Parce que le bonheur est un sujet inépuisable, pas moins de cinquante rencontres, débats et autres animations étaient offerts au public. Et parce que le sujet est difficile à résumer autant qu’à circonscrire, la diversité des points de vue et les digressions personnelles étaient de fait à l’honneur dans les débats. En témoigne par exemple celui du samedi 22 novembre, animé par le journaliste Joël Aubert, qui a réuni sur la scène de l’auditorium Alfred de Vigny Marc Dugain, Paule Constant et Audrey Pulvar. La question de départ posée à cet éminent trio était la suivante : « Le bonheur : masculin ou féminin ? »
« Le bonheur, une négociation avec son époque »Un débat placé d’emblée par Paule Constant dans une perspective historique : elle a rappelé qu’avant le XVIIIe siècle, le bonheur était considéré comme accessible seulement dans l’au-delà. La notion de bonheur terrestre naît d’une société individualiste issue de la bourgeoisie. « Dans la seconde partie du XVIIIe siècle, on voit apparaître au moins 50 parutions sur le bonheur. Le sujet est traité essentiellement par des femmes, qui y réfléchissent comme à un sujet d’intimité parce qu’elles s’intéressent à l’intime. » a précisé l’écrivain.
Autre éclairage avec Audrey Pulvar, dont le dernier livre dresse les portraits d’une vingtaine de femmes « ayant pour point commun d’avoir choisi le risque d’une existence de sujet et non d’objet ». Selon la journaliste, la liberté, celle de forger soi-même sa vie, est une quête de bonheur et une quête longtemps interdite aux femmes, car l’idée que le bonheur suprême pour une femme est de devenir mère fait presque loi. Marc Dugain, lui, définit le bonheur comme une absence de malheur. « Or, les sources de malheur, la violence par exemple, sont d’origine masculine. Il faudrait demander à l’Académie française de faire quelque chose : c’est une erreur que les mots « violence », « maladie » ou « mort » soient féminins ! »
« Et le fait que le mot courage soit masculin ? » a renchérit Audrey Pulvar dont la répartie a été saluée par les rires du public. Le débat est ensuite quelque peu sorti des rails de la question masculin / féminin pour s’attacher à celle de la place du bonheur dans une société surinformatisée où tout doit être balisé, prévu et contrôlable. « Dans la vie, pour chaque individu, le bonheur est une négociation avec son époque et son contexte social » a résumé Paule Constant.
Qui estime que la création artistique, qu’il s’agisse de peinture, de sculpture, de musique, ou d’écriture -on notera que tous ces mots sont féminins…-, est une voie offerte pour se créer un bonheur en redevenant maître et libre de soi.