Pyrénées : sale temps pour les bergers


Chambre d'agriculture 64 et Aqui

Pyrénées : sale temps pour les bergers

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/02/2017 PAR Jean-Jacques Nicomette

Chaque été, des troupeaux entiers sont menés en montagne pour y brouter une herbe riche qui donne tout son caractère au fromage des Pyrénées. En Béarn et au Pays basque, on ne dénombre pas moins de 500 de ces estives. Celles-ci réunissent près de 150 000 hectares de pâturages collectifs. Elles font vivre près de 2 200 exploitations agricoles. Ce qui fait des Pyrénées Atlantiques le deuxième département français producteur de lait de brebis.

Quinze années d’embellie

Les professionnels le reconnaissent. Depuis plus de 15 ans, bien des efforts ont été déployés par la Région, l’Etat et le Département pour soutenir et moderniser cette activité essentielle au maintien de la vie dans les vallées de montagne. Autant de partenaires qui, aux côtés de la profession, ont également « su convaincre l’Europe de consacrer une partie de ses fonds de développement à cette activité », ajoutent-ils.

Les résultats ont suivi. Des labels, « authentifiés et appréciés » ont vu le jour, tel l’AOP Ossau-Iraty. Le métier s’est rajeuni et féminisé. Des emplois salariés ont été créés tandis que, grâce aux cabanes aménagées en altitude, au matériel amené sur place par hélicoptère ou par mule, les conditions de travail des bergers étaient grandement améliorées.

Deux changements notables sont toutefois survenus.

Depuis 2014, la gestion de ce mécanisme s’exprimant au travers de plans quinquennaux de soutien à l’économie de montagne, a été confiée par l’Etat à la Région. Par ailleurs, l’Europe a revu sa copie. Elle a jugé que les aides financières apportées jusqu’alors à la production de lait de brebis ne relevaient plus d’un volet environnemental (car la présence des troupeaux permet d’entretenir la montagne) mais d’une démarche économique.Les soutiens publics de fonctionnement qui lui étaient attribués sont dès lors passés de 80% à 40%.

« Le sentiment de vivre un cauchemar »

Les représentants de la profession ont exprimé leur inquiétude lors d'une conférence de presse donnée mardi à Saint-Palais

Sur le terrain,  la profession accuse le coup. Non seulement l’argent manque pour financer les héliportages et les muletages, mais  des projets lancés en estive se retrouvent au point mort, constatent les intéressés. « Depuis 2015, ils concernent 6 cabanes et 7 aires de traite ».

Divers soutiens financiers ont en effet été abandonnés ou réduits, comme ceux qui concernent l’accessibilité des estives dans lesquelles on ne peut se rendre qu’à pied, ou en encore la construction d’équipements de traite et de fabrication fromagère en montagne.

Dans le même temps, des retards importants sont constatés dans la mise en place des programmes pastoraux ainsi que dans le versement d’aides consacrées au gardiennage ou aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Soutiens attendus parfois depuis deux ans.

« Les exigences administratives ont atteint une telle démesure qu’il n’y a plus assez de fonctionnaires pour contrôler les dossiers qui conditionnent nos projets. C’est l’embolie !  Nous avons le sentiment de vivre un cauchemar dans lequel nos administrations ne nous comprennent plus et où un logiciel est en train de prendre le contrôle » ont écrit les éleveurs et leurs partenaires à Alain Rousset, le président du Conseil régional de la Nouvelle-Aquitaine. 

 « Beaucoup d’estives risquent d’être abandonnées »

« Si aucun héliportage ou muletage ne peut être organisé, 75 estives risquent d’être abandonnées » prévoit le Béarnais Joseph Paroix, au nom de l’association des Eleveurs et Transhumants des Trois Vallées.

Une même inquiétude est exprimée par Ludovic Capdaspe, un jeune berger ayant relancé une exploitation familiale à Ayous, mais contraint – après que l’Europe ait supprimé les crédits pour les cabanes – de traire ses bêtes dans la nature et de redescendre ses fromages à pied.

« Insupportable ! » renchérit Cathy Loyato, une éleveuse basque de Saint-Jean-Pied-de-Port qui dispose d’un permis de construire en estive, mais d’aucun financement. Et qui se demande ce que va devenir l’exploitation qu’elle gère dans la vallée. « Car le haut et le bas sont très liés. Si on ne transforme pas notre lait en fromage en montagne, je ne sais pas comment on va pouvoir continuer. ».

De là à évoquer les menaces pesant sur l’emploi, il n’y a qu’un pas. « Si les aides ne sont pas payées avant juin, date de la montée des troupeaux en estive, des éleveurs ne prendront pas le risque de prendre un salarié et ils arrêteront la transhumance. Une activité sans laquelle près d’un tiers des exploitations ne peuvent pas vivre » prévient Sébastien Uthurriague, président de la commission montagne à la Chambre d’agriculture. Tandis qu’un de ses collègues rappelle qu’entre l’affinage collectif et les activités commerciales, « un emploi paysan en génère sept dans l’économie locale ».

« N’oublions pas non plus l’aspect environnemental de notre métier. S’il n’y a plus de transhumance, c’est tout un territoire naturel qui est abandonné. Certes, nos paysages paraissent sauvages. Mais c’est le pastoralisme qui les entretient ».

Pour plaider leur cause auprès des instances européennes, les représentants de la profession ont obtenu un rendez-vous à Bruxelles. Ils espèrent de même recevoir une réponse d’Alain Rousset. « Pour le moment, on s’exprime tranquillement, sans faire ressortir la colère. Mais, quand on en parle entre nous, on n’en peut plus ».

La Région reconnait un bug et réagit

L’inquiétude manifestée par les éleveurs a suscité mercredi une réaction de la Région Nouvelle Aquitaine. Les aides au pastoralisme sont définies en étroite concertation avec les professionnels et les administrations concernées, rappelle-t-elle, avant de souligner l’importance des sommes mobilisées.

En 2016,  les dossiers d’améliorations pastorales éligibles dans le département des Pyrénées-Atlantiques ont effet représenté 1,33 millions d’euros de travaux et 931 000 euros d’aides réparties entre l’Europe, la Région et le Département. « Pour l’année en cours, les appels à projets seront lancés le 15 mars prochain ».

Quant aux aides au gardiennage, elles ont dépassé le million d’euros, soit 700 000 euros de plus que ce qui avait été accordé six ans plus tôt. Ces soutiens financiers ont concerné 300 éleveurs du Béarn et du Pays Basque. L’appel à projets 2017 sera, là aussi, lancé à la mi-mars « de façon à établir les demandes d’aide avant la montée en estives ».

La Région reconnait que des dossiers en cours de paiement ont pris du retard en raison d’un bug informatique. Mais elle indique qu’après « une période de mise en œuvre », les outils d’instruction et de paiement sont désormais opérationnels.

Des aides atteignant 70% du montant des travaux peuvent désormais être attribuées pour améliorer la traite en estive, poursuit-elle.  Par ailleurs, une délégation des professionnels de Nouvelle Aquitaine accompagnera les représentants de la Nouvelle Aquitaine les 21 et 22 mars à Bruxelles. Ces derniers chercheront à obtenir « une optimisation » des aides accordées aux cabanes fromagères (éligibles actuellement à 40%). Ils défendront aussi  l’activité de portage pratiquée dans les estives éloignées des vallées béarnaises, indique Andde Sainte-Marie, conseiller régional délégué à la montagne et au pastoralisme.

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