Marek Halter à Pau : un conteur face à l’intolérance


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Marek Halter à Pau : un conteur face à l'intolérance

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 22/11/2015 PAR Jean-Jacques Nicomette

« J’ai toujours tiré une leçon de ce que j’ai vécu » explique celui qui, gamin analphabète devenu aujourd’hui président d’un collège universitaire russe, raconte comment il a jadis fui les nazis avec ses parents pour se retrouver en Union soviétique dans un camp où la faim le tenaillait.

Les voleurs et « Les trois mousquetaires »Pour survivre, il fallait voler. « J’étais un bon voleur. Mais je ne courais pas vite » dit-il avec l’humour dont il ne se départit jamais. Admis dans un groupe de chapardeurs, l’enfant qu’il était a survécu en captivant ses copains par ses talents de conteur.
Les histoires qu’il leur proposait le soir, au moment du partage du butin, n’étaient pas les blagues salaces que ces derniers attendaient, mais les aventures des « Trois mousquetaires ».
« Je les ai fait rêver. C’est très important. Et j’ai découvert que, même des voleurs qui n’hésiteraient peut-être pas à tuer une petite vieille pour lui arracher son sac, étaient fascinés par un autre monde où on ne le fait pas ».

« Quelle aventure propose-t-on aujourd’hui à un môme de Saint-Denis ?  » enchaîne Marek Halter.  » Alors que d’autres l’envoient en Turquie, puis le mettent sur un char où il fait un selfie qu’il va envoyer à tous ses copains en se prenant pour James Bond. Personne n’est alors là pour lui dire qu’il ne s’agit pas d’une vraie aventure. Que celle-ci consiste à se serrer les coudes, comme dans les Trois Mousquetaires, pas à apporter la mort. C’est là où nous avons failli. Il est trop facile de rejeter la faute sur les autres. Non ! C’est peut-être aussi la nôtre ».
Voici quelques jours, un élu palois, proviseur d’un important lycée, se posait la même question lors d’une réunion exceptionnelle du conseil municipal. « Comment en est-on arrivé là ? Qu’est ce qui a raté ? » se demandait-il. Sans être vraiment  entendu.

« Si on me laisse parler … »Or, des histoires de ce type, la besace de Marek Halter en fourmille. Y compris lorsqu’elles concernent les autres. « Dans son livre « Si c’est un homme », Primo Levi raconte comment le maçon avec lequel il partageait son matelas à Auchwitz venait lui apporter la soupe qu’il n’avait plus la force d’aller chercher. Et il explique que ce n’est pas la soupe qui l’a sauvé, mais le geste ».
« Même dans les situations les plus inhumaines, on peut trouver de l’humain » estime l’écrivain. Avant d’expliquer à une salle comble pourquoi, pendant longtemps, on a bandé les yeux des condamnés avant de les exécuter. « Ce n’est pas pour protéger celui que l’on va tuer de la vision de la mort. C’est pour que le condamné ne puisse pas croiser le regard de son assassin. Car celui-ci va y trouver une part de son humanité ».

Là encore, ce fervent partisan du dialogue entre les religions – qui a invité des imams à chanter la Marseillaise devant le Bataclan afin de calmer quelques passantes excitées au lendemain des attentats-  insiste sur la force des mots. Même s’il faut pousser le raisonnement jusqu’à l’extrême. « Je suis persuadé que si une personne armée d’une kalachnikov se trouvait en face de moi et me laissait parler, elle ne me tuerait pas ».
Face à des fanatiques, l’hypothèse est-elle viable ? « Bien sûr, s’il tire, la question est réglée » admet Marek Halter. « Je ne contrôle pas les consciences de ceux qui s’accaparent la parole de Dieu et le prennent en otage ».

Mais il faut parler, encore et toujours, assure-t-il. « La chose la plus extraordinaire qui nous ait été donnée dans notre enfance, c’est la parole. Tant que je vivrai, je recommencerai ».

« La France est devenue multiple »De là à évoquer les rencontres que Martine Aubry, la maire de Lille, l’invite à avoir avec les écoliers quand il passe dans sa ville, il n’y a qu’un pas. Tout comme la manière dont il capte l’attention de ces gamins et les amène à comprendre les richesses d’une France « devenue multiple ». En leur parlant d’abord de leurs racines, des arabes qui ont joué un rôle essentiel dans l’émergence des mathématiques, ou encore de  l’amitié nouée entre Charlemagne et le calife Haroun ar-Rachid. Autant de sujets qui lui permettent ensuite d’aborder la question de l’intolérance, et l’horreur de la Shoah.
« Ils écoutent car ils se sentent valorisés » dit-il. « Or, aujourd’hui, on ne le fait pas. Alors que 10% de notre population aimerait que l’on s’adresse à elle comme ça » déplore-t-il.
« A Paris, des éboueurs africains m’interpellent régulièrement  lorsqu’ils passent devant chez moi » poursuit le conteur philosophe dont la barbe cache parfois un sourire. « J’ai écrit un livre dans lequel j’explique que la femme de Moïse était noire. Eux aussi ont compris qu’ils ont joué un rôle important dans l’histoire ».

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