Pêche en mer : une filière en colère


Les 30 et 31 mars, les marins pêcheurs ont organisé deux journées « filières mortes » : ports et criées fermées, activités réduites. En Charente-Maritime, ils ont exprimé leur grogne avec un barrage filtrant au pont de Ré suivi d’une manifestation.

Barrage filtrant à la gare de péage de l'île de Ré.Virginie Valadas | Aqui

Les marins pêcheurs ont organisé un barrage filtrant à la gare de péage de l'île de Ré.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 31/03/2023 PAR Virginie Valadas

Comme les jours de sorties en mer, ils se sont levés très tôt le jeudi 30 mars. Les marins pêcheurs en ont l’habitude, mais cette fois, ce n’était pas pour embarquer sur leurs navires, leurs chaluts, leurs coureauleurs et aller pêcher seiches, araignées, langoustines, maigres ou soles. Mais pour regagner, depuis les ports de Chef de Baie, de Royan, de La Cotinière, de Meschers sur Gironde et même de Vendée, le pont de l’île de Ré et y organiser un barrage filtrant à la gare de péage. Deux voies (sur huit) étaient ouvertes et gratuites pour les automobilistes. A l’heure de l’embauche, cela n’a pas manqué de créer un grand ralentissement sur la rocade rochelaise.

A la gare de péage, entre deux feux de cagettes et de pneus, des panneaux hostiles aux ONG, la silhouette d’un pendu en ciré jaune accroché à un pylône du péage pour planter le décor. Un peu plus d’une centaine de représentants de la profession exprimait son ras-le-bol en interpellant les automobilistes et en distribuant des tracts explicatifs. Des tracts et un mouvement de protestation qui étaient plutôt bien accueillis par les automobilistes, qui y allaient même de leur coup de klaxon de soutien.

Une nouvelle génération de marins qui s’interroge sur son avenir

Dans ce groupe de manifestants, quelques patrons de pêche avec de la bouteille, certes, quadras et quinquagénaires qui n’en sont pas à leur premier mouvement de grogne, mais surtout, une majorité de jeunes matelots et marins entre 20 et 40 ans. Ils s’interrogent sur l’avenir de la profession et même de toute une filière, avec les mareyeurs, les criées, les transporteurs, les détaillants de poissons, qui étaient, une fois n’est pas coutume, solidaires de ces deux jours d’arrêt des activités.

Tout un symbole que cette silhouette de marin pêcheur pendu

Hugo Salagnac et Pierre Laurent, respectivement âgés de 20 et 22 ans sont de ceux-là. Ils ont épousé le métier par passion, pour faire comme leur père ou comme leur grand-père, après avoir suivi une formation spécifique au Lycée de la Mer de La Rochelle ou de Bourcefranc…  Ils fustigent les méthodes de l’association Sea Shepherd* qui par ses interventions intempestives de nuit les mettrait en danger ; « ce sont des pirates ». Ils parlent d’une ressource halieutique encore abondante et pourtant soumise à de nombreux quotas, mais surtout ils trouvent qu’on leur fait trop porter le chapeau pour la mortalité des dauphins et des marsouins, « il y a quelques années, quand on voyait un dauphin, on prenait une vidéo, c’était un événement rare, aujourd’hui, dès que l’on sort en mer, ils sont là par centaines autour des bateaux… »

La goutte qui a fait déborder le port

La goutte qui a fait déborder le port : le 20 mars dernier, le Conseil d’Etat rendait une décision demandant au gouvernement d’agir sous six mois pour garantir la survie des dauphins et des marsouins, en interdisant la pêche durant trois mois en hiver et durant un mois en été, comme le réclamaient trois ONG environnementales Sea Shepherd, la LPO et France Nature Environnement. Il n’en a pas fallu plus pour catalyser la colère des marins pêcheurs et même de toute la filière. « C’est comme si vous demandiez à un restaurateur qui a une centaine de tables de ne plus en servir que soixante ».

Dans le viseur des marins pêcheurs : les ONG environnementales

Une sanction pour eux, qui vient s’ajouter à la récente décision de Bruxelles d’interdire le chalutage dans les hauts fonds, à l’augmentation du prix du gazole, à la politique des quotas, aux difficultés de recrutement… Les interrogations sur l’avenir de la filière pêche française sont réelles et partagées, mêlées à un sentiment d’abandon, alors que les pêcheurs estiment avoir fait les efforts nécessaires pour préserver les écosystèmes marins, comme équiper leurs bateaux de pingers (appareils à ultra-sons répulsifs pour les cétacés).

Ils mettent surtout en avant qu’aujourd’hui, seul un poisson sur quatre sur les étals est issue de la pêche tricolore. Et si demain, cette filière de pêche artisanale française était appelée à disparaître, les Français devraient se tourner vers des poissons issus des autres pays de l’Union Européenne, voire provenant de plus loin.

Le Comité national des pêches demande un rendez-vous en urgence au Président de la République et menace de prolonger le mouvement de protestation s’il n’était pas entendu.


*Sea Shepherd : Fondée en 1977 par le capitaine Paul Watson,Sea Shepherd est l’ONG de défense des océans la plus combative au monde.

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