Georges Perec à l’honneur au salon du livre de Pau ou la naissance d’un génie en Béarnl


Georges Perec à l'honneur au salon du livre de Pau ou la naissance d'un génie en Béarnl

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 22/11/2012 PAR Olivier Darrioumerle

« Fait un saut le matin. Ça s’est très bien passé (pour moi). Beaucoup de vent en l’air et très peu au sol. » On apprend que Georges Perec s’entraîne au saut en parachute sur les terrains de l’aéroport de Pau. Rien de plus sur son expérience aérienne. Pourquoi avoir choisi de faire son service militaire chez les paras à Pau ? Il faut ouvrir Les Choses pour trouver quelques pistes inconscientes dans un souvenir vif du jour où en gare de Lyon sa mère l’emmène en train se cacher à Villard-de-Lens : « Ma mère m’achète un Charlot intitulé Charlot parachutiste : sur la couverture illustrée, les suspentes du parachute ne sont rien d’autre que les bretelles du pantalon de Charlot.» Il ne reverra plus sa mère qui meurt en déportation à Auschwitz.

Plus loin dans le texte des Choses on peut lire Georges Perec décrire la sensation du souvenir associé au saut en parachute : « en 58 lorsque les hasards du service militaire ont fait de moi un éphémère parachutiste je pus lire, dans la minute même du saut, un texte déchiffré de ce souvenir : je fus précipité dans le vide ; tous les fils furent rompus ; je tombai, seul et sans soutien. Le parachute s’ouvrit. La corolle se déploya, fragile et sûr suspens avant la chute maîtrisée. »

58-59 : naissance d’un génie dans le BéarnDans la riche correspondance qu’il entretient avec ses amis on rencontre un Georges Perrec attachant, anar et révolutionnaire, qui signe jamais de la même manière « Chacune de mes signatures est un point d’interrogation» , écrit il à son ami, qui souhaite garder l’anonymat. Il négocie une machine à écrire et travaille beaucoup, mais il se plaint : « aimerais travailler 3 + que je ne fais. » En trois mois il lit autant qu’il est possible en une vie. Malcom Lowry, Laurence Sterne, Sartre, Faulkner, Conrad. Il compulse tout Flaubert, Dostoïevski et Joyce. Il découvre au musée des beaux-arts de Pau Le bureau du coton à la Nouvelle-Orléans d’Edgar Degas qu’il décrit avec minutie dans La vie mode d’emploi.

A cette période il rencontre Henri Lefebvre, sociologue du quotidien, auteur de critique de la vie quotidienne et dissident du PCF après avoir traduit les accusations de Khrouchtchev contre le stalinisme. Il s’entretient durant de longues discussions avec Henri Lefebvre qui a trente cinq ans de plus que lui. On retrouve l’influence du sociologue basque dans l’obstination de Georges Perec à décrire le réel qui deviendra plus tard une analyse de l’infra-ordinaire, dans Les choses ou La vie mode d’emploi.

Il se rend Navarrenx où vit Henri Lefebvre et à Toulouse aussi où il aura une première expérience avec une prostituée. Mais Georges Perec s’ennuie dans le sud-ouest comme la plupart des adolescents que l’on obligeait à porter l’uniforme sous les drapeaux. Il demande sa mutation dans un bureau du ministère de la guerre. Demande acceptée en novembre 1958. Il écrit en partant « me voilà homme de bien, homme de lettre, homme de gauche, homme tout court. » A son retour dans la capitale, tous ses amis parisiens disent avoir été frappés par sa maturité.

La Ligne Générale, une aventure des années 60A Pau il écrit Gaspard, qui deviendra plus tard le Condottière, qu’il qualifiera dans W ou le souvenir de l’enfance de «roman à peu près abouti.» Le manuscrit de Gaspard est accepté par Gallimard qui lui verse un à valoir de 75000 francs. Ce roman contient dans le désordre tous les thèmes chers à Prerec : l’absence, la Shoah, l’état d’orphelin, le jeu, le faux, mais aussi la forme en deux parties qui s’annulent par la destruction de la première par la seconde, comme le montre son attachement à la figure de style du palindrome ( «Ce repère, Perec»)

Muté de nouveau à Pau en mai 1959 il perd tout intérêt pour l’écriture de Gaspard qu’il juge « mauvais, inabouti, pas éditable comme ça. » Toutefois il apporte avec lui une idée neuve : la Ligne Générale ; LG : revue culturelle marxiste dont le nom est une référence à un film de Sergueï Eisenstein. Les locomotives de la Ligne Générale sont Claude Burgelin, Jacques Lederer et l’Oulipien Marcel Bénabou. Régis Debrey dans une moindre mesure. C’est dans le bain de Saint-Germain-des-Près, de novembre 58 à mars 59, durant six mois à Paris, que naquit cette idée de fonder une esthétique marxiste, « réaliste et joyeuse », contre celle pesante, figée et encadrée par le PCF. Le jeune intello exalté écrit des articles en réaction à la nouvelle vague, la nouveau roman, la nouvelle peinture qu’il ne considère que comme un peu de vernis sur de l’ancien.

On découvre dans les 56 lettres à un ami un Georges Perec jeune et très ambitieux, persuadé de porter une littérature révolutionnaire.  La Ligne Générale reflète cette ambition démesurée. «Un panorama et une critique de la culture, un dictionnaire des idées contemporaines, une apparition de nouvelles bases culturelle et politique, une naissance d’une nouvelle culture et donc d’une nouvelle conscience.» Trop ambitieux, la Ligne Générale sera estoquée et tuée dans l’oeuf par le PCF qui n’avait aucun intérêt à voir débouler dans son champ une revue incontrôlable. Dans son roman Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ?, histoire d’un troufion pendant la guerre d’Algérie et d’idéalistes qui n’arrivent jamais à passer à l’acte, Georges Perec écrit une dédicace en forme de clin d’œil : « Ce récit est dédié à LG, à la mémoire de son plus beau fait d’arme (mais si, mais si) »

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