De nouvelles lignes directrices de la Commission européenne approuvées le 20 février dernier limitent dorénavant l’investissement public aux aéroports et aux lignes aériennes. Pour les aéroports accueillant moins d’un million de passagers par an, cette aide ne pourra dépasser 75% du montant investi. C’est le cas de l’infrastructure paloise, propriété du Syndicat Mixte intégré par le Conseil Régional (31%) et 16 collectivités territoriales (69%), dont le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques, la Communauté d’Agglomération de Pau et la Communauté de Communes de Lacq. L’exploitant de l’aéroport, la CCI Pau Béarn, bénéficie de la concession jusqu’en 2015.
Entre 2007 et 2013, le SMAPP a versé 6,7 millions d’euros pour un programme dont le coût total est estimé à environ 9 millions, soit une part d’autofinancement via la CCI Pau Béarn de 26%. Ce type de financement vise la mise aux normes et le maintien en bonnes conditions opérationnelles de l’infrastructure. Toutefois, au sens des nouvelles lignes directrices de l’UE, l’investissement apporté par le SMAPP au cours de cette même période est estimé à 90%, indique Cyril Socolovert, chargé de mission auprès du premier vice-président de la Région et président du SMAPP, Bernard Uthurry.
PrioriserLors d’un entretien avec Aqui.fr, Bernard Uthurry reconnaît que le SMAPP est obligé de passer de 90% de l’investissment total à 75%. Ainsi, jusqu’à la fin de la concession accordée à la CCI Pau Béarn en 2015, il faudra « voir quels sont les investissements réellement prioritaires pour l’aéroport », ajoute Cyril Socolovert. Les investissements prévisionnels pour la période 2013-2015 sont estimés à 8,2 millions d’euros, selon ce qu’on peut lire sur le site web du Conseil Régional. « Ils sont garantis. Ils seront peut être phasés un peu différemment. Le delta de 15% va permettre de faire les choses en douceur », affirme Bernard Uthurry.
L’Europe a également limité les aides publiques vouées à couvrir le déficit des coûts d’exploitation des aéroports, c’est-à-dire, les hypothétiques pertes provoquées par sa gestion. Ce n’est pas le cas de celui de Pau-Pyrénées, assure Cyril Socolovert: « Les recettes de l’aéroport couvrent ses charges. Le SMAPP n’a donc jamais apporté d’aide au fonctionnement, puisqu’il n’y a pas de déficit, et ne l’envisage pas dans les années à venir ».
Future concession
Les conditions de la future concession de l’aéroport joueront sans doute un rôle décisif sur son financement, signale Cyril Socolovert. Aujourd’hui l’infrastructure est concédée comme une délégation de service public particulier, au risque et péril du SMAPP, ce qui contraint ce dernier à couvrir de 90% des investissements: « Toutes les règles de jeu pour cette concession là vont être complètement changées. Tout est ouvert », assure-t-il. Les négociations pour trouver la nouvelle formule d’exploitation de l’aéroport s’entameront une fois le renouvellement du SMAPP terminé, soit à l’issue des élections municipales et des communautés de communes. « On est pour l’instant dans des discussions ouvertes avec la CCI PauBéarn, et tout cela prendra forme au mois de juin », affirme Bernard Uthurry.
Lowcost : ses dégâts…
Entre 2008 et 2013, l’Aéroport Pau-Pyrénées a perdu 170.000 passagers, soit un recul de 21%. Néanmoins, il a accueilli 645.500 voyageurs en 2013, marquant ainsi une hausse de 5,91%. Cette croissance s’est maintenue lors des deux premiers mois de 2014. Bernard Uthurry considère que l’infrastructure est maintenant en « équilibre », et signale que les pertes des dernières années sont dues à la crise et à sa qualité d’aéroport d’affaires: « Ce n’est pas un aéroport touristique comme peut l’être Biarritz, ou Tarbes avec le tourisme religieux de Lourdes ». Il blâme également Ryanair pour la fermeture de trois lignes en 2011, mettant en avant « la voracité de cette compagnie aérienne consommant l’argent public ». La suppression de ces lignes, réouvertes par la compagnie irlandaise au départ de Lourdes, Biarritz et Béziers, a provoqué une perte d’environ 100.000 passagers, pointe-t-il.
…mais la porte est ouverteNéanmoins, la porte n’est pas fermée aux compagnies low cost. Le président du SMAPP rappelle que les vols à bas coût qui opéraient à Pau étaient financées en partie par une régie autonome qui regroupait certaines collectivités, dont la Communauté de Communes de Lacq et la Communauté d’agglomération de Pau. Cette régie a été dissoute « parce qu’elle n’obéissait plus au cadre législatif du moment ». Toutefois, le SMAPP est en train de constituer « un syndicat à la carte qui permette aux collectivités de financer ou pas, selon leur décision politique, le démarrage de nouvelles lignes aériennes, et notamment les low cost ».
Selon Bernard Uthurry, le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques semble aller dans l’idée d’une participation dans ce nouveau syndicat, mais de son coté essaie d’ouvrir d’autres pistes, notamment la sollicitation à Air France d’une politique tarifaire plus baisse. La Communauté de Communes de Lacq-Orthez et la Communauté d’agglomération de Pau « étaient parties prenantes » pour y participer. « Quant au Conseil Régional que je représente, il n’est pas favorable au soutien des low cost parce qu’il est davantage tourné vers une intermodalité plus appuyée sur le train que sur l’avion », ajoute-t-il. En tout cas, l’Europe restreint les aides en ce domaine également: les administrations publiques ne pourront financer que 50% des coûts de démarrage d’une ligne aérienne lors des trois premières années de sa mise en service.
Par rapport à l’offre actuelle, le viceprésident régional admet que pour l’instant l’attractivité de Pau s’est faite par la possibilité d’aller plusieurs fois par jour à Paris, et notamment à Orly. « Sa faiblesse c’est le coût du voyage, qui est trop élevé, bien que la politique tarifaire d’Air France pour des places qu’il faut réserver longtemps à l’avance contribue à booster la fréquentation de l’aéroport ». Avoir un seul opérateur qui assure 90% de l’offre « n’amène pas une baisse de tarifs suffisamment importante ».
Aéroports voisins et le futurLes nouvelles lignes directrices européennes limitent également à 25% le financement public aux aéroports qui accueillent entre trois et cinq millions de passagers par an, tels que Bordeaux-Mérignac, et à 50% celui des aéroports qui accueillent entre un et trois millions, tels que Biarritz. Mais Bernard Uthurry ne le perçoit pas comme une menace: « L’Aéroport de Bordeaux-Mérignac est en expansion et se suffit à lui-même. L’Aéroport de Biarritz est moins que celui de Pau inféodé à un seul opérateur. Pour l’instant, il ne semble pas ébranlé par les décisions de Bruxelles ».
Quant aux relations entre Pau et Tarbes après l’affaire Ryanair, Bernard Uthurry fait confiance pour qu’elles soient « intelligentes ». Les deux parties travaillent actuellement sur une offre touristique valorisante à la fois pour la Bigorre et le Béarn. « Sous le regard de Bruxelles, on ne pourra pas faire comme si on n’était pas séparés de 30 kilomètres et qu’on n’était pas à 40 minutes les uns des autres par une voie autoroutière ». Effectivement, la Commission Européenne oblige désormais à notifier des aides publiques à un aéroport dès qu’une autre infrastructure aérienne est proche (moins de 100 kilomètres ou 60 minutes par la route, ce qui est le cas vis à vis de Tarbes).
D’ailleurs, l’arrivée de la LGV à Bordeaux à l’horizon 2017 va permettre de raccourcir le trajet entre les centrevilles de Bordeaux et Paris, mais aussi entre Pau et la capitale. L’heure gagnée entre Bordeaux et Paris elle est gagnée au même temps par les gens au sud, qu’ils soient à Bayonne, à Pau ou à Tarbes, pointe Bernard Uthurry. « Mais l’aéroport devra rester un outil de développement du territoire », ajoute-t-il.