Julie et Vivian, une installation sous haute persévérance


Vivian, 41 ans, et Julie, 38 ans, se sont rencontrés au lycée agricole de Cahors. Depuis le mois de mars ils sont installés en grandes cultures sur une propriété de 190 ha dans les Landes. Un beau projet à la hauteur de leur incroyable persévérance.

Julie et Vivian SantosSolène MÉRIC | Aqui

Julie et Vivian Santos

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 15/05/2023 PAR Solène MÉRIC

Les déceptions et les coups durs n’ont pas manqué. Mais depuis le lycée, ils ne se sont pas quittés. Lui a « attrapé le virus de l’agriculture » dès petit, à la ferme chez ses grands-parents. A 16 ans, elle n’avait pas ça en tête. Dans ce lycée agricole, Julie suivait des études liées au secteur social.

Le projet d’installation du couple Santos, c’est avant tout Vivian qui l’a porté, dès la sortie du lycée, nourri par de nombreux stages et alternance au sein d’exploitations variées. Mais en tant qu’hors cadre familial, « l’explosion du prix des terres » est à l’époque un sacré frein à son projet. Il choisit alors de poursuivre ses études à Toulouse par un BTSA option technologies végétales, en alternance dans une société semencière.

J’ai été technicien semence, technico-commercial, assureur… On me disait instable, moi je savais pourquoi je faisais ça !

Diplômé, il se lance dans une carrière qui le fera pratiquer de nombreux métiers qui gravitent autour l’agriculture. Une autre manière d’explorer l’univers agricole et surtout de s’y former. De technicien semencier, il devient technico-commercial pour une marque de tracteur. L’occasion pour lui de « rentrer dans le vif du sujet : comptabilité agricole, fiscalité, relationnel,… », liste-t-il. Puis, banquier et assureur, il gère un portefeuille de cotisations de plus 1 million d’euros .

« On me disait instable ! Moi je savais pourquoi je faisais ça »
, sourit celui qui n’a surtout jamais perdu de vue son projet d’installation. Plus il semblait s’éloigner plus « l’envie s’accentuait ». Une quinzaine d’année après la sortie du lycée, la prospection d’exploitation démarre alors réellement, le début d’une succession de déceptions.

De projets en désillusions

Lors d’une première tentative dans le Gers, à laquelle Vivian a consacré deux ans de sa vie, le cédant abandonne le projet au dernier moment. Une épreuve pour le couple et leurs deux enfants. « J’avais démissionné de mon poste de préparatrice en pharmacie dans l’optique de cette installation dans le Gers où nous avions déménagé », raconte Julie. « Nous avons alors du vivre pendant 6 mois avec un revenu de 1200 € mensuel avec nos 2 enfants et un loyer à 600 € », détaille Vivian. Le coup est dur, mais il ne renonce pas. Ayant touché son rêve du doigt, il lui faut plus que jamais parvenir à le réaliser.

Le projet d’exploitation que nous avions se transformait toujours en projet de reprise par les cédants

Après avoir pris le temps de digérer l’épreuve, le couple focalise ses recherche sur le Répertoire départ installation de la chambre d’agriculture de l’Aveyron. Plusieurs propriétés cherchent des repreneurs ou des associés dans un cadre qui plaît aux deux Tarn-et-Garonnais. Là bas un nouveau projet semble à portée de main, un stage de parrainage est même mis en place au profit de Vivian. « On vend la maison, les enfants sont déscolarisés et toute la famille déménage ». Là encore, c’est une désillusion, et ce ne sera pas la seule. De 2019 à 2022, quatre projets d’installation aveyronnais souvent bien avancés avortent. « Les problèmes rencontrés n’étaient ni techniques ni financiers mais prioritairement humains, explique Vivian. Le projet d’exploitation que nous avions se transformait toujours en projet de reprise par les cédants ».

Bien d’autres auraient cent fois lâché « l’aventure ». Vivian, lui, persiste et signe. Une persévérance qui finira par payer dans les Landes à Parleboscq, où il est désormais installé, ainsi que Julie. Sa formation en lycée agricole, bien que dans le secteur social, lui donne accès d’office à la Dotation Jeunes Agriculteurs, sans repasser par la case école agricole. « Une aubaine », reconnaît elle. Et, quand Milan, 13 ans, interroge sa mère sur ce nouveau déménagement, elle répond avec certitude : « cette fois, c’est le dernier ».

Convaincre la Safer et Fermes en vie

Cette propriété céréalière de 170 ha de SAU entièrement irriguée ou irrigable, Vivian et Julie l’ont repérée sur le site propriétés-rurales.com de la Safer, attirés par l’offre de location avec option d’achat qui l’accompagnait. L’annonce est émise par Fermes en vie, entreprise à mission qui mobilise l’épargne citoyenne solidaire pour acheter des fermes et les mettre à disposition de candidats à l’installation. « C’était une propriété à 7 chiffres qui n’était pas accessible par la voie classique », commente Vivian. Après avoir convaincu Fermes en vie sur le projet et sa viabilité économique en tant que potentiel repreneur, il a aussi fallu en passer par le Comité départemental de la Safer puisque c’est à cette dernière que les cédants avaient confié la vente de leur bien.

D’un montant à 7 chiffres on passe à un montant à 6 chiffres

Alors que le comité étudie, projet contre projet, les différents candidatures au rachat, celle portée par Fermes en vie, en tant que propriétaire bailleur, alliée au projet agricole du couple fait mouche. La Safer donne son feu vert, entrant au passage dans « la chaîne des partenaires bienveillants et motivés à chaque étape » pour que le projet de Vivian et Julie aboutisse dans les meilleurs conditions. Acteurs importants de ce déroulement serein : les cédants, présents, mais jamais intrusifs, pour une bonne prise en main de la propriété.

Au final, devant le notaire : Fermes en vie rachète le foncier, les bâtiments et la maison de l’exploitation et le couple Santos tout le matériel : « traction, travail du sol, irrigation et stockage/séchage » liste-t-il. « D’un montant à 7 chiffres on passe à un montant à 6 chiffres », plus facile à négocier devant la banque. D’autant que si Vivian n’a pas pu prétendre à la DJA en raison de ses 40 ans révolus, il a bénéficié d’un prêt d’honneur du Réseau initiative Périgord : « 18 000 euros à 0% sur 6 ans, pour des investissements dans le machinisme ».

Une démarche écologique globale

Pour l’heure, c’est un fermage qui lie Fermes En Vie et le couple agriculteurs, mais ça ne va pas durer. « Aujourd’hui on est locataire, pour 7 ans minimum. Ensuite, quand nous aurons payé le matériel, on peut dire à Fermes en vie que le montant du loyer et de l’annuité, on le bifurque sur l’acquisition du foncier, du bâtiment et de la maison. Ça nous permet de rester linéaire en terme de charge financière. » détaille enthousiaste l’agriculteur, qui espère enclencher l’option d’achat d’ici 8 ans.

Autre ambition : diversifier l’assolement de l’exploitation, jusque-là accès en monoculture maïs. Dès 2024, le projet de Vivian est de cultiver « des oléagineux, des protéagineux, de la céréale à paille, de la légumineuse, et d’accentuer l’implantation des couverts végétaux de manière dense et diversifiée ». Au total, une démarche écologique globale dans laquelle entre aussi des pratiques de conservation des sols. De là à pousser jusqu’au bio ? La réflexion est bien là, mais les incertitudes économiques de la filière sont trop grandes pour se lancer dans l’immédiat. Une mise en garde faite par le Crédit agricole et approuvé par le comité technique Safer afin d’assurer un lancement sécurisé du projet du couple.

Un travail de l’ombre

Un travail aux champs qui, dans la répartition des rôles au sein du couple, revient sans grande surprise, à Vivian et ses rêves d’agriculture ; Julie, elle, exerce l’indispensable « travail de l’ombre » de l’exploitation. Administration, réglementation, comptabilité… Si elle avoue encore parfois « tâtonner », elle ne reviendrait en arrière pour rien au monde . « Ça me permet de pouvoir travailler avec Vivian, d’avoir le même statut que lui. On est complémentaire, et surtout on travaille pour nous. On a galéré mais on a réussi à faire ce qu’on voulait ; c’est quand même le but de chacun dans sa vie, non ? »

Le rendez-vous de l’installation et de la transmission est organisé au cours du Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine de Bordeaux, le 16 mai 2023.
Cette journée sur le thème « Agriculture: à chacun son installation » est une réalisation partenariale entre Aqui.fr, le Salon de l’Agriculture Nouvelle-Aquitaine, la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le Crédit Agricole, Jeunes agriculteurs Nouvelle-Aquitaine, La Coopération agricole, les CUMA, la SAFER, la Région Nouvelle-Aquitaine, la DRAAF et le réseau RÉANA.

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