Franck Dubourdieu dénonce la soumission du goût du vin au marché mondialisé


éditions confluences

Franck Dubourdieu dénonce la soumission du goût du vin au marché mondialisé

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 26/10/2012 PAR Joël AUBERT

Terroir? On ne résiste pas ici à reproduire la tentative de définition de Franck Dubourdieu appliqué au vin, tant il a fallu d’effort souvent vain, à l’auteur de ces lignes, pour répondre à pareille question: « le vin de terroir est une révélation, un dévoilement par l’homme d’une prééminence, d’un préalable absolu, consacré par l’adéquation, lentement acquise, d’un milieu naturel spécifique (sol, sous-sol, altitude, exposition, micro-climat, climat…) avec un ou des cépages indigènes, natifs. Au plus bas de l’échelle des terroirs, le vin exprime pureté, vérité, authenticité, une louable différence. Plus on s’élève dans la hiérarchie, plus l’odeur et le goût du vin gagnent en finesse, surtout après un certain vieillissement…. »

La critique outre-atlantique arbitre des élégances

De l’homme qui a publié l’ouvrage référence sur  » Les Grands Bordeaux » (2) il ne fallait pas s’attendre à une quelconque indulgence vis à vis de la « grande guerre déclenchée à partir des années 2000 par les vignobles du Nouveau Monde qui, selon ses propres mots, « démolit la viticulture de base, grosse productrice et inorganisée pour le combat planétaire ». Et de règler son compte à « une certaine critique outre-atlantique, arbitre des élégances, qui dicte son goût puissant et maquillé de chêne neuf auquel certains vignerons, et non des moindres, font allégeance. » Voilà qui est dit et, disons-le, partagé ici tant il est difficile, parfois, de trouver le vin caché sous le bois, à moins que celui-ci ne l’ait détruit…. Franck Dubourdieu ne craint pas de parler de soumission du goût du vin au marché; à ses yeux elle se « fait surtout sentir à Bordeaux et ce à tous les niveaux. Qu’il s’agisse « d’arranger » une production de base pléthorique dont la qualité laisse à désirer ou tout « en haut de la hiérarchie des appellations et des crus », soucieuse de ne point déplaire à la critique américaine…. « Il est absolument insupportable à un palais quelque peu éduqué et curieux de vins fins et singuliers, de déguster ces vins, coqueluches des médias et des critiques qui se ressemblent tous par la boursoufflure, l’exagération de leur goût mondialisé. »

Les primeurs et la course à la note

Voilà qui est dit! Mais ce n’est pas tout: Franck Dubourdieu n’en reste pas là et, sur sa lancée, règle son compte aux excès de la dégustation en primeur. Et de rappeler comment tout ou presque se joue, chaque année, pour deux à quatre cents crus avec un rituel qui déplace la critique et les acheteurs de la planète, à un moment où le vin en est simplement au début de son élevage. Il faudra encore entre douze et dix-huit mois de fût, ponctués de soins attentifs pour le préparer à un vieillissement en bouteille. Ce temps des primeurs, de cette course à la note qui « prédispose au culte moderne de la performance », Franck Dubourdieu les dénonce sans sourciller et pointe ce qu’il appelle « la démission de la critique française » qui s’est rangée dans le « gustativement correct ». Aujourd’hui, ajoute-t-il, « ce n’est même pas le vin qui est noté, c’est la marque »; il faut plaire vite et au plus grand nombre… les potentialités du terroir s’effacent devant la nécessité du marché ».

Ce combat pour la vérité, la singularité contre l’uniformisation, le « résistant » Dubourdieu le mène, à sa façon, avec les mots qui vont bien pour le dire, une détermination et un ton qu’on ne lui connaissait pas jusqu’ici et qui lui valent et lui vaudront quelque procès en conservatisme. C’est parce qu’il défend le contraire, à l’égal de cette catégorie d’agriculteurs qui choisit d’élever des races rustiques ou de cultiver des légumes oubliés et des fruits d’antan, qu’il fait oeuvre utile. Et, avant que de consacrer une trentaine de pages finales de son ouvrage à des conseils qu’on ne lira nulle part ailleurs sur la pratique de la dégustation, il affirme, avec des accents visionnaires: « l’altérité du goût, témoin de la richesse du monde, devient une force concurrentielle face à l’uniformisation. »

1. « Du terroir à la guerre du goût » suivi de pratique de la dégustation; éditions confluences, 15 €

2. Les Grands Bordeaux de 1899 à nos jours, Notations, longévité; éditions Mollat.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Gironde
À lire ! SAVEURS D'AQUI ! > Nos derniers articles