« Suspendre la pêche pour sauver des dauphins »


Un nouvel épisode intense et précoce de mortalité de dauphins est observé depuis la fin décembre. Allain Bougrain-Dubourg, ardent défenseur de la biodiversité propose un arrêt spatio-temporel de la pêche pour réduire drastiquement cette mortalité.

Portrait d'Allain Bougrain DubourgVirginie Valadas | Aqui

Allain Bougrain Dubourg propose une. suspension d'un mois de la pêche pour sauver les dauphins.

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 23/01/2023 PAR Virginie Valadas

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Allain Bougrain-Dubourg : Les échouages de cadavres de dauphins, c’est récurrent depuis plus de quinze ans. C’est une situation qui non seulement s’installe dans la durée, mais qui intervient même de plus en plus tôt, avec une mortalité de cétacés en augmentation. Cela va finir par affecter de manière définitive la population des dauphins qui sera gravement touchée. Pas plus tard que le week-end dernier, j’ai trouvé deux cadavres de dauphins sur la plage de Montamer et sur celle de Basse Benaie à Sainte-Marie-de-Ré, à quelques heures d’intervalle et à 2 km de distance. Et pour 10 cadavres qui s’échouent sur nos côtes il y a au moins 100 dauphins qui meurent et qui coulent au fond. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

Par ailleurs, on le sait maintenant, ces dauphins meurent parce qu’ils sont capturés par erreur par des pêcheurs et restent coincés dans des filets de pêche. Les chercheurs et observateurs du laboratoire Pelagis (voir ci-après) de La Rochelle qui effectuent les autopsies des cadavres ont parfaitement documenter les raisons de cette sur-mortalité. Ils meurent par asphyxie au cours d’une lente agonie d’au moins trente minutes, c’est intolérable. Les dauphins sont des mammifères dotés d’une grande sensibilité.

@! : Pourtant depuis trois ou quatre ans, des solutions ont été testées avec la participation des pêcheurs professionnels qui ont accepté de jouer le jeu et d’installer des pingers (émetteurs d’ultrasons répulsifs) et des caméras embarquées sur leurs navires, cela n’aura pas suffi ?

ABD : Non, les pingers ont eu et ont encore un effet limité. D’abord, les dauphins savent les identifier maintenant et le son des pingers a aussi participé à les désorienter. Surtout, les bateaux équipés du dispositif ne sont pas assez nombreux. Ce mille-feuilles de mesures n’est pas efficace, on le voit bien, puisqu’il y a de plus en plus de cadavres de dauphins qui s’échouent sur nos côtes aquitaines et vendéennes.

@! : Quelles solutions proposez-vous alors ?

ABD : J’en ai parlé à Emmanuel Macron il y a quelques temps, il s’était montré à l’écoute. Je propose une suspension spatio-temporelle, d’une durée de trois semaines à un mois, de la pêche professionnelle dans le golfe de Gascogne à cheval sur février et mars, avec une indemnisation conséquente des pêcheurs, proportionnelle à leur manque à gagner. Pourquoi à ce moment ? parce que c’est la saison de la reproduction des bars qui attirent autant les pêcheurs que les dauphins, ainsi que d’autres espèces. Cet arrêt pourrait se caler avec celui exigé des pêcheurs de soles.

Depuis trois semaines, plus de 300 cadavres de dauphins communs se sont échoués sur les côtes de Vendée et de Charente-Maritime

C’est une question d’intelligence collective. Nous avons eu une réunion récemment avec Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, Bérangère Couillard, secrétaire d’Etat à l’Ecologie, Cédric Marteau de la Ligue de la Protection des Oiseaux (LPO), Franck Lalande et Johnny Whal qui représentaient les comités régionaux des pêches, et moi-même en duplex. Il y a eu une bonne écoute et un accueil favorable de la part des ministres sur ce dossier extrêmement sensible. J’ai eu le sentiment que l’urgence de la situation était prise en compte.

@! : Pensez-vous qu’une décision rapide du gouvernement pourrait être prise dans ce sens dès lors ?

ABD : Oui, d’autant plus que depuis deux ans, La France et l’Espagne sont dans le viseur de l’Union Européenne pour cette hécatombe de dauphins car les pêcheurs espagnols sont aussi concernés. Et si ce n’est pas nous qui prenons l’initiative, cette suspension pourrait nous être imposée par Bruxelles qui a demandé depuis 2020 que l’on mette tout en œuvre pour stopper cette hécatombe.


Sur les côtes de Vendée et de Charente-Maritime

L’observatoire Pelagis de La Rochelle est un laboratoire du CNRS de l’Université de La Rochelle, coordinateur du réseau national d’échouages, il a pour mission principale d’œuvrer à la conservation des oiseaux et des mammifères marins.

Le 16 janvier, l’observatoire Pelagis publiait un communiqué de presse constatant cet hiver, « un nouvel épisode intense de mortalité de cétacés », sur la façade Atlantique, et plus particulièrement les côtes de Vendée et de Charente-Maritime pour 60% des échouages. « Près de 300 petits cétacés ont été enregistrés, dont 90 % de dauphins communs », poursuit l’Observatoire, qui a pu, au côté des correspondants locaux du RNE (Réseau National d’Echouage) examiné la plupart de ces animaux.
La majorité présentait des traces de capture dans un engin de pêche et quelques-uns portaient des bagues posées volontairement par les pêcheurs sur les carcasses avant d’être déclarées et rejetées en mer. Objectif ici : mieux comprendre le processus de dérive des carcasses et d’identifier les zones de mortalité. Une trentaine d’animaux échoués ont aussi été congelés pour autopsies vétérinaires.

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