Femmes en politique, le commentaire de Christiane Restier, co-auteure de « Sexes, genre et politique »


Ces chiffres que l'on égrène depuis fort longtemps, et un peu plus depuis l'entrée en vigueur de la réforme en 2001 semblent n'être que comptabilisations fastidieuses. Pourquoi compter ? Pour encadrer l'application de la loi mais aussi pour alerter,

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Femmes en politique, le commentaire de Christiane Restier, co-auteure de "Sexes, genre et politique"

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 23/10/2008 PAR Marie Paule Memy

Inévitablement le débat achoppe sur des constats désabusés : la loi, assortie de sanctions, a, ainsi que vous le montrez, des effets limités et bien différents en fonction de son niveau d’application et de son degré de coercition. Dès lors les défenseurs de la non intervention reprennent de la voix, expliquant qu’on ne promeut pas le changement social par décret. La comptabilisation à partir du quantificateur paritaire a pourtant le grand mérite de donner à voir ce que les politologues nomment « fermeture du champ politique » et « professionnalisation politique».

 	 Sexes, genre et politique
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La « loi parité » a produit, votre récapitulation le montre bien, quelques effets, puisque la féminisation est corrélée à l’existence de normes différentielles fixées par le texte. Mais il faudrait pour comprendre les logiques de fonctionnement du champ politique, ses résistances et son éventuelle ouverture, s’interroger plus longuement sur les contextes dans lesquels s’inscrivent les victoires féminines, ne serait-ce que la configuration des compétitions (ainsi de la victoire de Martine Lignières-Cassou à Pau dans le cadre d’une triangulaire, ce qui fut d’ailleurs le cas pour son prédécesseur le nouvel entrant d’alors, André Labarrère face à une droite divisée en 1967) et, surtout, analyser la trajectoire politique de ces élues, leur histoire, les modalités d’accès à ces postes et, in fine, leur marge de manœuvre et le pouvoir dont elles disposent. D’où viennent-elles ? Comment ont-elles été désignées ? Cumulent-elles des mandats ? Abandonnent-elles plus rapidement que les hommes leurs fonctions ? Et surtout : ont-elles des responsabilités ?

Nous ne nous lancerons pas dans des complaintes pleinement justifiées au demeurant ne serait-ce que par la faible présence des femmes dans les instances départementales (la réformette de 2007 y impose l’instauration révolutionnaire d’un «ticket mixte » puisque candidat-e et suppléant-e doivent désormais représenter les deux sexes, lourde contrainte ! Amusez-vous à chercher la place de la femme au sein du couple : suppléante ou titulaire ?). Bornons-nous simplement à consulter aujourd’hui 6 novembre 2008 le site Internet de l’institution la plus remarquablement féminisée et élue au scrutin de liste, le Conseil régional (45,9% de femmes).
On y lit que le bureau est composé à ce jour de 24 élus (un Président entouré de 23 membres), dont au total 9 femmes (on tombe donc là à 37,5% de femmes), soit 4 vice-présidentes sur les 15 élus du haut de l’organigramme, vice-présidents et président (on passe à 26,7%) mais, tout en bas du tableau, de 5 conseillères déléguées sur 9 du même statut (cette fois 55,5%). Au-delà de ce que montre cette quantification, on doit constater que la discrimination concerne aussi les secteurs dans lesquels s’exercent les compétences des femmes puisque ce sont ceux qui correspondent aux domaines traditionnellement réservés au genre féminin : culture, solidarité, éducation, écologie, jeunesse, communication… prévention routière, auxquels il faut ajouter « Agriculture et agro-alimentaire » et « Affaires européennes ».

Affichage politique

On ne saurait donc conclure à une révolution! Mais il faudrait pouvoir en outre cerner la place des femmes dans les instances dans lesquelles s’exerce le pouvoir et sur lesquelles la loi n’intervient pas : les structures intercommunales. Et se souvenir que les taches de couleur de femmes sur les photos servent aussi d’affichage politique aux notables masculins.

Et pourtant, il faut réaffirmer combien il est indispensable de poursuivre ces comptages. Quelles que soient les limites de la réforme paritaire et bien que l’on sache que la féminisation du personnel politique n’est pas, loin s’en faut, la seule variable à prendre en compte pour mesurer l’accès aux fonctions politiques, la norme paritaire présente l’avantage de constituer un quantificateur fruste mais immédiatement lisible. La tendance est aujourd’hui à avoir recours au terme englobant de diversité. Certes le respect de la diversité sociale dans toutes ses déclinaisons est éminemment souhaitable et la discrimination par le genre n’en constitue qu’une facette, mais si l’on abandonnait la norme de parité on se priverait d’un critère comptable au bénéfice d’une notion dont le flou opère un brouillage qui autorise tous les jeux politiques et escamote la question fondamentale que posa la tentative de candidature de Coluche (il y a un quart de siècle, faut-il le rappeler ?).


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