Vu de Varsovie: la chasse aux sorcières


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Vu de Varsovie: la chasse aux sorcières

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 04/05/2007 PAR Joël AUBERT

Historien, diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes à Paris, le professeur Bronislaw Geremek rejoint le mouvement syndical Solidarnosc dans les années 80. Il y devient conseiller personnel de son leader, futur président de la Pologne – Lech Walesa. Dans les années 1997-2000 il occupe le poste de Ministre des Affaires étrangères. En 2004 il est élu au Parlement Européen.
Tout en demeurant une des figures phares de la transition démocratique de 1989 et du mouvement anti-communiste en Pologne, Geremek risque une fin de carrière dans des circonstances qu’il n’avait certainement pas souhaitées ni imaginées.

Un scandale juridique

La nouvelle loi de lustration du 15 mars, impose, sous peine de licensiement, à toute personne exerçant des fonctions publiques, ayant plus de 35 ans, de déclarer avoir ou non collaboré avec la police secrète communiste. Un projet de loi similaire, déjà mis en vigueur en 1997, avait été voté par Geremek lui-même. Une pareille déclaration était alors nécessaire tous les 5 ans. Ayant confirmé sa non-collaboration en 2002, aujourd’hui, Geremek refuse de se soumettre aux dispositions de la nouvelle loi «Ma décision a été prise en signe d’opposition contre une loi que je considère comme un scandale juridique et une atteinte à la dignité civique.» explique l’(ex)eurodéputé «J’avais déjà signé une telle déclaration avant les élections au Parlement Européen. Me le demander encore une fois est absurde.»
La majorité des élites politiques polonaises ne semble pas partager cette opinion. Le premier ministre, issu du parti majoritaire de Droit et Justice (DiJ), Jaroslaw Kaczynski, a jugé le comportement de Geremek comme «nocif pour l’image de la Pologne en Europe.» Le DiJ ainsi que son partenaire de coalition la Ligue des Familles Polonaises sont en effet assez unanimes sur le sujet. Ils soulignent avant tout la transgression évidente de la loi par le député européen «Nous sommes tous égaux devant la loi. Mr Geremek n’est pas une vache sainte.» déclare un des députés du DiJ.

Dura lex sed lex

L’opposition est cependant divisée. Le leader de la Platforme Civique (PO), Donald Tusk a félicité Geremek pour «une décision courageuse qui marque un point important dans la lutte contre les dérives de la lustration.» Les membres de PO ont néanmoins du mal à suivre leur président «Quelles que soient les imperfections d’une loi, celle-ci doit être respectée.» souligne un député.
Dans cette atmosphère d’ambivalence et de confusion totale ce sera finalement au Tribunal Constitutionnel, réuni en session entre le 9 et le 11 mai prochain, de se prononcer sur la conformité de la loi de lustration à la constitution et par conséquent du futur du professeur Geremek. Ce sera ensuite au président du Parlement Européen – Hans-Peter Pöttering, de décider ce qu’il advient de son mandat. Malgré un soutien quasi-unanime des eurodéputés, Pöttering laisse planner le doute en préférant attendre le verdict du Tribunal avant de se prononcer.

Les frères jumeaux pris à revers

La Cour Constitutionnelle polonaise, dans son arrêt du 9 mai, a jugé la majorité des dispositions de la nouvelle loi de lustration contraires à la constitution. Les principaux titres de la presse polonaise sont unanimes. On souligne avant tout le triomphe tant attendu du droit sur le désir de revanche incarné par la chasse aux ex-communistes des frères Kaczynski. Les juges de la Cour Constitutionnelle se sont hissés au rôle de chevaliers d’un Etat de droit qui ont eu le courage de s’opposer et donner une bonne leçon d’humilité au régime en place.
Le professeur Geremek, principal concerné ces derniers jours par la fameuse loi, en se référant à l’arrêt, a déclaré qu’il n’y avait «ni vainqueurs ni vaincus, seulement une dignité citoyenne défendue.»

Un régime défié

«La cour a empêché le triomphe de la IV république» comme l’énonce un des quotidiens d’extrême gauche. Bien que jugée seulement partiellement inconstitutionnelle, la loi sur la lustration ne représente en effet plus qu’une ébauche après la suppression de plusieurs dizaines d’articles. C’est toute une politique des frères jumeaux, reposant sur des règlements de compte, qui bascule comme on peut le lire plus loin. La cour constitutionnelle leur fait comprendre que la lustration n’est pas une revanche historique, ni un châtiment, ni enfin une manière de mener la politique.
Au sein du parti gouvernant de Droit et Justice (DiJ) on parle d’une «loi massacrée» par un jugement qui entrave tout le processus de «nettoyage» de la scène politique. Aucun nouveau projet de loi ne semble néanmoins envisagé par le gouvernement. Etant donné la quasi suppression de loi de lustration par la Cour Constitutionnelle, pour le DiJ, ainsi que pour tous les partis de l’opposition, la seule solution maintenant est de permettre le libre accès aux archives de la police secrète.


Piotr Czarzasty

Notre Photo : Piotr Czarzasty, notre correspondant

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