Entre les Lignes: « Femmes en colère », collection Polaroid, Les Editions In8


Laura Lacoste

Entre les Lignes: "Femmes en colère", collection Polaroid, Les Editions In8

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Temps de lecture 2 min

Publication PUBLIÉ LE 08/12/2013 PAR Anne Duprez

L’idée est née de ces mouvements de femmes rebelles à l’ordre établi quand celui-ci abuse et dicte sa loi, implacable, au mépris des libertés individuelles : les Femen, les Pussy Riot . « La sueur d’une vie » de Didier Daeninckx, en droite ligne de ces colères là, revisite le personnage de la passionaria. La femme en colère est avant tout une citoyenne qui tente de prendre sa place dignement dans la société. Quand celle-ci dérape et broie les espoirs de certains de récolter les fruits d’une honnête vie de labeur, les femmes blessées se groupent, se dressent, et passent à l’attaque contre l’arnaque. Il est impossible de dévoiler la fin de l’histoire sans en diminuer le sel, mais lire « La sueur d’une vie » ne souffrira pas de déception. Ici la colère, nourrie de désespérance, réécrit en majuscules  les lettres de noblesse perdues.

Pour autant la colère parfois égare. Quand elle pousse à un acte contre nature et dévoile une injustice plus grande que celle contre laquelle on croyait lutter. Quand dans un paysage dont la neige a du mal à adoucir les ruines, Cécile, qui noie dans l’alcool sa rage d’avoir été larguée par son homme et Lulu, sa fille de 16 ans devenue « mère de sa mère », décident de se redonner une dignité en agissant contre un tueur de pauvres filles, elles creusent un peu plus l’abîme qui les sépare d’une vie sans histoire. La colère est mauvaise conseillère dit-on. Marc Villard illustre l’adage avec « Kebab Palace ». Il est des destins à qui la vie refuse tout, même la clairvoyance d’une colère blanche.

La colère souvent se propage. Elle est l’onde électrique qui exalte ou terrasse. Quand ici elle s’apaise, là elle renaît, lève la main qui brandit le couteau. Elsa, sous la plume de Dominique Sylvain, en fait l’éreintante expérience. Elsa aimait Cédric, ils voulaient un enfant. Première colère commune : Elsa ne peut donner la vie.  Cette colère qui les unit face à l’irrémédiable, les désunit soudain.  Cédric tombe amoureux d’ Issara, la mère porteuse ; Elsa se laisse foudroyer par le venin de la vengeance. Là où l’amour disparaît nait la colère. Quand celle-ci disparaît à son tour, vient le désarroi, puis la compréhension. A nouveau. « Disparitions » de Dominique Sylvain, où la colère est un miroir brisé dont les éclats sont tranchants comme des rasoirs.

 Et puis vient Marcus Malte et « Tamara, suite et fin ». Là, la colère est l’huile qui permet aux rouages de se mettre en place, implacables. Là, la colère libère de ce que la vie a légué de lourd, comme ces chaînes ancestrales qui, pour êtres invisibles, n’en entament pas moins les chairs. Là, la colère est sœurs des abîmes, le creuset où le bien et le mal se rejoignent, là où germe enfin le ferment d’un renouveau. C’est comme si Tamara, fille d’un forçat et d’une descendante de « nègre marron », à jamais étrangère parmi les siens, concentrait toutes les colères. C’est comme si Tamara était toutes ces femmes qui lèvent le poing sur les ruines, perdues ou éperdues, fières soudain, qu’un idéal massacré leur offre la possibilité d’un ailleurs dont elles ne mesurent pas toujours l’étendue, paradoxales oui parfois,  mais dont la colère a  le mérite de signer le courage.


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