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L'ÉDITO

 par Solène MÉRIC Solène MÉRIC
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10/06/2024

Essayer le RN, la proposition d’Emmanuel Macron ?

Plusieurs semaines de séquences mémorielles n’y auront donc rien fait. La lutte contre l’extrême droite dont Emmanuel Macron dit avoir fait sa priorité, est bel et bien un échec. C’est ce que signe le résultat des élections européennes ce dimanche en France. Faire parler les morts et les défenseurs de la liberté lorsque celle-ci n’était qu’un souvenir ou un rêve, rappeler les horreurs nazies, comme cela va être fait ce jour à Ordour-sur-Glane en Haute-Vienne, 80 ans après l’assassinat de plus de 640 de ses habitants, hommes, femmes et enfants est désormais vain.

A Oradour même, où les ruines du village martyr se visitent, où le Centre de la mémoire expose chaque jour de l’année, les vestiges de l’horreur de ce que l’homme est capable de faire à l’homme par folie idéologique, où les écoliers travaillent sur le thème de la tolérance et du respect de la vie, où les touristes du monde entier viennent se recueillir sur les ruines, le Rassemblement National est aussi arrivé en tête. Et pas qu’un peu : 35,97 % des voix sont allées à Jordan Bardella. A Tulle, en Corrèze, aussi au programme du déplacement présidentiel du jour, le RN est encore en tête, 6 points devant la gauche. Pourtant, la ville est également servie par le devoir de mémoire : la veille du massacre d’Oradour-sur-Glane, la même division SS Das Reich pendait 99 civils aux balcons et réverbères de la cité corrézienne.

La mémoire n’est pas, ou plus, la clef de la lutte contre l’extrême droite et singulièrement contre le RN. Et pour cause, depuis ce 9 juin on peut l’affirmer : l’ex Front National, a achevé sa dédiabolisation. Mieux, une large part de la classe politique l’a aidé à réussir cette dédiabolisation de façade. En jouant sur son terrain, en s’inspirant de certaines de ses idées, en provoquant ses succès, et pour certains hommes et femmes politiques de la droite dite classique, en rejoignant ses rangs. Et puis, quels candidats à la présidence de la République, n’a pas rêvé, depuis le choc du second tour de la présidentielle de 2002, de son débat télévisuel contre un ou une Le Pen, pensant s’assurer ainsi une victoire « facile » ? N’est-ce pas encore ce qu’a tenté de faire le parti présidentiel, Emmanuel Macron surtout, pour ces européennes ? Un tel face à face, c’est bien la normalisation ultime d’un parti qui est pourtant tout sauf républicain.

Mais désormais, il faut le constater, une partie des français peut se souvenir et honorer sincèrement le débarquement et les victimes du nazisme le matin, et voter RN droit dans leurs bottes l’après-midi. Marine le Pen et Jordan Bardella ont bien assisté à la panthéonisation de Missak et Méliné Manouchian... La couche de maquillage que chacun s’est appliqué a étaler sur le visage du FN, lui le premier bien sûr, est désormais assez épaisse pour lui permettre, plus que jamais, de jouer les partis de gouvernement.

Face à cela, « nous avons besoin d’un réveil, d’un sursaut (…) La liberté, la démocratie c’est un combat de chaque jour, ceux qui pensent que c’est acquis et qu’on peut faire n’importe quoi se trompent. »
Cette phrase, Emmanuel Macron l’a prononcée lors de son interview le 6 juin dernier. Son annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale hier soir sonne comme une conséquence de ces considérations (à moins que ce ne soit lui qui "fasse n’importe quoi" ?). Elle marque en réalité encore une fois la croyance, ou en tout cas l’espoir, que face au mur, les Français feront marche arrière et n’oseront pas porter le parti de Marine le Pen en situation de gouverner, comme ils n’ont pas osé le faire les fois précédentes. Un coup de poker, une table rase pour le moins risquée, à un moment où rien n’obligeait institutionnellement une telle décision.

Des députés aux ministres, le président place ainsi tout le monde sur des sièges éjectables. Il met à bas tous les travaux en cours au sein de l’Assemblée nationale, à commencer par la loi sur le droit à mourir qui avait mis tant de temps à arriver jusque-là. En réalité, le seul qui est certain de ne pas être déboulonné au début du mois de juillet, c’est bien Emmanuel Macron lui-même... alors que ce vote "sanction", si ç'en est un, le vise lui, personnellement.

Jupiter aura alors toujours la main sur son « domaine réservé », principalement la défense et les affaires étrangères. Il pourra, par la suite, selon les résultats au soir du 7 juillet, se plaindre d’une Assemblée nationale ingouvernable. Et en déduire assez immédiatement que le peuple l'aura bien cherché, puisqu’il l’aura élue. Nous n'en sommes pas là, espérons ne jamais l'être.

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