Pau: l’aéroport, refuge de biodiversité ?


La plateforme aéroportuaire de Pau Pyrénées s'engage depuis 3 ans pour la protection de la biodiversité sur ses installations.

Depuis 2019, 70 espèces d'oiseaux, 216 espèces végétales, 7 espèces de chiroptères et de nombreux insectes ont été répertoriés sur la plateforme aéroportuaire de PauR. Seitre/Aéro Biodiversité

Depuis 2019, 70 espèces d'oiseaux, 216 espèces végétales, 7 espèces de chiroptères et de nombreux insectes ont été répertoriés sur la plateforme aéroportuaire de Pau

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 10/09/2021 PAR Solène MÉRIC

« L’aéroport, sanctuaire de biodiversité ». Il est vrai que, dit comme ça, la phrase pourrait prêter à sourire, mais pourtant… au-delà des pistes, et autres zones enrobées, la plateforme aéroportuaire Pau Pyrénées abrite sur ses presque 200 hectares, une très large majorité de paysages naturels. L’infrastructure s’inscrit dans la moyenne nationale selon laquelle les pistes d’un aéroport sont entourées d’espaces verts sur 70% de leur surface. Des espaces naturels, et protégés de nombreuses actions humaines. Bien sûr des avions, et leurs nuisances diverses et variées, sont de passage, mais en l’absence d’autres activités humaines, faune et flore semblent largement s’en accommoder. C’est ce que constate à Pau, l’association Aéro Biodiversité dont la mission est de recenser, faire connaître et sensibiliser à cette richesse méconnue du patrimoine aéroportuaire français.

Prairies, bois, fossés, zones humides… Autour des pistes, la plateforme aéroportuaire de Pau, est à elle seule un éventail de paysages. Et son gestionnaire, la Société d’Exploitation Aéroportuaire Air py’ leur réserve une place de choix dans sa stratégie environnementale globale. « Dans le cadre de notre politique de protection de la biodiversité, nous nous sommes engagés depuis mars 2018 auprès de l’association Aéro Biodiversité, pour la réalisation de diagnostics et de recensements des espèces, ainsi que la diffusion de bonnes pratiques », confirme Didier Laporte, président de Air py’ Aéroport Pau Pyrénées.

Et pour cause, appuie la directrice de l’association, Hélène Abraham, « il y a ici des espèces remarquables protégées et qu’il faut continuer de protéger, et de faire connaître ». C’est bien là toute l’action de l’association Aéro Biodiversité qui associe à cela une démarche forte de science participative auprès des équipes aéroportuaires.

70 espèces d’oiseaux, 216 espèces végétales
Si l’association planifie 3 visites par an par des experts rattachés au Muséum d’Histoire Naturel de Paris, ces chargés d’études sont ainsi aussi missionnés pour diffuser leus protocoles scientifiques auprès du personnel de l’aéroport. Une mission de pédagogie pour une plus grande prise de conscience de la richesse environnementale en général et sur les zones aéroportuaires, en particulier.

Ainsi, depuis 2019 sur la plateforme aéroportuaire de Pau, les visites de l’association ont permis d’inventorier 70 espèces d’oiseaux, 216 espèces végétales, 7 espèces de chiroptères et de nombreux insectes dont divers papillons, parmi lesquels le Cuivré des marais, protégé au niveau national et présentant un statut de conservation régionale. On y croise aussi nombre de coléoptères, punaises, ou encore des abeilles sauvages… Un dernier constat qui enthousiasme d’ailleurs la directrice de l’association, rappelant la fragilité désormais bien connue de ces précieux pollinisateurs.

Abeilles, orchidées sauvages et lamproie
Du côté des plantes, au moins 4 espèces d’orchidées sauvages (et donc protégées) ont été repérées. Patrick, l’animateur spécialiste de botanique pour l’association, illustre aussi la richesse du lieu en notant par exemple la présence de Lin de France, ou encore « celle d’une autre plante qui n’est pas spectaculaire à voir, mais assez rare, le Silène de France, classé rouge parmi les végétaux menacés ».
Côté faune, Chloé Cornic, spécialisée en ornithologie, cite parmi les nombreuses espèces ayant pris l’aéroport pour refuge : le Bruant proyer, dont les populations sont en fortes régressions dans nos campagnes, la Gorgebleue à miroir, espèce de passereaux prenant le site comme aire de repos lors de ses migrations, ou encore l’Elanion blanc, petit rapace dont quelques individus semblent avoir choisi la plateforme comme résidence principale. Quant à la vision de l’aéroport comme un sanctuaire de biodiversité, la jeune femme partage l’idée, et cite notamment l’exemple des Alouettes des champs. « Il y en a vraiment beaucoup ici, hors c’est une espèce chassable… Elle ont véritablement trouvé un refuge sur la zone à la fois par l’absence de dérangements que pourraient leur causer les activités humaines, mais aussi, c’est certain, par rapport à la chasse ». Un avion ou un chasseur, les oiseaux ont fait leur choix.

Selon les observations d'Aéro Biodiversité, quelques individus d'Elanions blancs se sont sédentarisés sur la plateforme aéroportuaireR. Seitre/Aéro Biodiversité

Selon les observations d’Aéro Biodiversité, quelques individus d’Elanions blancs se sont sédentarisés sur la plateforme aéroportuaire

Enfin, parmi les découvertes inattendues, la jeune femme cite une rencontre faite en février dernier dans un des fossés humides de la plateforme : une lamproie. Le poisson suceur est lui aussi classé sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Concilier sécurité aéronautique et biodiversité
Chaque année l’ensemble des observations menées par l’association sur le plan national est compilé dans un rapport lui-même validé par un conseil scientifique aux membres éminents. Outre l’inventaire des espèces les plus emblématiques de ces espaces aéroportuaires, il liste aussi des bonnes pratiques, mises en œuvre ou suggérées auprès des gestionnaires des sites. Des préconisations qui ne valent en réalité qu’au regard du bon vouloir des gestionnaires des infrastructures. Mais pour ce qui est de l’aéroport Pau Pyrénées, Jérôme Le Bris, Directeur général d’Air’py, assure que « la seule ligne jaune, c’est la sécurité aéronautique ». Tant que celle-ci n’est pas passée, les préconisations de l’association, elle-même d’ailleurs bien consciente de cette priorité sécuritaire, resteront écoutées et suivies au mieux.

« Ce qui nous guide, reprend le directeur, c’est la gestion raisonnée de cet espace, en conciliant sécurité aéronautique et biodiversité ». Parmi les chantiers mis en œuvre visant à un meilleur respect de la biodiversité, il cite l’objectif de la proscription des produits phytosanitaires, la formation des agents, ou encore la mise en place de techniques d’effarouchement (indispensable à la sécurité aérienne) « à la fois plus ciblées et moins nuisibles pour les espèces concernées ».
Mais, c’est sur le fauchage que l’effort a été particulièrement porté, pointe Jérôme Le Bris. Réglementairement obligatoire et très cadré, ne serait-ce que pour une bonne visibilité de la signalétique sur les pistes, le partenariat avec l’association a permis « d’affiner le calendrier du fauchage, pour par exemple éviter les périodes de migration. Sur le fauchage encore, pour ce qui concerne la bande de piste, le choix a été fait de faucher de nuit plutôt que de jour. Outre une moindre activité sur site, ça a aussi des implications positives en termes de biodiversité », illustre le directeur.


Quête de reconnaissance
Un panel d’actions mis en œuvre qui pourrait bientôt devenir un peu plus contraignant puisque l’association Aéro Biodiversité travaille à une labellisation de la démarche, confie Hélène Abraham. « Le label qui comprendra trois niveaux, permettra de valoriser ce qui est déjà fait sur les plateformes aéroportuaires mais aussi de souligner les points qui seront à améliorer en termes de protection de la biodiversité », explique-t-elle.

Cette quête de labellisation, de communication et de reconnaissance des actions environnementales l’aéroport de Pau compte aussi la mettre en place sur l’enjeu de la diminution des gaz à effet de serre. « Nous sommes dans un processus de labellisation de l’aéroport à travers le programme Airport Carbon Accreditation porté par l’Association mondiale des aéroports, indique Jérôme Le Bris. Il s’agit de recenser nos émissions de gaz à effet de serre, et de mettre en œuvre un plan visant à les réduire ». Et l’ambition est la neutralité carbone de l’infrastructure aéroportuaire à 2040.

Hélène Abraham, directrice de l'association Aéro Biodiversité, Didier Laporte, président Air'py Aéroport Pau Pyrénées, Christelle Bonnemason-Carrère, adjointe au maire de Pau, Jérôme Le Bris, DG Air'py, Norbert Guichard directeur du SMAPPR. Seitre/Aéro Biodiversité

Hélène Abraham, directrice de l’association Aéro Biodiversité, Didier Laporte, président Air’py Aéroport Pau Pyrénées, Christelle Bonnemason-Carrère, adjointe au maire de Pau, Jérôme Le Bris, DG Air’py, Norbert Guichard directeur du SMAPP

Une démarche d’engagement globale de l’aéroport qui est par ailleurs saluée par Christelle Bonnemason-Carrère, conseillère communautaire et adjointe au maire de Pau chargée de la transition écologique. L’élue voit bien sûr d’un bon œil que l’aéroport et son vaste périmètre, ne fassent pas exception aux efforts de préservation de l’environnement portés par l’agglomération, via notamment son plan biodiversité, son plan climat, ou encore sa stratégie visant à la neutralité carbone d’ici, là aussi, 2040.

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