pose des questions pendant une bonne demie heure. Alors pour suivre le modèle de Sarkozy, Benoit Hamon assis à ses cotés entreprend de pianoter aussi ostensiblement que frénétiquement sur son téléphone portable. Pierre Moscovici qui se mange la main quitte la salle avant la fin, sauvé par un direct sur Itélé.

Sur le passage du député du Doubs, les gens le félicitent d’avoir rasé sa barbe – comme Julien Dray, porte-parole du PS. Une quinquagénaire lève le pouce en sa direction pour l’encourager pendant qu’une dame en chaise roulante lui adresse ce mysterieux message « Pierrot, pense à ta tante, t’es trop bronzé. » Imperturbable, « Mosco » jette un oeil à son attaché de presse qui lui fait signe d’arranger son col de chemise. De son intervention sur Itélé, on ne saura rien de la rumeur persistante qui lui accorde des préparatifs d’alliance avec Martine Aubry. Pour l’heure, celui qui est encore officiellement candidat à la succession de François Hollande, simule l’hésitation en demandant au caméraman « J’ai bien regardé où il fallait? ».

Personne pour suivre François Hollande
Dans le grand hangar qui donne sur le port de La Rochelle, François Hollande rencontre une bonne double centaine de militants du MJS. D’après certaines mauvaises langues, le nouveau président du mouvement des jeunes socialistes : Antoine Détourné ne serait que l’homme de paille de son prédécesseur Razzy Hammadi. Celui-ci en charge d’un discret Secrétariat National du PS à la Riposte a du mal à rebondir après une très sévère défaite aux municipales à Orly. Le premier secrétaire du PS est donc avec Antoine Détourné devant les jeunes militants. La salle de presse est attenante mais quasiment aucun journaliste n’est présent excepté Canal plus qui filme les questions parfois vindicatives mais toujours respectueuses. « Tumultueux mais fraternels, vous êtes allés à l’essentiel » leur répond le chef de l’opposition « N’oublions pas que nous sommes la force du changement… même si nos jeux internes sont illisibles et nos ambitions personnelles superflues. Si tous les membres du PS avaient la même solidarité que vous… ». C’est sur cette estrade, face à ces militants que Lionel Jospin avait fondu en larmes en 2006 face à une militante qui lui demandait pourquoi il les avait quittés. François Hollande, lui, sourit tristement et tend à bout de bras les chocolats de Bayonne qu’on vient de lui offrir en disant : « Vos chocolats, je les mets au congélateur, je suis sûr qu’ils tiendront jusqu’en 2012 ».

Bertrand Delanoë, encore au port, dîne aux « Grands Yachts »
Le soir même, autour d’un plat de moule au roquefort, sur le port, des militants parlent du gros rejet qu’on ressent ici envers le jeune lion qui voulait tuer les éléphants : Arnaud Montebourg. Le turbulent et charismatique député de Saône-et-Loire, partisan de la VIème République et du mandat unique a perdu une partie de ses militants du NPS en devenant aussi au printemps, président du conseil général de Saône-et-Loire. Une militante clame « Pour le mandat unique, on va dire que Montebourde (son surnom après un malheureux jeu de mots anti Hollande en pleine campagne électorale) est cathodique mais pas pratiquant ». Les rires sont immédiatement interrompus par l’arrivée d’Harlem Désir, ex-président de SOS Racisme, député européen et surtout homme de confiance du maire de Paris. « Taisez-vous, intime l’auteure du bon mot sur Montebourg, Bertrand est dans la salle! ». Effectivement, juste derrière nous, la voix grave et éraillée par la nicotine de Bertrand Delanoë retentit « Bon appetit les amis » glisse t’il avec un sourire. La brasserie s’appelle « Les Grands Yachts ». L’Université d’été a pour sous titre « Pour une alternative crédible en France et en Europe ».

A suivre, cette nuit Aqui! est invité à la MJS Party.

Paul Larrouturou

 

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