Pour Bernard Kouchner, le Dr Bonnemaison ne mérite pas d’être traité d’assassin


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Pour Bernard Kouchner, le Dr Bonnemaison ne mérite pas d'être traité d'assassin

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 20/06/2014 PAR Jean-Jacques Nicomette

Radié de l’Ordre des médecins, Nicolas Bonnemaison comparait libre. Après avoir été dénoncé par des personnels soignants, il a été interpellé en 2011 pour avoir mis un terme à la vie de sept personnes âgées qu’il suivait à l’Unité d’hospitalisation de courte durée de Bayonne. Des malades qui, ainsi qu’on le rappellera au cours des débats, avaient une espérance de vie allant de quelques heures à trois jours, sans espoir d’amélioration.

Des regrets et des remerciementsDepuis le début du procès, suivi par de nombreux médias, le praticien ne cesse de répéter qu’il n’est pas un militant de l’euthanasie, qu’il n’a pas cherché la mort de ses patients, mais qu’il a voulu soulager leurs souffrances. La fille d’une personne décédée l’a d’ailleurs remercié publiquement d’avoir aidé son père « à mourir dignement. » Elle n’a pas été la seule . Deux familles se sont toutefois constituées partie civile. Elles déplorent que le praticien (qui en convient, et l’a regretté)  n’ait pas eu de contact à ce propos avec elles. « On aurait discuté, tout aurait été différent » a confié le fils d’une octogénaire. « Il n’avait pas le droit de décider pour nous de notre souffrance » a renchéri son épouse.

Un acte solitaireCes jours derniers, l’acte effectué par le médecin, qui puisait  lui-même dans l’armoire à pharmacie et qui a notamment utilisé un produit à base de curare ne figurant pas dans le protocole de sédation autorisé,  a continué à être évoqué. Tout comme  l’absence d’une décision collégiale sur laquelle il aurait dû s’appuyer.

Mardi, s’il a déploré voir l’urgentiste bayonnais se retrouver sur un banc habituellement « réservé aux truands et aux assassins », le cardiologue et député Jean Leonetti, auteur d’une loi adoptée en 2005 sur le droit des malades et la fin de vie, a ainsi estimé que le Dr Bonnemaison avait agi dans l’illégalité. En donnant la mort « à des malades qui ne la demandaient pas ».

L’accusé, qui bénéficie de nombreux soutiens, n’en a pas moins été loué par plusieurs de ses collègues pour ses qualités professionnelles et son humanité. Et le débat sur les conditions dans lesquelles s’opère la fin de vie, a été relancé. Appelée à témoigner , et arrivant d’un pays où l’euthanasie est légalisée, la présidente de l’association belge pour le droit de mourir dans la dignité a affirmé que les cours d’assises seraient pleines « si l’on devait poursuivre les médecins qui agissent comme le Dr Bonnemaison. » Des propos confortés le lendemain par des médecins, toujours cités par la défense. Au risque de susciter une réaction du procureur, pour lequel la loi doit également s’appliquer à l’hôpital.

 Le Dr Bonnemaison, soutenu par ses amis et collègues, lors de la suspension d'audience

Bernard Kouchner : « Je me sens un peu responsable »

L’ancien ministre de la Santé,  auteur de la loi de 2002 sur les droits des malades, ne verse pas non plus dans la langue de bois. « Je me sens un peu responsable. Je n’ai pas été capable de faire une loi qui aurait tenu compte des changements juridiques nécessaires à la fin de vie » reconnait-il vendredi devant la cour.

Certes,  les choses ont beaucoup changé. « Quand j’ai commencé ma carrière de médecin, on n’avait pas le droit d’utiliser la morphine. Car un dogme disait que cela rendait morphinomane. C’était ridicule. Maintenant, ce produit est heureusement employé de façon quotidienne. » Mais dans un pays où l’espérance de vie a fortement augmenté, les évolutions sont  parfois trop lentes, déplore-t-il. Tout en rappelant que l’on ne meurt plus chez soi, entouré des siens, mais de plus en plus à l’hôpital.

« C’est aussi une manifestation de rejet. Avant, la mort était acceptée comme une partie de l’existence. Maintenant, on est de plus en plus exigeant, et en même temps, on s’en débarrasse » dit-il. Avant de rappeler que, si la loi Leonetti permet à un moment la cessation de nourriture et de liquides, cela revient surtout à dire qu’on laisse le malade  mourir de faim et de soif. « Je déteste ça ! »

« Aller vers une possibilité de mort douce »« A qui appartient la mort ? Au médecin ? Non. Elle appartient à la personne malade. C’est son corps, son sujet, son libre arbitre » ajoute Bernard Kouchner. Celui-ci aimerait donc que l’on se dirige vers « une possibilité de mort plus douce ». C’est-à-dire laisser à chacun le choix de partir « comme il le souhaite,  entouré des siens, dans un milieu affectueux. » Une hypothèse qui  n’enlève rien à la responsabilité du médecin, précise-t-il. Mais qui ne peut pas non plus constituer une obligation pour les praticiens qui ne l’acceptent pas. « On n’en n’a pas assez parlé en France. »

La cour d’assises est saisie d’une affaire d’empoisonnement, non de l’application des lois Leonetti ou Kouchner lui rappellera à un moment le président. Mais pour l’ancien ministre de la Santé, les choses sont claires : « Le Dr Bonnemaison,  ne mérite pas le qualificatif d’assassin. Il témoigne de notre incapacité en France, patrie des droits de l’Homme, à faire qu’il n’y ait plus la possibilité d’accuser ceux qui soulagent la souffrance. »

Embrassade

A sa sortie, Bernard Kouchner est embrassé par l’accusé pendant la suspension d’audience. Des applaudissements éclatent dans la salle des pas perdus. Ils émanent des membres du comité de soutien. Certains d’entre eux sont vêtus de blouses blanches sur lesquelles figurent les mots « malade potentiel ». Tout à l’heure,  Michèle Delaunay,  cancérologue et ancienne ministre chargée des personnes âgées va, elle aussi, être appelée à témoigner.

Hasard du calendrier, une information liée à une autre affaire  tombe presque dans le même temps : le rapporteur du Conseil d’Etat s’est prononcé contre le maintien en vie de Vincent Lambert. Le débat n’est pas près de s’éteindre.

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