Le pin des Landes dans les biocarburants de demain ?


A Tartas, entre Mont-de-Marsan et Dax, on ne peut pas la rater en bord de Départementale. Après une histoire mouvementée, l'usine RYAM, leader dans la production de cellulose de pin, regarde résolument vers l’avenir... et les biocarburants.

Usine Ryam à TartasRYAM

L'usine Ryam à Tartas est la première bioraffinerie en France à se lancer dans la production de bioéthanol 2nde génération. Elle démarre un projet autour de la production d'e-SAF.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 16/07/2024 PAR Solène MÉRIC

Preuve une fois de plus que l’innovation n’est pas qu’une affaire de grande ville et de métropole. L’usine RYAM de Tartas dans les Landes est la première usine en France à produire et à commercialiser depuis le mois d’avril dernier du bioéthanol 2nde génération. C’est à dire un biocarburant produit non pas avec de la biomasse dédiée mais avec les résidus de la biomasse, le pin maritime, utilisée pour son activité première, la cellulose de bois de spécialité.

Si jusque-là, cette production l’amenait à contribuer indirectement à la fabrication de pâte de dentifrice, de pellicules de médicaments, de peintures ou même de crème glacée, le groupe américain propriétaire de l’usine s’attaque donc désormais à une tout autre marché.

Une aventure technique, commerciale et humaine

« Lorsqu’on extrait la cellulose du pin maritime dans notre processus, on a des effluents. Parmi ces co-produits il y a des hémicelluloses, qui lors de leur extraction, se transforment en sucre », explique le PDG de Ryam France, Christian Ribeyrolle. C’est ce déchet, qui s’est, depuis peu, transformé en nouvelle ressource pour l’entreprise. Plutôt que de les brûler, comme le sont les autres résidus issus du processus d’extraction, ces sucres, après fermentation puis distillation et déshydratation, deviennent la matière première « d’un bioéthanol pur à plus 99,7 % », précise le PDG.

Une partie de l’équipe de la nouvelle usine de production de bioéthanol

La nouvelle usine, sortie de terre en 13 mois seulement, est entrée en production en avril dernier. Une vingtaine de salariés se sont formés à un nouveau métier, tout en acceptant des amplitudes horaires modifiées. Quatre autres ont été embauchés.

« Cette diversification, c’est une aventure technique, commerciale et humaine », insiste le PDG « fier de ses collaborateurs ».  Il faut dire que grâce à eux, cet outil industriel de 36 M€ va produire 21 millions de litres de bioéthanol de 2nde génération par an. Expédié non loin, dans le Sud-Ouest de la France, il est vendu en exclusivité à une compagnie pétrolière internationale dont le nom est gardé secret. Elle introduira ce bioéthanol dans les carburants commercialisés dans son réseau de stations service. Depuis avril, il y a donc peut être un peu de pins des Landes dans l’E5, E10 ou E85 de votre véhicule.

Un abattement de l’empreinte carbone de 90 %

« Note volume de production, c’est l’équivalent de 12 500 voitures en termes de retrait d’émission de gaz à effet de serre, soit 25 tonnes de CO2 annuels évités », précise le Christian Ribeyrolle qui n’en finit pas d’égrainer des chiffres flatteurs. « Par rapport à un carburant fossile, on a un abattement de l’empreinte carbone de plus de 90 % ». Un chiffre qui prend en compte le biocarburant lors de son utilisation et de sa production.

RYAM

Christian Ribeyrolle, PDG de RYAM France et vice président Biomatériaux de RYAM

Un très bon score qui s’explique notamment par « les synergies mises en place entre les deux usines du site ». Tant pour la récupération du co-produit, qu’en matière énergétique ou encore en matière de traitement des résidus, signale-t-il. Une recherche de diversification entre synergies et circularité qui n’est qu’un début pour celui qui est aussi Vice-président de RYAM en charge des Biomatériaux. 

Vers une production d’e-SAF pour l’aviation

« Avec notre partenaire Verso Energy nous avons l’idée de produire des carburants durables pour l’aviation, les SAF », indique-t-il. Plus précisément, dans les Landes, c’est la production d’e-SAF que les deux sociétés envisagent. L’ambition est d’implanter sur le même site de Tarnos, les trois briques nécessaires à sa production. D’abord, la captation du carbone, vert, puisqu’à 95 % issu de bois, des cheminées de l’usine. Ensuite, la production d’hydrogène vert par hydrolyse de l’eau, et enfin, une unité permettant de combiner l’hydrogène et Co2 pour produire ce Bio-kérosène qui sera par la suite vendu à une ou des compagnies aériennes.

Si pour l’heure à Tartas, on est « en plein dans les études d’engineering, environnementales et financières », l’objectif serait de produire « au-delà de 75 000 tonnes de e-SAF par an »  pour un lancement espéré au deuxième semestre 2029, confie Christian Ribeyrolle. Des estimations prudentes, tout comme celle de l’enveloppe financière du projet. « Pour l’heure, notre projet n’est pas chiffré. Mais ce qu’on observe autour de nous, c’est que ce type de projet, avec le même dimensionnement et des ambitions similaires, tourne autour du milliard d’euros ».

Dans ce projet tout est lié. Sans la production de cellulose, on ne fait aucun autre projet.

Si le PDG voit dans ce projet « un levier formidable pour la décarbonation de l’aviation », il aborde sereinement aussi les critiques redondantes que la production d’hydrogène par hydrolyse provoquent quant à la captation d’eau, et à la dépense énergétique nécessaire, qu’il promet être « verte ou décarbonnée ».

« On a lancé des études, on travaille avec les services de l’État pour adresser toutes ces problématiques. Sur l’eau, un prélèvement sera effectivement nécessaire. Aujourd’hui, dans l’usine de production de cellulose, on a aussi un prélèvement, une consommation et des rejets d’eau. Là encore, on cherchera à utiliser de l’eau qu’on a déjà dans notre usine, pour être capable de faire de l’hydrolyse avec ça », éclaire-il avant d’insister : « Dans ce projet tout est lié. Sans la production de cellulose, on ne fait aucun autre projet. C’est de la diversification, mais c’est aussi une manière de pérenniser la production de cellulose, sans couper un arbre de plus », conclut-il. 

A Tartas, avec ses deux usines, RYAM fait travailler un peu moins de 350 personnes, plus d’un millier en considérant les emplois indirects.

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