Décès d’Henri Emmanuelli: un « grand vide » pour les Landes


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Décès d'Henri Emmanuelli: un « grand vide » pour les Landes

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/03/2017 PAR Julie Ducourau

La voix grave et rocailleuse du président Emmanuelli ne résonnera plus à l’assemblée du département des Landes. A l’annonce de sa mort, Xavier Fortinon qui présidait la séance budgétaire aussitôt interrompue, a salué dans un discours émouvant, « un homme d’Etat qui incarnait le département depuis 35 ans », « c’est un grand vide qui se présente devant nous », a-t-il dit, avant une minute de silence poignante durant laquelle plusieurs élus avaient peine à retenir leurs larmes.
Président de l’Assemblée nationale (1992-1993), Premier secrétaire du PS (1994-1995), deux fois au gouvernement — secrétaire d’Etat chargé des DOM-TOM de 1981 à 1983, puis chargé du Budget de 1983 à 1986 — ce Corse d’origine et Béarnais de naissance était devenu le plus Landais des Landais, défendant entre autres la chasse à l’ortolan. « Un dévouement pour le pays et pour les Landes de toute une vie pour cet homme d’une intelligence fulgurante, un visionnaire qui a lancé de nombreux projets dans son département, il restera pour nous un exemple de combativité », a souligné l’ex-maire PS de Dax, Gabriel Bellocq, après 40 ans de vie politique commune.

Un homme de convictionsCombat pour la régie publique des eaux, gratuité du transport scolaire, premier numéro vert en France pour la protection de l’enfance, opération un collégien-un ordinateur portable en avant-première nationale, actions pour le mieux-vieillir et dernièrement lancement du premier village Alzheimer… ce mitterrandiste historique, issu d’un milieu populaire, diplômé de Sciences Po Paris et entré chez Rothschild en 1969 avant d’adhérer au PS en 1972, était « un homme de combat au service des valeurs de la gauche », « sans jamais renier ses convictions », se rappelle-t-on de tous côtés. Ex-compagnon de route de Jean-Luc Mélenchon (« la mer a emporté le rocher », a dit le candidat) au sein du courant Nouveau Monde après l’échec de la gauche à la présidentielle de 2002, il s’était fait l’avocat en 2005 du non au Traité constitutionnel européen, désireux de ne « pas accepter n’importe quelle Europe ».
Elu député en 1978 et président du département en 1982, c’est dans les Landes que l’homme du village chalossais de Laurède renaît en politique en retrouvant tous ses mandats après sa condamnation en 1997 dans l’affaire URBA de financement illégal du PS comme trésorier du parti (dix-huit mois de prison avec sursis et deux ans de privation de ses droits civiques).
« Lou meste », le maître, comme certains l’appellaient ici, dirigeait de main de fer le département, en sachant créer les conditions de l’attractivité et du développement du territoire, un personnage parfois cassant aussi, aux mauvaises humeurs notoires mais à l’humour fin. « Il était entier, reconnaît Xavier Fortinon : dimanche quand il m’a appris avec une grande déception qu’il ne pouvait pas participer au vote du budget, c’était surtout ça qui l’attristait. Il considérait que le reste était surmontable et il en avait après ses médecins qui ne le libéraient pas ! »
Il avait une « autorité naturelle parfois rude, et derrière, une humanité et un humanisme remarquable », note M. Bellocq qui rappelle qu’Henri Emmanuelli s’est toujours battu pour le rassemblement de la gauche landaise. « C’est une personnalité qui en imposait et ne s’en laissait pas compter », a dit de lui Geneviève Darrieussecq, chef de file (MoDem) de l’opposition au département qui a vécu de nombreuses joutes verbales, plus ou moins virulentes, avec lui : « aujourd’hui la tristesse domine de voir une telle personnalité disparaître. On n’était souvent pas d’accord mais on se respectait, il a façonné beaucoup de choses pour les Landais, c’était un homme de combat ».
« Il était très attaché aux valeurs humanistes, se rappelle les yeux embués Odile Lafitte, vice-présidente du Conseil départemental : quand on avait des doutes, il suffisait de le voir et chaque fois on partait regonflé. On a perdu notre moteur » mais « il se mettrait très en colère aujourd’hui si on baissait les bras… »


 Hommages de tous bords

De droite, de gauche, les hommages affluent pour saluer la mémoire d’Henri Emmanuelli

François Hollande, président de la République :  » « Henri Emmanuelli était un homme droit. Socialiste de cœur, de raison et d’action, il a exercé les plus hautes fonctions sans jamais transiger avec ses idées, ni avec ses principes. Il exprimait ses convictions avec fermeté parfois avec rudesse, toujours avec sincérité, il avait une grande exigence de justice et d’égalité. »

Alain Juppé, maire de Bordeaux : c’était « un adversaire politique, dur et parfois même un peu sectaire » mais « Henri Emmanuelli était aussi un homme politique qui savait assumer ses responsabilités jusqu’au bout »

François Bayrou, maire de Pau : « Henri Emmanuelli était un combattant. Pour ses idées, qu’il défendait sans jamais céder. Et pour les Landes. A ces deux titres, respect ! »

Alain Rousset, président de la région Nouvelle Aquitaine : « la Région perd une de ses boussoles du monde industriel. Notre relation fut singulière : elle est passée d’une forme de suspicion à un partage de cette valeur fondamentale qu’est le soutien à l’industrie et l’intérêt pour le monde économique et la création d’emplois. C’était un homme de l’économie concrète, un homme consciencieux et volontaire de l’analyse des projets d’entreprises. Son expertise économique et son appétence pour le monde industriel n’étaient plus à démontrer, je pense notamment à la reprise de Gascogne, l’accompagnement à l’installation d’un laminoir à Tarnos sur la zone portuaire, ou encore à la filière forêt et à ses récentes prises de décisions lors de la crise aviaire pour soulager les acteurs de la filière gras. Nul doute que le bassin d’emplois du département des Landes lui doit énormément »

Boris Vallaud, candidat PS à sa succession comme député des Landes : « La France perd aujourd’hui un de ses grands serviteurs et les socialistes, un homme de conviction et l’une de leurs figures les plus éminentes. Les Landes doivent beaucoup à Henri Emmanuelli. Il a œuvré toute sa vie pour moderniser ce département, lui insuffler un véritable dynamisme économique, en faire une terre d’innovations sociales. Les Landais garderont de lui l’image d’un homme droit, engagé, plein d’humanité. »

Michèle Delaunay, député PS de Gironde : « C’est pour moi un immense chagrin que la perte d’Henri Emmanuelli, qui m’honorait de sa confiance et qu’avec la sobriété qu’il exigeait, j’ai essayé d’accompagner dans sa maladie. C’était un homme entier, intègre, volontaire, pudique que j’aimais et admirais beaucoup. Le Parti Socialiste a besoin de femmes et d’hommes de cette trempe qui ne louvoient pas, qui n’intriguent pas et dont l’action marque durablement leur territoire. Un coup de chapeau particulier à tout ce qu’il a réalisé pour les personnes âgées dans les Landes ».

Gilles Savary, député PS de Gironde : c’est « une perte considérable pour toutes celles et tous ceux qui ont connu sa vaste intelligence, sa sincérité et son attachement à la gauche française qu’il a servie jusqu’au bout et avec passion. C’est un responsable politique trempé et d’une grande abnégation collective qui disparaît »*

Germinal Peiro, président du conseil départemental de la Gironde : « Henri incarnait une certaine idée de la gauche, une gauche humaniste et réformiste mais exigeante, une gauche qui ne transige pas avec le libéralisme mais qui cherche à améliorer le quotidien des plus fragiles. » (…)



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