La Rochelle 2008 : des militants socialistes « comme une boussole dans un champ magnétique »


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La Rochelle 2008 : des militants socialistes "comme une boussole dans un champ magnétique"

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 02/09/2008 PAR Nicolas César

« Une petite pensée pour tonton Camba « plaisante Arthur en se recoiffant vers l’arrière à la façon de Jean-Christophe Cambadelis, député PS de Paris et organisateur de l’Université d’Eté de La Rochelle du PS. Venu avec six autres militants de la Vienne, il sort de la douche du camping municipal Port Neuf à La Rochelle. La nuit a été longue et tumultueuse. Sebastien taquine Carole sur ses excés de la veille quand Paul, licencié en géographie à Poitiers reçoit un coup de fil urgent sur son portable. Nous ne saurons pas qui le demande, mais cette nuit sera tout aussi courte : il faudra décoller toutes les affiches installées par « les jeunes pops » de l’UMP. Pour l’heure le souci principal est d’arriver à se remémorer le code de la barrière du camping.

Avant même d’avoir bu un café, les jeunes militants regardent le programme de la journée et essaient de choisir entre les différents ateliers qui leurs sont proposés dans la matinée. Il y en a cinq en simultané sur la culture « parent pauvre de la droite », le Grenelle de l’Environnement et « ses rendez vous manqués », le code du travail « en miettes » ou encore la laïcité et la justice. Pour finir, les militants du Poitou choississent de joindre leurs forces à d’autres membres du courant « socialisme et démocratie » (tendance Dominique Strauss Kahn) en participant à une opération coup de poing sur l’esplanade de l’espace Encan. Il s’agit de distribuer des autocollants, des tracts et beaucoup d’énergie en faveur de ce vieux serpent de mer qu’est le mandat unique. Et plus précisément, ils veulent que désormais tout parlementaire élu démissionne de ses autres mandats. Pour se faire entendre, ils comptent jouer sur l’article 6-11 des statuts du PS qui veut que si 15% des militants signent un appel, un référendum puisse être organisé. Un peu plus loin, deux jeunes adjoints d’un député-maire d’une grande ville du Sud Est observent. Ils concèdent que le principal défaut de leur patron est d’être un « gros cumulard » mais pensent aussi que « cumuler est la seule façon de maitriser et influer sur ses dossiers ». Et de conclure fataliste, « de toute façon, le parti est toujours tiraillé entre ses élus qui veulent toujours plus de pouvoir et ses militants qui veulent de nouvelles têtes »


Aziz Ridouan : le petit génie d’un socialisme très libéral
A quelques mètres de là, devant la buvette du hall, Aziz Ridouan boit un coca. Une bise à Delphine Batho, la députée des Deux Sèvres ; une demande d’article pour le site d’information Rue 89 ; des allez-retours dans la salle de presse en tant que responsable de la branche numérique de La Chaine Parlementaire (LCP) : une matinée comme une autre pour ce socialiste de… 19 ans. La première fois qu’il a fait parlé de lui sur CNN, c’était en tant que responsable d’une association, les Audionautes, militant pour la légalisation du téléchargement. Depuis il a été un acteur hyperactif de la campagne de Ségolène Royal avec sa « Ségosphère », a été un membre fondateur du site d’actualité des livres : nonfiction.fr ainsi que de la fondation progressiste : « Terra Nova ». Et accessoirement, il a eu son bac en révisant 15 jours sans assister à un seul cours. Toujours proche de Ségolène Royal, Aziz Ridouan est aujourd’hui une tête pensante et agissante d’un socialisme très libéral. Derrière ses lunettes qu’il remet continuellement en place, il revient entre deux boutades corrosives sur l’état actuel du PS, sur la campagne qu’il a vécue. Six mois intensifs, sept jours sur sept, de 7H à 22H et ce sentiment grisant que tous ses actes ont une conséquence directe dans la presse.


Personne pour parler des ateliers… pourtant le PS ne manque pas d’idées.
Dans la salle de presse justement, les journalistes VIP qui ont accé aux salles de restaurants et halls d’hôtels où se joue le congrès de Reims font le point sur l’état d’avancement de la gigantesque partie de poker menteur. Un envoyé de Radio France dit à son rédacteur en chef au téléphone « J’ai du Peillon qui tape sur Aubry ». Une chaîne d’info en continu se vante d’avoir les images de Manuel Valls qui commente le départ de François Hollande d’un laconique et glacial « Il était temps ». Deux exemples sur une bonne quinzaine de déclarations fratricides face à des journalistes qui ont le sentiment d’être englués dans des jeux d’appareils inextricables. Des luttes intestines qu’ils relaient, oubliant de souligner, comme le remarque Antoine, militant des Landes, que les salles d’ateliers sont combles et qu’il y est parfois impossible d’y trouver une place assise.


Infiltration à la soirée MJS
Il est aussi impossible quand on a une carte de presse de mettre un pied dans la traditionelle soirée MJS, à la maison des étudiants. Voyant que je n’ai ni micro, ni caméra contrairement aux journalistes du Grand Journal de Canal Plus, les deux portiers me laissent rentrer. A l’intérieur, beaucoup plus d’ambiance que l’année précédente. Une table pour les platines, un stand de vente de boissons et une immense queue devant le buffet en libre service. Un menu spartiate mais équilibré. Carottes rapées, jambon, fromages et pain. M’étonnant de ne pas voir toute la direction du MJS, je demande à un militant où ils se trouvent. « Au restaurant » me répond t’il. Beaucoup de responsables de l’UNEF sont là par contre car le MJS et l’UNEF entretiennent une relation… fusionnelle.


« Comme une boussole dans un champ magnétique » se désole un militant
Avant de rejoindre la piste de danse, les militants du MJS sont regroupés par tendance sur les six grandes tablées de la grande salle. Comme tous les participants, ils ont appris les alliances du jour en regardant le journal. Rien n’est joué : encore trois semaines de tractations intensives avant le conseil national de synthèse. A l’extérieur de la salle, Simon, un ingénieur en urbanisme au chomage résume le ressenti de beaucoup ici « Je me sens comme une boussole dans un champ magnétique ». Au même moment, un véritable orage éclate sur la Rochelle et permet à la salle de se vider moins vite car ceux qui sont au camping sont peu pressés de retrouver leurs tentes détrempées.

Rencontre avec les responsables du MJS en gironde et dans les pyrénées atlantiques
Avant de quitter La Rochelle, rencontre avec les animateurs de Gironde et des Pyrénées Atlantiques. Tuncay (prononcer Toundjaï) Cilgi est animateur fédéral du 64 depuis un an, militant depuis 3 ans et politisé depuis toujours. Réfugié politique turquo-kurde, Tuncay a atterri à Paris le jour du bicentenaire de la Révolution. Après un long combat pour se faire naturaliser, sa famille s’est installée à Pau et aujourd’hui, à 26 ans, ce gros bosseur suit des études pour être technicien du bâtiment et, d’après ses « camarades » – dans sa bouche ce mot a un sens – passe une grande partie de ses nuits à « avaler » des livres politiques. Face au cynisme et aux interminables luttes intestines, Tuncay Cilgi passe toutes ses actions au filtre de l’intégrité et la sincérité. Il est ainsi très fier que la vingtaine de militants du MJS dans les Pyrénées Atlantiques aient refusé la démission qu’il a présentée au moment de quitter Pau pour Paris pour finir ses études.

Simon Thirot, son collègue animateur fédéral de la Gironde n’a pas le même profil. En quatrième année à l’IEP de Bordeaux dans la filière « expertise en affaire public », il « gère » une centaine de militants sur Bordeaux et la CUB. Sur le bilan de l’Université d’été, il se dit « hyper content sur le fond » mais beaucoup moins concernant « les postures médiatiques prévisibles ». Il prépare une campagne pour la rentrée sur la nécessité d’avoir une jeunesse engagée. Sur l’esplanade de la gare Saint Jean, il malaxe un exemplaire du JDD dans lequel le journaliste Claude Askolovitch signe un article sur François Hollande intitulé « l’enterrement du fossoyeur ». « ça suffit avec ça » s’indigne t’il, « à midi, j’ai fait un débriefing avec tous les militants et on n’a pas du tout parlé du futur premier secrétaire. Ceci dit, il est évident que ce qui va se passer au congrés est décisif pour l’avenir de notre famille politique. » Et de la démocratie.

Paul Larrouturou

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