Pyrénées-Atlantiques : les terres agricoles sous pression


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Pyrénées-Atlantiques : les terres agricoles sous pression

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/04/2016 PAR Jean-Jacques Nicomette

Sans but lucratif et placées sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances, les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) dont chaque département est doté ont trois missions.

La première consiste à faciliter l’installation et le développement des exploitations agricoles. Car, ainsi que le rappelle Pierre Menet, le président du comité technique de la Safer en Béarn, l’objectif essentiel du foncier reste de nourrir les populations. « On essaie de s’y maintenir ».
Deux autres buts ont également été donnés à ces organismes : participer au développement local et préserver les paysages ainsi que l’environnement. Autant de missions qui nécessitent un dialogue constant avec les élus et l’administration.

Une priorité : l’installation des jeunesDans les Pyrénées-Atlantiques, comme ailleurs, le pain ne manque pas sur la planche. L’année dernière, plus de 3 800 hectares de terres destinées à divers usages, agricoles ou non, et d’une valeur globale de 179 millions d’euros, ont été mises en vente sur le marché du foncier rural.
La Safer a acquis 616 hectares sur cet ensemble. Sachant que la très grande majorité des surfaces qu’elle a revendues ont été consacrées au développement de l’agriculture. Une part non négligeable (158 hectares) a été réservée à l’installation des jeunes, en particulier au Pays Basque. Un signe de vitalité pour un département qui, rappelons-le, figure dans le peloton de tête en France pour l’entrée des jeunes en agriculture.

Accompagner, faciliter, transmettreDans la pratique, plusieurs dispositifs ont été mis en place afin d’aider les exploitants à mettre le pied à l’étrier ou développer leur activité.
C’est le cas du fonds FIFIAA, qui prend en charge la totalité des frais liés à l’acquisition de terres, dans un plafond de 3 000 € (21 jeunes en ont profité l’an passé). Ou encore de la convention de mise à disposition qui permet à un exploitant de travailler des terrains pendant une période de 1 à 6 ans renouvelable, en attendant que leur propriétaire leur trouve une destination définitive (1 210 hectares ont été concernés par cette mesure en 2015).

D’autres « outils » sont aussi utilisés. Comme le travail mené par la Safer avec l’aide de la Chambre d’agriculture pour repérer et accompagner les agriculteurs de plus de 55 ans. Cela,  afin de les aider à transmettre au mieux leur exploitation.
Il en va de même pour la possibilité donnée depuis peu par la loi de préempter de manière partielle un bien mixte (terres et bâtiments) dont l’achat global ne va pas forcément attirer un exploitant, généralement plus intéressé par les sols que par les murs.

Le bitume et les landesCes leviers ont été évoqués lors de la réunion organisée à Montardon, dans les locaux de l’AGPM. Un débat engagé sur la préservation de l’espace foncier agricole a également montré la nécessité de renforcer  le dialogue noué avec les élus locaux. Car le temps presse.

« L’artificialisation des terres progresse plus vite dans les Pyrénées-Atlantiques que dans le reste de la France » remarque Jacky Bonotaux, du service régional de l’information statistique au ministère de l’Agriculture. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle a surtout été provoquée depuis dix ans par la création des voies de communication : routes et autoroutes. « Ce n’est pas le béton, c’est plutôt le bitume qui a pris du sol ».
La montée en puissance des sols naturels (forêts, landes, roches), que certains préfèrent appeler les friches, est également remarquée. Ce qui ne manque pas de susciter des inquiétudes au moment où certaines tendances de fond apparaissent.

« L’artificialisation progresse en effet quatre fois plus rapidement que la démographie ». Or, l’Aquitaine est attractive en population, comme tout l’arc atlantique. D’ici 2040, on estime qu’elle pourrait accueillir 95 000 habitants de plus.
« Si on part sur la tendance actuelle, cela représente 25 000 hectares de terres en moins. Même si deux ans, il y a une petite tendance à l’affaissement pour des raisons de ralentissement économique et de prise de conscience des élus. La situation est sérieuse ».

Un dialogue « positif » mais délicatDe là à orienter la discussion vers l’importance des rapports entretenus à ce propos entre les agriculteurs et les élus locaux, il n’y a qu’un pas. Une structure, à laquelle la Safer participe, facilite cette prise de contact : la commission départementale de préservation des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF).
« Le dialogue y est positif », assure Marc Gairin, le maire de Momy, qui représente là ses collègues édiles. Ce qui ne l’empêche pas de nuancer son propos en estimant qu’un « point d’équilibre » doit parfois être trouvé entre les besoins d’agriculteurs, dont certains « ne vivent que d’aides », et le développement d’autres activités.

Un point de vue qui ne manque pas de faire réagir le bouillant Jean-Claude Saint-Jean, président du comité technique de la Safer au Pays Basque : « C’est vrai que l’on a parfois une oreille attentive des maires. Mais avec un gros courant d’air autour… Je suis bien conscient que le foncier doit répondre à tous les besoins. Cela dit, il faut travailler plus en amont et la CDPENAF doit avoir un rôle de juge dans certains dossiers litigieux ».
« Refuser un certificat d’urbanisme, c’est dur pour un élu. On le paie pendant des années » insiste toutefois un maire d’une commune rurale. Tandis qu’un de ses collègues, préoccupé par la fuite des habitants et la suppression d’une classe à l’école primaire, souhaite que l’on établisse une différence entre les terres à hautes valeur agricole et celles, plus pauvres, dont dispose sa commune. Bref, rien n’est simple.

 « C’est l’affaire de tous »Les schémas de cohérence territoriale peuvent-ils également permettre de régler le conflit généré par les projets d’aménagement des uns et le souci de préservation des sols manifesté par les autres ? 
La question est soulevée par Maïder Behoteguy, la présidente du comité de communes du Pays de Bidache. « Un SCOT, ce n’est pas interdire d’urbaniser, mais repenser l’aménagement. Il faut être présent pour voir si ces orientations qui viennent du haut permettent la survie de nos territoires».

Pour sa part, Pierre Pouget, le directeur général de la Safer Aquitaine, cite en exemple le travail mené aux côtés de la communauté d’agglomération d’Agen afin de récupérer 860 des 2000 hectares gelés dans ce secteur. Et convaincre des propriétaires fonciers, qui attendent peut-être l’aubaine d’une vente liée un jour à la LGV, de ne pas laisser leurs terres à l’abandon.
« C’est du travail d’artisanat. Il faut se doter d’outils plus élaborés pour aller plus loin. Mais tout cela n’est possible qu’à la condition de le vouloir tous ensemble ».

A l’issue du débat, ce principe a été souligné par Joël Aubert, rédacteur en chef d’Aqui.fr, invité à apporter le regard du journaliste. Avant que Françis Massé remercie l’ensemble de ses hôtes au nom de la Safer Aquitaine.
Grande région oblige, l’organisme que celui-ci préside englobera douze départements à partir du 1er janvier 2019. « Mais cela se fera toujours en restant ancré sur nos territoires ».

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