Dans les couloirs de la mutualisation


Solène Méric

Dans les couloirs de la mutualisation

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 27/10/2016 PAR Solène MÉRIC

Les Rencontres des dirigeants des collectivités d’Aquitaine, dont la 7ème édition se penchait ce jeudi 28 octobre à Talence sur le thème : « fusion et mutualisation, du mythe à la réalité », ont été l’occasion d’un focus sur la mutualisation des services réalisée au sein de Bordeaux Métropole. Un regard de l’intérieur sur ce processus puisque l’intervenant n’était autre qu’Eric Ardouin, le DGS de Bordeaux et Bordeaux Métropole, en charge depuis 2014 de la mise en place de ce chantier, dont la première phase achève ces derniers calages.

Une mutualisation à la carte, née d’un « désordre créatif »

Pour mémoire, avec la mutualisation issue de la loi sur la réforme des collectivité territoriales de 2010, les moyens des communes et de la Métropole sont mis en commun afin de mettre en œuvre des compétences, pour lesquelles, les communes restent cependant les donneurs d’ordre. Si la loi prévoit un tel processus, les principes de constitution des services communs, le périmètre des activités à exercer ou encore le calendrier de mise en œuvre de cette mutualisation sont laissés à la responsabilité des élus locaux et précisés dans un Schéma de mutualisation. Pour Bordeaux Métropole, celui-ci a été adopté fin 2014. Autant dire que « le processus de mutualisation est commandé par les législateurs mais s’agissant de l’environnement juridique de sa mise en place, leur message aux acteurs locaux est  »débrouillez-vous » », introduit sans détour Eric Ardouin. Une sorte selon lui de « désordre créatif » qui fait que, selon les Etablissements Publics de Coopération Intercommunale, « le schéma de mutualisation peut donc faire 3 ou 10 pages comme 100 ».

« à la carte : trois mots de malheur, une erreur fatale »

A Bordeaux, c’est en 2014 que l’ex Cub, se penche sur la question, avec une tentation première pour Alain Juppé de réaliser cette mutualisation uniquement entre la CUB et la ville centre, plus ou moins persuadé que « les Maires n’en voudront pas », raconte son DGS. Un sentiment erroné : « Après avoir fait le tour des communes, j’ai constaté que les villes étaient en demande de mutualisation pour les services dans lesquels elles rencontraient des problèmes. Pour l’une la mutualisation devait se faire au niveau de la comptabilité, pour l’autre sur l’informatique parce qu’il est particulièrement coûteux par exemple de changer son système informatique, pour un troisième sur l’urbanisme, parce que son service était un peu faible, etc ». D’où l’idée pour le DGS de proposer à son Président, une mutualisation « à la carte ». « Trois mots de malheur, une erreur fatale », plaisante-t-il à moitié. Car au final le schéma de mutualisation de la Métropole (qui compte quant à lui une trentaine de pages) propose « une mutualisation au choix des Maires, en terme de contenu ET de calendrier. En terme de complexité, on a choisi le plus dur à mettre en oeuvre… ».

Le travail a donc été enclenché avec les services des communes, en choisissant de commencer par lister les activités qui n’étaient pas mutualisables, c’est à dire « les fonctions régaliennes, l’école, la culture et quelques autres ». Bilan : « il restait 130 activités qui pouvaient être mutualisées. Les Maires ont pioché dedans et on a organisé ça par grands blocs de compétences ». Quant au calendrier, l’option « à la carte » suppose que chaque année les communes peuvent évoluer sur leur position. « Il y a une vraie liberté donnée au élus locaux, se félicite le DGS. La seule chose que les Maires ne peuvent pas faire sur les activités qu’ils choisissent de mutualiser, c’est revenir en arrière. » Résultat : « en moyenne 20% des effectifs des 15 communes qui se sont engagées sont passées à la Métropole. » Quant au calendrier à la carte : « Pour janvier 2017, 5 des 15 communes entrées dans le processus demandent à étendre le périmètre des mutualisations et deux nouvelles communes veulent le rejoindre »… Au total, Eric Ardouin fait rimer les trois mots « à la carte », qui font toute l’originalité de la démarche bordelaise, à deux autres : « complexité maximum ».

Un processus couteux pour un moins bon service: une phase nécessaire

Une complexité doublée d’une mise en œuvre ne devant pas être trop longue en raison de la crainte que les habitants perdent en qualité pendant le processus. « A compter de mi 2014, on l’a fait en 18 mois. La communauté urbaine est passée de 3000 à 5000 agents ! Il a fallu tout réorganiser, ça veut dire 5000 réaffectations de personnel, 500 jurys de recrutement, 3500 déménagements d’agents entre janvier et septembre 2016… Sur le papier tout cela s’est terminé au 1er janvier 2016, mais sur le terrain la plupart des équipes n’ont fini d’être regroupées que maintenant. » D’autres chiffres encore sont impressionnants : le passage de 3000 à 16000 feuilles de paye, 9 systèmes d’information différents à gérer, 1000 marchés publics à trier, pour savoir qui en est le titulaire : la mairie ? la métropole ? Les deux ?… Si toutefois cela est juridiquement possible… Nous avons posé la question il y a un an à l’Etat, nous n’avons toujours pas la réponse.»

« On ne fait pas de prosélytisme pour la mutualisation au sein de la Métropole »

S’adressant à ses pairs, le DGS n’y va pas par quatre chemins : « Sans surprise aujourd’hui la mutualisation coûte plus chère pour rendre un moins bon service, car c’est aussi de nouvelles manières de travailler pour les agents « mutualisés » qui eux-même vivent une période de transition qu’il ne faut pas négliger. Au total, ce sont des problèmes politiques de service à la population, des questions financières, des questions techniques, des questions humaines… Mais cette phase, elle est nécessaire pour aller vers une stabilisation des nouveaux modes de fonctionnement. » A l’image des 9 systèmes d’information, qu’il faut parvenir à réduire à un « d’abord parce qu’on fera des économies, et par ce que par la simplification ça marchera mieux ».

Pour autant il l’assure, « on ne fait pas de prosélytisme au sein de la Métropole pour aller vers plus de mutualisation, mais,  je pense qu’au fur et à mesure que les problèmes vont augmenter au sein des services municipaux, ils vont être transférés vers la métropole, ne serait-ce que pour des économies d’échelle ». Un processus, peut-être plus complexe que d’autres, mais dont le caractère inédit à été remarqué au niveau national puisque comme l’a souligné son Directeur général des Services, la Métropole de Bordeaux a reçu un prix territorial pour avoir fait le choix de cette démarche « à la carte ».

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