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L'ÉDITO

 par Solène MÉRIC Solène MÉRIC
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07/06/2024

Pour l’Europe, le devoir mémoire suffira-t-il ?

De 1944 à 2024, du débarquement à nos jours, de la Normandie à l’Ukraine, de la paix au retour de la guerre, les traits d’union, et d’Union, en ces jours de commémoration de la Libération ont été faits et bien faits par le président de la République. Trop peut-être? Trois jours de commémoration aux dates historiques pour le double de discours, chacun jugera.

Après tout, ce devoir de mémoire, cet honneur de mémoire, envers nos libérateurs bien souvent « venus mourir sur un sol qui n’étaient pas le leur », s’impose sans doute comme de plus en plus nécessaire. Le temps passe et les survivants d’hier aussi. L’invasion russe en Ukraine, la montée des populismes dans plusieurs pays d’Europe, dont la France évidemment, l’explosion des actes antisémites... L'actualité semble aussi imposer ces retours historiques, ces mises en garde surgies d’un passé pas si lointain, et ce rappel que c’est bien du sang de ces sacrifices là et des horreurs qui les ont précédés que la construction de l’Europe a pris chair avec l’idée du « plus jamais ça ». 

Mais il faut dire aussi que notre président ne boude pas son plaisir dans cet exercice mémoriel. Lui qui aime tant à réhabiliter la figure du héros, a pu le faire cette fois à l’international. Nous Français, en avons déjà beaucoup connu de ces hommages au verbe haut. Peut-être trop ? Chacun jugera. Les grands discours sont marquants aussi parce qu’ils revêtent une forme de rareté et d’exceptionnel. Jupiter, tout de même, descend quant à lui beaucoup dans l’arène, aux Invalides ou même au Panthéon…

Emmanuel Macron a un véritable un penchant pour ces parenthèses nostalgiques qui jouent volontiers sur « la corde sensible » et ont l’opportun avantage d’une forme d’instrumentalisation de l’histoire... tout en tenant l’attention du pays un peu éloignée des affaires courantes. La réforme du chômage, par exemple reviendra un jour, toujours aussi dure, sur le devant de la scène. Le mois de juillet, date à laquelle les nouvelles mesures seront prises par décret arrive. Mais ouf, les congés estivaux aussi…

Toujours est-il que derrière ce foisonnement de discours de mémoire, et la mise en avant d’un président dont les cours de théâtre de jeunesse ont semble-t-il payé, c’est souvent la même cible politique qui est visée : l'extrême droite. Il n’est certes pas le seul à la critiquer, mais c’est un des avantage d’être président, la politique mémorielle est à votre main. Dernière exemple en date, les panthéonisations de Missak et Mélinée Manouchian, avant eux, Joséphine Baker. Autre exemple : la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Le premier a permis de réhabiliter, dans l’histoire de la Résistance française, des étrangers que l’extrême droite exècre, le second, qui a permis d'honorer toute une liste d'héroïnes de l'histoire de ce combat, a été justifié comme une méthode préventive à l'arrivée éventuelle de l'extrême droite à la tête du pays, et aux risques que celle-ci pourrait faire porter sur les droits des femmes.

Est-ce là un des ingrédients de la méthode Macron qui aurait du réussir à limiter la montée de l'extrême droite, comme il l’avait promis ? Il faut a priori ici conclure à un échec. A deux jours de l’élection européenne, les sondages laissent le RN encore loin devant les autres partis.

Lundi, au lendemain des élections, et alors qu’Emmanuel Macron s’exprimera depuis le village martyr d’Oradour-sur-Glane, symbole s’il en est de la barbarie nazie, la gueule de bois risque d’être sévère. Et deux choses au moins seront à observer : certes les progrès éventuels du vote RN et celui des abstentionnistes. C’est auprès de ceux-là, ces débarqués de l'Europe et du jeu démocratique, qu'il faudra désormais surtout réussir à se faire entendre.

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