Le travail mené en partenariat avec France Nature Environnement Nouvelle-Aquitaine, que la Sepanso Aquitaine (fédération d’associations de protection de la nature et de l’environnement reconnue d’utilité publique) vient de révéler est le fruit de trois années d’exploration. Une étude qui fait suite aux recherches menées en 2012 par l’association Poitou-Charentes Nature sur son territoire et dont les résultats ont révélé une biodiversité jusque là insoupçonnée.
Des petites bêtes, du micron au centimètre
L’objectif poursuivi ? Dresser un inventaire de la faune aquatique souterraine, ou stygofaune, dans les deux anciennes régions Aquitaine et Limousin, mais aussi appréhender la relation qui peut exister entre la qualité des eaux souterraines et la présence de cette faune. Un vaste programme -le premier du genre mené sur une aussi grande échelle en France- qui a amené le collectif à investiguer près de 250 nouveaux sites, portant ainsi leur nombre à 600, contre 350 précédemment.
Des rivières souterraines dont celle du Douime à Azerat en Dordogne, mais aussi des sources (dont le Sorpt en Corrèze), des bassins, fontaines, lavoirs, puits et forages ainsi que des cavités naturelles et artificielles comme des carrières dans lesquelles la nappe affleure, ou encore des zones hyporhéiques (lits profonds des cours d’eau de surface qui jouent un rôle majeur d’auto-épuration) ont été explorés. Avec à chaque fois, le même protocole : une analyse physico-chimique de l’eau souterraine et un prélèvement d’espèces effectué avec un filet dont la maille est inférieure à 250 microns. Bref, tous les lieux possibles dans lesquels peuvent se dissimuler ces petites bêtes dont la taille varie du micron au centimètre.
« Trois nouvelles espèces pour la science ! »
Un travail titanesque mais qui a visiblement payé puisque sur les 358 sites explorés, 184 taxons (groupes d’animaux) ont été répertoriés, dont 46 stygobies (animaux inféodés aux eaux souterraines et que l’on ne trouve nulle part ailleurs). Et parmi eux, de nombreux crustacés (majoritaires à 60%), dont des ostracodes.
« Dans le Limousin, on en a découvert deux nouvelles espèces dont le Pseudocandona, qu’on ne retrouve que sur trois sites dans la Creuse, et le Candonopsis qui n’est présent que sur deux sites en Corrèze. Parallèlement, une nouvelle espèce de niphargus, (un autre crustacé), a été découverte sur quatre sites situés entre les Pyrénées-Atlantiques et les Landes. Ce qui fait déjà trois nouvelles espèces pour la science ! Sans compter que d’autres groupes sont en tout début d’expertise et pourraient révéler des surprises », se réjouit François Lefebvre, biologiste et membre du projet stygofaune.
La stygofaune comme baromètre de la qualité de l’eau
Outre un inventaire de la stygofaune déjà forte de 400 espèces et la recherche de nouveaux taxons, le programme poursuit aussi un autre objectif. « Dans un premier temps, la finalité a été de décrire ces espèces et leur assemblage. Nous devons maintenant réfléchir à comment ces assemblages vont nous permettre d’accéder à un indicateur de la qualité des eaux. In fine, l’idée, c’est de pouvoir aller à la pêche à la stygofaune (qui joue d’ailleurs un rôle méconnu mais important dans l’épuration et la détoxification de l’eau et contribue activement à la préservation de la qualité des eaux souterraines) et en regardant ce qu’on y a trouvé, de savoir si le site est ou non en bon état. Cet outil de bio-indication viendrait renforcer ceux déjà existants et qui s’appuient uniquement sur l’analyse physico-chimique des eaux », poursuit Xavier Chevillot, directeur de la Sepanso Aquitaine. Un travail pour lequel l’organisme va travailler avec l’INRAe de Cestas et le LEHNA, le CNRS de Lyon.
Quant aux premiers résultats, ils ne sont pas attendus avant trois ans mais permettraient de renforcer les stratégies de préservation de ces hydrosystèmes dont plus de la moitié des espèces françaises sont classées comme “vulnérables” sur les Listes rouges de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).