Gironde : une rentrée en résilience


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Temps de lecture 9 min

Publication PUBLIÉ LE 12/09/2019 PAR Romain Béteille

Chacun aura donc eu son mot de rentrée, celui censé fixer le cap pour les mois à venir. L’esprit collectif pour la métropole, l’équilibre pour le maire de Bordeaux et enfin la résilience pour Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde, qui a effectué sa rentrée politique ce jeudi 12 septembre à Bordeaux. Une rentrée un peu plus fournie en annonces que les deux précédentes, la volonté affichée étant de déployer de nouveaux axes de travail à inscrire « dans le marbre » lors du prochain budget primitif de 2020 qui sera débattu en assemblée plénière en décembre. Les premières pistes font état de la volonté d’une « Gironde résiliente qui s’adapte aux changements climatiques et sociétaux ». Si elle développe déjà des actions dans ce sens (en sanctuarisant 2200 nouveaux hectares en Espaces Naturels Sensibles dont 47 en gestion directe, en accueillant 70 000 personnes au Domaine de Certes de Graveyron, espace d’observation de la nature et de sensibilisation, en déployant un dispositif « zéro herbicides » ou encore en tentant des expérimentations sur l’entretien des routes en remplaçant le bitume issu du pétrole par des émulsions végétales provenant de l’industrie du papier), son président a affirmé sa volonté d’aller plus loin dans l’action. Ces résolutions passeront ainsi par plusieurs temps forts : les prochains conseils de territoires en octobre et novembre seront ainsi l’occasion d’échanger autour de ce thème de la résilience, avant des orientations et actions à venir dans le prochain budget (et une « conférence des solidarités début 2020 pour « sensibiliser les élus locaux »). À ce terme, qu’il concède « un peu technocratique », Jean-Luc Gleyze oppose la volonté d’une réflexion « simple : comment les girondins mangent, boivent et respirent ? C’est une question de santé publique, la résilience n’est pas un sujet théorique ».

Rencontres agricoles

L’un des leviers d’action envisagés, c’est celui de l’agriculture. « Nous devons aider à la transformation du modèle agricole. La Gironde est très observée, notamment sur la question des traitements, dans la vigne mais pas seulement. On ne peut pas se contenter d’organiser des assises et d’échanger des résolutions. Il faut plutôt comprendre ce qui se joue pour ceux qui ont réussi à changer de modèle, ceux qui aimeraient le faire et ceux qui sont plus réticents. Je vais donc aller à la rencontre des agriculteurs sur le terrain pour comprendre ce qui bloque et comment nous pourrions contribuer ». Les premières dates de cette « tournée agricole » girondine sont déjà fixées : le 18 septembre en Sud-Gironde, le 19 dans le canton de Créon et le 20 dans celui de La Brède. La collectivité souhaite compléter cette réflexion avec une « stratégie dédiée à l’alimentation, un programme « qui va se bâtir sur les volets de la production et de la consommation pour manger mieux et local pour l’ensemble de la population, permettre aux agriculteurs de vivre de leur travail et préserver l’environnement. À ce stade, nous sommes sur 25 actions et quatre axes : le développement du foncier agricole, l’accompagnement aux agriculteurs bio et aux démarches environnementales, le soutien et la valorisation des circuits courts et le déploiement d’un environnement de qualité ».

Concernant le sujet des zones tampon et de l’interdiction des épandages, en revanche, l’élu s’est montré plus sceptique. « Je ne suis pas certain que ce soit la bonne manière d’appréhender le sujet. Je pense qu’il faut partir des causes : pourquoi y-a-t-il ces produits et comment nous pouvons remplacer les pratiques pour faire en sorte que la production agricole puisse continuer sans générer des pollutions chimiques. Certains agriculteurs défendent le fait d’être passés en biodynamie et qu’ils sont capables de produire de la qualité sans produits chimiques et qu’en face, d’autres disent encore que ce n’est pas possible. C’est pour ça que nous voulons aller les voir ». Pour ce qui est des actions éventuelles, là encore, Décembre devrait en dire d’avantage, mais notons que le tout s’annonce dans un contexte ou cinq grandes villes de France (Paris, Lille, Nantes, Grenoble et Clermont-Ferrand) ont annoncé ce jeudi l’interdiction des pesticides sur leur territoire dans l’objectif de changer la loi de 2017, une annonce considérée comme un « coup de com' » par la ministre de la Transition écologique, Elizabeth Borne. Plus près de nous, la maire de Parempuyre a pris un arrêté fin août pour interdire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des habitations sur sa commune, plusieurs mois après les remous autour de la construction par le département d’un futur collège proche d’une zone d’épandage. Le sujet semble donc loin d’être épuisé…

Un pas vers le participatif

L’une des compétences importantes du département, à savoir les solidarités humaines et territoriales, n’ont pas été oubliées. Le département a ainsi annoncé deux concertations. La première portera sur le développement social (accompagnée d’une stratégie, elle aussi présentée au prochain budget). « Nous voulons être dans une démarche offensive pour regarder comment, au-delà des solidarités humaines que nous connaissons habituellement, nous pouvons aussi inclure d’autre champs comme la culture, le sport ou d’autres actions éducatives, de manière plus transversale encore ». La seconde incluera les girondins pour définir les règles d’un nouveau « budget participatif » (de deux millions d’euros « à minima »). Elle devrait s’ouvrir en octobre et solliciter les contributions extérieures pour définir son règlement (échelle et modalités de vote, plafonnement des aides, etc.), la présentation du budget final et des actions retenues étant prévu pour juillet. La Gironde compte aussi se doter d’un « panel citoyen » d’une quarantaine de personnes représentatives de la population départementale, recrutées de manière aléatoire. Elles se réuniront cinq fois entre décembre et avril avant de présenter un avis consultatif à l’assemblée des élus dans la foulée.

Aide Sociale à l’Enfance : ça bouge encore

Toujours sur le volet social, Jean-Luc Gleyze et Emmanuelle Ajon (vice-présidente du département en charge de la protection de l’enfance) sont revenus sur les révélations plutôt animées de ces derniers mois autour du centre d’aide sociale à l’enfance d’Eysines, qui a un peu cristallisé tous les problèmes rencontrés par les travailleurs sociaux de ces centres répartis un peu partout sur le territoire. Depuis, les choses se sont un peu apaisées. « Plusieurs éléments de réponse ont été apportés à l’urgence et à l’augmentation du nombre d’enfants placés en ASE. Concernant le CDEF d’Eysines, l’idée est d’éviter d’avoir une structure trop importante en matière d’enfants accueillis. Nous procédons progressivement au désengorgement avec des solutions alternatives, plutôt de petites structures. Nous travaillons toujours sur des volets innovation : le village de fratries verra prochainement le jour, nous avons mis en place des solutions comme le Pavillon des Six Papillons à Talence avec une collaboration entre des personnels médico-sociaux et du sanitaire (santé psychique). Des audits généraux ont été faits sur la protection de l’enfance et le CDEF (qui a nommé un nouveau directeur et une nouvelle directrice de la protection de l’enfance et de la famille), reste à regarder comment, à partir de ces audits, avoir un pilotage encore plus accentué ». Les deux élus sont également revenus sur le cas des Mineurs Non-Accompagnés, dont le nombre, estimé en mai dernière à 1100 jeunes, aurait doublé en Gironde en trois ans (chiffres de 2017). « Pour nous, un Mineur Non Accompagné considéré mineur est un enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance comme un autre, peu importe sa provenance. Je pense qu’on a une moindre croissance de l’arrivée des MNA, ce qui nous permet d’être un peu moins dans l’urgence. Nous sommes à 250 millions d’euros d’aide au titre de la protection de l’enfance, à quasi-équivalence avec le RSA aujourd’hui, ce qui n’est pas propre au département de la Gironde ».

« On arrive à sortir de cette urgence, même si on ne peut pas prévoir les flux d’arrivée de ces jeunes », enchaîne Emmanuelle Ajon, plus prudemment. « Nous avons lancé il y a un mois un appel à projets pour ouvrir 600 nouvelles places d’accueil de MNA. C’est donc une phase de stabilisation et de prévision des besoins, ce qui est plus confortable pour aller chercher des partenariats d’insertion. Le CDEF est lui aussi dans une phase d’expérimentation avec une formation de 40 heures pour comprendre la réalité derrière la politique de protection de l’enfance, elle est reprise nationalement pour servir de base. Nos petites unités de six à huit jeunes sont en train de se déployer un peu partout (comme, par exemple, à Caudéran) ». Enfin, Jean-Luc Gleyze est également revenu sur le dossier Emmaüs Gironde et l’agitation de ces derniers mois autour des conditions d’accueil de ses centres. Il a annoncé que plusieurs centres avaient été fermés (à Martillac et Parempuyre) et que d’autres étaient en inspection (le Home de Mazères) et/ou en attente d’un administrateur provisoire (le centre Gardera de Langoiran). « Plus largement, le sujet m’a amené à considérer qu’il fallait être plus proactif sur les inspections aléatoires dans les établissements de protection de l’enfance mais aussi ceux dédiés aux personnes âgées et handicapés. Nous développons une nouvelle action dans ce sens avec une démarche d’inspection plus poussée que celles que nous faisions jusqu’à présent pour s’assurer que toutes les associations soient à la hauteur de l’enjeu de cette prise en charge ». 

Discours et dissensions

Avant de conclure une rentrée déjà plutôt chargée, évoquons les relations « cordiales » que la Gironde entretient avec les collectivités voisines, à savoir la Région Nouvelle-Aquitaine et la Métropole et sur les quelques affres d’une « cogestion » à la continuité récemment souhaitée par le président de la métropole Patrick Bobet et le maire de Bordeaux, Nicolas Florian. Ces derniers, comme Alain Juppé avant eux, ont appelé de leurs vœux l’instauration prochaine d’assises des territoires. Une proposition qu’Alain Rousset avait, on s’en souvient, accueillie avec un brin d’ironie. Sur ce point, le constat de Jean-Luc Gleyze le rejoint. « La question, c’est ce qu’on y met dedans, pas juste de se réunir et de convoquer la presse. Si c’est une logique de troc, si on veut donner un peu à quelques-uns pour qu’ils ne viennent pas rouspéter si la métropole continue à se développer, si c’est capter des ressources en secteur périphérique pour les amener à la métropole avec juste une valeur d’échange et quelques aides, ça ne me convient pas. Aujourd’hui, la métropole a plutôt tendance à contractualiser à la tête du client. Les assises des territoires, ce n’est pas ça. C’est une approche globale ou tout le monde se sent concerné pour garantir le niveau de services et d’équipements nécessaires pour rompre l’isolement qui a mobilisé les gilets jaunes. S’il y a du fond, je veux bien participer, mais il faut une volonté affichée avec des objectifs clairs ».

Le grand contournement routier, revenu récemment dans les débats par la volonté d’une réactivation d’un barreau entre Mussidan et Langon censé fluidifier le trafic sur la rocade Bordelaise, a lui aussi été accueilli par l’élu socialiste avec un brin de scepticisme. « Le sujet, c’est la rocade dont 72% des trafics se font en baïonnette : d’une commune de la métropole vers une autre. Ce ne sont pas les girondins qui vont résoudre les problèmes de la thrombose, c’est un problème national voire européen. Mettons l’État dans la discussion. La loi NOTRe nous a privé de la compétence de voirie sur la métropole, c’est donc à elle de trouver des solutions en premier. À l’extérieur, on peut faire des choses et on a déjà commencé : la déviation de Fargues Saint-Hilaire pour améliorer l’entrée vers la métropole ou sa sortie depuis le Créonnais ou encore la déviation du Taillan pour laquelle l’arrêté de la préfète devrait intervenir assez rapidement pour nous permettre de débuter les travaux. Nous développons toujours des aires de co-voiturage en entrée de métropole pour tenter de désengorger la situation. Je suis partant pour travailler à une réflexion globale mais les sujets résolus à vingt ou trente ans ne vont pas apporter les solutions immédiates dont nous avons besoin. D’ici là, nous aurons le temps d’être asphyxiés encore plus par le transit autour de la métropole ». 

Le dernier sujet de crispation évoqué par Jean-Luc Gleyze a été celui des pompiers, actuellement en grève intersyndicale et nationale depuis plusieurs semaines, dénonçant notamment le manque de moyens face à une hausse constante du nombre d’interventions (de 80 000 en 2007 à 138 000 en 2019 dont plus de la moitié sur la métropole). En endossant sa casquette de directeur du SDIS 33 (Service Départemental d’Incendie et de Secours), il a réclamé des moyens (3,5 millions d’euros, dont 1,5 millions en dépenses de fonctionnement et deux millions en investissements) à la métropole pour assurer le recrutement de 120 pompiers supplémentaires et l’achat de matériel. « Si elle ne finance pas, je ne pourrais pas recruter. Dans une logique d’équilibre territorial, il faut qu’elle participe au financement. Nous attendons toujours son accord ». Une rentrée résiliente, certes, mais pas résignée…

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