Elle en aura fait du chemin cette eau avant de venir se jeter dans l’ouvrage de près de 8 ha d’emprise (digues comprises). Prélevée à presque 2000 mètres de profondeur dans un forage situé à 3 km à vol d’oiseau de la parcelle, elle aura sur son chemin, permis de chauffer d’octobre à mai, plusieurs bâtiments urbains de Mont-de-Marsan dont la base aérienne, l’hôpital Sainte-Anne, une caserne de gendarmerie, ou encore une école et même tout un écoquartier par le biais d’une chaufferie centrale.
En bout de course, cette eau de chauffage arrive donc dans ce bassin creusé sur des terres agricoles avec pour destination finale l’irrigation des champs qui l’entoure. Manière de ne pas directement rendre à la nature de l’eau trop chaude (40°C), que goûte peu le milieu naturel (et la réglementation).
Une solution imaginée et mise en oeuvre par la régie des eaux de Mont-de-Marsan et la chambre d’agriculture des Landes, percevant là le potentiel de valorisation des ces eaux « usées » pour l’irrigation tout en préservant un bassin rivière très déficitaire.
Nous avions très souvent des restrictions d’eau, alors on faisait ce qu’on pouvait avec des cultures classiques.
A la solution énergiquement « propre » de la géothermie, l’intérêt du « reuse » ou « reut », (pour réutilisation, ndlr) de cette ressource, se confirme être « très intéressant » pour les agriculteurs du coin, comme en témoigne l’un d’eux Frédéric Dudon. En effet, les trois agriculteurs impliqués dans ce projet ne regrettent rien. Réunis au sein d’une ASL (Association Syndicale libre), ils ont auto-financé la station collective d’irrigation et le réseau de distribution qu’il a fallu connecter au réseau d’irrigation pré-existant.
Le raccordement au réseau de canalisation de la réserve pour permettre l’irrigation
« Avant la mise en œuvre du bassin de rétention, nous avions des autorisations de prélèvement dans deux ruisseaux voisins, mais qui subissaient de forts déficits l’été. Nous avions très souvent des restrictions d’eau, alors on faisait ce qu’on pouvait avec des cultures classiques. » Frédéric Dudon a fait du maïs, mais il a par exemple aussi tenté l’asperge, liste-t-il avec dépit quand il évoque ces années-là.
Garantie de rendements, sécurité de revenu
Pour eux trois, les autorisations de prélèvement en rivière s’élevaient à 450 000 m³, pour arroser 137 ha de cultures végétales. Désormais, il doivent donc se partager un volume de 300 000 m³. C’est moins, mais contrairement à la ressource naturelle, cette réserve n’est soumise à aucun aléa lié à la sécheresse ni aux restrictions qui en pratique mettaient à mal leurs droits à prélever. Une sécurité qui plus est, garantie par le contrat avec la Régie des eaux de Mont-de-Marsan, précise Frédéric Dudon. « C’est une garantie qui nous permet de pouvoir développer des productions contractuelles auprès de coopératives, et donc de mieux s’en sortir en termes de revenu. »
L’agriculteur a par ailleurs fait le choix de ne pas équiper une des ses parcelles afin de consacrer entièrement son volume d’eau disponible sur ces productions contractuelles, en maïs semence cette année. « Sur les semences, au lieu de 2200 m³/ha, je peux ainsi valoriser 2700 m³/ha. Sur la dernière parcelle, je produis du Myscanthus, qui est une production dont les besoins en eau sont limités ».
Le verdict en tout cas est sans appel : « depuis qu’on a le bassin on est moins stressé sur les rendements des cultures, même si ça ne résout bien sûr pas la question des intempéries ou même du facteur chaleur qui peut beaucoup perturber la production comme ce fut le cas l’an dernier ». Autre bilan de l’opération, les stations de pompage en rivière ont été supprimées.
Visite ministérielle
Paul Carrère président de l’Institution Adour, Alain Rousset président du Conseil régional Nouvelle-Aquitaine et président du Comité de Bassin Adour-Garonne, et Bérangère Couillard, Secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, sur le site de la réserve d’eau de Mazerolles
Cette initiative a été présentée lors de la venue de la secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, dans les Landes, à l’occasion de la mise en oeuvre du Plan Eau par le Gouvernement. Elle a rappelé l’ambition gouvernementale de 1000 projets porteurs d’innovation pour une meilleure gestion de l’eau à 2027 (et dont 400 sont déjà identifiés ou engagés a-t-elle précisé). Elle s’est ensuite rendue sur une autre exploitation agricole à Saint-Cricq-Villeneuve, qui a mis en place un système d’irrigation innovant de goutte à goutte permettant d’économiser la ressource en eau. Dans l’après-midi, en Gironde, elle a participé à une table ronde sur le thème de l’innovation au service d’une gestion sobre et résiliente de l’eau.