Le Village Alzheimer des Landes va en inspirer d’autres


En 2020 à Dax, ouvrait le village Alzheimer des Landes. Contrarié par la crise Covid, ce modèle innovant d’accueil des personnes atteintes par la maladie, écrit peu à peu les lignes de ses victoires scientifiques et va en inspirer d'autres.

village Alzheimer LandesDpt Landes

Le village conçu comme une bastide, favorise les rencontres entre résidents, familles et personnes de l'extérieur.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 18/12/2023 PAR Cyrille Pitois

Le village Alzheimer des Landes ouvert en 2020 à Dax, sur une idée développée par Henri Emmanuelli dès 2013, propose des conditions d’accueil des malades assez différentes des structures classiques de type Ehpad. Une étude scientifique permet de comparer les évolutions de la maladie au sein de la structure et ailleurs, aussi bien chez les personnes touchées, leurs proches et plus généralement leur environnement.

A l’appui d’entretiens proposés aux aidants, d’auto-questionnaires administrés aux bénévoles et aux professionnels, et d’examens cliniques approfondis des résidents tous les six mois, il ressort des travaux de l’équipe scientifique de l’Inserm que les Villageois de Dax n’échappent pas à une diminution progressive de leurs capacités fonctionnelles, conformes à l’évolution naturelle de la maladie d’Alzheimer.

La professeure Hélène Amevia, coordonne l'étude pour l'Inserm.Département Landes

La professeure Hélène Amevia, coordonne l’étude pour l’Inserm.

Stabilité des fonctions cognitives

En revanche, l’équipe du Pr Hélène Amieva distingue une stabilité des mesures des fonctions cognitives, des scores d’anxiété, de symptômes dépressifs, des troubles du comportement ou encore des mesures de la qualité de vie. « On laisse aux Villageois la possibilité de faire. On baisse aussi la contrainte environnementale humaine et avec, le stress autour de la tâche à réaliser », relate le Dr Gaëlle Marie-Bailleul, psychogériatre, médecin référente et coordinatrice au Village.

Ces résultats contrastent avec les publications internationales qui rapportent, après l’entrée en institution classique, une accélération du déclin des fonctions cognitives et une dégradation de la qualité de vie.

La Dr Gaëlle Marie-Bailleul. Département Landes

La Dr Gaëlle Marie-Bailleul.

Dans une approche complémentaire, qui s’appuie sur une proximité quotidienne avec les résidents, le Dr Marie-Bailleul relève aussi l’impact de la philosophie du soin et de l’accompagnement proposée au Village, qui repose sur une sollicitude, une bienveillance et une patience fondamentales de la part du personnel médico-social.

En abaissant le stress, on améliore les conditions et la qualité de vie. Ce qui a un effet sur le prolongement des capacités fonctionnelles, comportementales et cognitives.

Pour les gestes liés à l’hygiène, la préparation du repas ou l’alimentation, les maîtres et maîtresses de maison ne font pas à la place des Villageois mais avec eux. « Le Village est basé sur cette hypothèse environnementale qu’en améliorant l’architecture, en formant les professionnels soignants, en permettant à la famille d’être présente et en abaissant le stress de tout le monde, on améliore les conditions et la qualité de vie. Ce qui a un effet sur le prolongement des capacités fonctionnelles, comportementales et cognitives et retarde l’apparition de troubles psycho-comportementaux », résume le Dr Marie-Bailleul.

L’étude se penche aussi sur la place des aidants. Le parti pris du Village Landais Alzheimer consiste à leur accorder une place centrale. « Il faut aider les aidants, les familles, à aider, à comprendre la maladie et ses évolutions», témoigne Gaëlle Marie-Bailleul. L’étude Inserm pointe une absence d’augmentation des scores d’anxiété et de dépression chez les aidants, une diminution de la consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques, ainsi qu’une diminution substantielle du sentiment de fardeau.

Des résultats qui contrastent aussi avec ce qui est rapporté dans la littérature scientifique. « Notre hypothèse, c’est que nous allons réussir à améliorer la santé mentale des deux, le Villageois et son proche », insiste Gaëlle Marie-Bailleul.

Moins de dégoût à l’égard des malades

Enfin l’équipe de l’Inserm s’est aussi intéressée à l’impact du Village Landais Alzheimer sur le grand public et sa façon de se représenter cette maladie. Deux échantillons de population ont été interrogés avant et après l’ouverture du Village. D’une part, un échantillon autour de Dax, au contact régulier avec le Village ; d’autre part, un échantillon de personnes vivant dans le Lot-et-Garonne. Tandis qu’aucun changement n’a été observé dans la façon dont la population lot-et-garonnaise perçoit la maladie, l’échantillon dacquois a moins associé à cette maladie « la perte d’identité » qui lui est caractéristique et « le dégoût ressenti envers les personnes » qui en sont atteintes, après l’ouverture du Village.

Activité potager au Village Landes Alzheimer. Sebastien-Zambon

Activité potager au Village Landes Alzheimer.

Une évolution modeste mais positive des représentations associées à la maladie d’Alzheimer. «C’est un élément fondamental dans la mesure où la vision très négative de la maladie collectivement partagée, contribue à la stigmatisation et à la discrimination des personnes souffrant de cette maladie, mais aussi de leurs proches ou encore des personnels travaillant auprès de ces personnes, » conclut l’équipe du professeur Amieva.

Essaimer sur le territoire national

Pour Xavier Fortinon, président du conseil départemental des Landes et aussi président du GIP Village Landais Alzheimer, « ces résultats sont encourageants et nous obligent d’ici à la fin de l’expérimentation en 2026, de continuer à progresser sur la qualité de l’accueil, des soins et de l’accompagnement pour les personnes atteintes par la maladie et leur famille. »

Benoît Elleboode, directeur de l’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine relève lui aussi les premiers enseignements de cet hébergement innovant: « Le Village Alzheimer permet de proposer une vision nouvelle de la prise en charge des personnes âgées atteintes de la maladie, d’effacer les frontières des établissements et de retarder la dégradation cognitive des résidents. » Il valide la possibilité de transmettre les bonnes pratiques de cette structure expérimentale « pour essaimer sur tout le territoire national. »


Au Village, ce qui fait la différence

Effectifs : 120 professionnels (soignants, techniques et administratifs) pour 120 résidents, 80 bénévoles.

Coûts : 28,8 M€ pour la construction dont 20,4 M€ à la charge du Département. 8 M€ de fonctionnement annuel dont ARS, 3,9 M€ ; Département, 1,2 M€ ; Prix de journée : 59,74 € + 7,42 €.

Environnement familier et souple : ni blouse, ni horaire fixe pour le lever ou la douche. L’hébergement se partage en maisonnées de 7 à 8 chambres autour d’un maître ou d’une maîtresse de maison présent(e) 11 heures par jour.

Approche architecturale particulière autour d’une bastide, qui réunit les lieux de rencontre (médiathèque, brasserie, salon de coiffure, supérette, auditorium) et des maisonnées réparties dans un parc arboré de 5 hectares (avec ânes et potager).

Hébergements sur place pour les proches et les chercheurs.

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