Deux ans après l’incendie de sa forêt, Anglet replante


Après le violent incendie qui a ravagé la forêt de Chiberta en 2020, Anglet replante cet automne, en tirant les leçons du sinistre et du changement climatique.

Claude Olive, maire d'AngletKarine Pierret-Delage/Ville d’Anglet

Claude Olive, maire d'Anglet

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 16/08/2022 PAR Cyrille Pitois

Le vaste incendie qui ravage la Gironde et les Landes n’est pas encore éteint que déjà se pose la question de la replantation du massif et de sa gestion future. Elisabeth Borne et Emmanuel Macron l’ont évoqué lors de leurs visites respectives sur place : pas question de reproduire les erreurs du passé. Plus au sud, à Anglet (Pyrénées-Atlantiques), la forêt urbaine de Chiberta a été la proie d’un violent incendie le 30 juillet 2020. La replantation du massif débutera à l’automne prochain, en modifiant certaines caractéristiques du massif. Le maire d’Anglet, Claude Olive, témoigne de cette étape post-traumatique.

Le contexte

Le 30 juillet 2020, la côte basque transpire par 42 degrés. En fin de journée, un incendie d’origine humaine, se déclenche dans la forêt de Chiberta et le bois du Pignada, un massif urbain préservé dans un écrin de verdure entre le littoral et sa zone résidentielle d’un côté, et la ville d’Anglet de l’autre. Un ensemble de 270 ha que tous les Angloyes aiment fréquenter. Sous l’impulsion d’un fort vent de sud, le feu va très vite se montrer d’une rare violence dressant des impressionnants murs de flammes face aux vacanciers et aux locaux qui sont évacués dans une ambiance cauchemardesque. En quelques heures, 70 hectares d’un seul tenant sont détruits. Le feu effectue des sautes spectaculaires au-dessus des constructions et des chaussées et va encore ravager 20 ha sur des parcelles annexes, toucher onze maisons, en détruire cinq, ainsi que le bâtiment du parc écologique Izadia. Les surfaces en jeu sont nettement moindres qu’en Gironde et dans les Landes et ce massif ne connaît aucune exploitation sylvicole. Pour autant, l’inclusion de ce massif dans un tissu urbain et balnéaire va causer un traumatisme certain dans la population locale. Très vite les conditions d’entretien de la forêt sont pointées du doigt ainsi que les essences sélectionnées.

Le traumatisme et la concertation

Né dans ce quartier du Pignada voilà une soixantaine d’années, le maire Claude Olive n’est pas épargné par le choc psychologique causé par ce sinistre. « Le lendemain j’ai pu échanger avec le pilote du premier canadair qui est intervenu. Il m’a confié qu’il n’avait jamais été confronté à un feu d’une telle intensité. Il était stupéfait face une situation aussi complexe, » raconte Claude Olive.  

Après l’incendie, les questions fusent rapidement sur la façon de restaurer ce patrimoine naturel. La ville et le département vont travailler avec l’Office national des forêts et mener un patient travail de concertation et de pédagogie avec les riverains du site. « Nous avons d’abord été confrontés à une première difficulté, l’obligation d’abattre tous les arbres, les calcinés et les autres, le massif ayant subi une attaque d’un parasite, le scolyte, qui s’en prend aux arbres affaiblis et peut aussi se transmettre aux arbres sains. » S’en suit une période de repos nécessaire pour le sol pendant une année et demi. « Ce qui a permis aussi de profiter de la décomposition du broyage constitué en un riche substrat. »

Pendant que le sol se remet progressivement de cet accident, une réflexion s’engage sur la résilience face aux risque incendie, le mode de gestion de la forêt, l’usage à réserver à ce patrimoine et l’adaptation au changement climatique. Le double objectif est de garantir à la fois la sécurité des biens et des personnes et le maintien de la biodiversité. Pas toujours facile d’envisager de replanter autrement quand le pin fait totalement partie du patrimoine naturel des riverains et propriétaires de jardins.  

aysage devaste du Pignada en attente du reboisementKarine Pierret-Delage/Ville d’Anglet

Paysage dévaste du Pignada en attente du reboisement

Le reboisement enfin

Un plan de reboisement du Pignada finit par être élaboré. 80 000 plants mis en pépinière depuis plusieurs mois seront plantés au cours de l’automne et l’hiver prochain. « C’est une étape très importante que tout le monde attend pour en finir avec ce désert lunaire et remettre du vert dans notre paysage, » s’impatiente Claude Olive. Les enfants des écoles, les associations locales et les habitants du quartier sont conviés à s’investir dans ces travaux forestiers pour s’approprier le futur massif. Des animaux vont même participer, puisque des troupeaux interviendront sur le massif pour apporter leur contribution contre la prolifération des broussailles par éco-pâturage.  

« Nous avons tiré les leçons de l’incendie pour choisir les essences, » assure le maire. Le chêne vert et l’arbousier résistent mieux au feu que le pin maritime.  « Mais si le pin maritime revient déjà naturellement, c’est que le sol ne permet pas forcément de faire pousser grand-chose d’autre, » relève Claude Olive. Contrairement au vaste massif landais, la  forêt de Chiberta n’est concernée par aucune activité économique d’exploitation forestière avec aucun emploi à la clé. 

En bordure des voies d’accès et de circulation et à proximité des maisons ce sont des chênes verts, chênes sessiles et arbousiers qui vont trouver leur place, tandis que le pin maritime sera cantonné dans les cœurs du massif. « Nous avons aussi pris une série de décisions autour du débroussaillement qui seront appliquées chaque année, » souligne Claude Olive. Une brigade forestière est également mise en place pour assurer un travail de pédagogie auprès des usagers et une surveillance quand le massif est fermé au public comme c’est le cas depuis plusieurs jours.

Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt ?

« Mais parce que jamais nous n’avons été confrontés à ça ! » s’exclame Claude Olive. Réputé pour ses entrées maritimes et ses orages fréquents en été, le Pays basque ne connaissait pas, avant l’amorce du changement climatique, de telles conjonctions de conditions favorables aux incendies : forte chaleur, sécheresse en sous-bois, bourrasques de vent chaud. « En soixante ans, j’ai connu des petits départs de feu dans cette forêt. Jamais je n’aurais cru vivre un tel cauchemar avec des murs entiers de flammes face à nous. »

Deux ans après cette épreuve dramatique, le maire d’Anglet adresse un message de soutien et d’amitié à ses collègues des territoires touchés en Gironde et dans les Landes. « Je sais ce qu’ils traversent. Il ne faut pas se décourager : la nature est toujours la plus forte. Oui, il va leur falloir beaucoup de travail, mais il faut le faire en pensant aux générations futures. Je ne reverrai pas la forêt de mon enfance, mais ce qui nous guide c’est ce travail réalisé pour nos enfants. Je sais que les gens ont leur forêt en eux et qu’ils auront la capacité à faire ce qu’il faut pour les générations à venir. »  

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