Le pavillon « Manga City » y était entièrement dédié, regroupant éditeurs et exposants français et internationaux. La ville a également accueilli trois expositions sur des grands mangakas ; l’une se consacrant au phénomène mondial L’Attaque des Titans avec une apparition attendue de son auteur, Hajime Isayama. La France est le plus grand acheteur de mangas au monde, juste derrière le Japon. Selon Ipsos 2022, plus d’une bande dessinée sur deux vendue en France est un manga, représentant 25,2% du marché du livre et 57% des BD. En tout, 48 millions d’exemplaires de mangas ont été vendus en 2022.
Junji Ito, dans l’antre du délire
Junji Ito, considéré comme le « maître de l’horreur » japonais, est un spécialiste du « body horror », parti pris qui vise à utiliser la déformation des corps humains pour véhiculer l’épouvante. Tout en travaillant en tant qu’assistant prothésiste dentaire, il a fait son nom avec sa série de courtes histoires mettant en scène la lycéenne fatale Tomie.
L’œuvre d’Ito se caractérise par son minimalisme qui rend l’horreur presque banale. Ses thèmes de prédilection – harcèlement, solitude, abus familiaux – sont d’abord sociaux, mettant en scène de jeunes Japonais dans leur cadre quotidien. Il peuple son univers de spectres grimaçants, d’enfants cannibales et de silhouettes ensanglantées. Inspiré par H.P Lovecraft (Ctulhu) et H.R Giger (Alien), Ito a créé son propre folklore fantastique. Ses dessins immersifs avec des décors réalistes sont parsemés de détails. Partisan de l’humour noir, il croit que la meilleure façon d’exorciser nos cauchemars reste de les tourner en dérision.
Ryoichi Ikegami, à corps perdus
Ryoichi Ikegami célébrait ses 20 ans de carrière en 2022. Artiste admiré mais discret, il fuit les médias pour se consacrer au dessin et mettre ses talents au service d’histoires écrites par d’autres. « Simple artisan » selon ses propres mots, il est pourtant considéré comme l’un des coups de pinceaux les plus identifiables de la bande dessinée japonaise, porté par l’inspiration qu’il trouve dans les œuvres occidentales. « Je vais tout le temps au cinéma, ce qui influence beaucoup mon travail. Je dois probablement voir tous les films américains sortis au Japon », déclare-t-il.
Celui qui a adapté Spider-Man en version manga avec un style raffiné et réaliste accorde une attention particulière aux expressions faciales et aux détails, comme les yeux, les bouches, les sourcils et les doigts, pour dessiner de manière la plus réaliste possible afin de donner vie à des histoires moins réalistes. Les planches de l’artiste sont encore à voir, exposées au musée d’Angoulême jusqu’au 12 mars.
Léo Marchandon | Aqui
L’Attaque des Titans, de l’ombre à la lumière
Hajime Isayama, l’auteur de « L’Attaque des Titans », un manga culte vendu à 7 millions d’exemplaires en France (110 millions dans le monde), a donné une masterclass au festival de la bande dessinée d’Angoulême. La rencontre a connu un grand succès auprès des fans, qui ont pu apprendre que le créateur, 36 ans, était un enfant timide et mal à l’aise, qui passait la plupart de son temps à dessiner des monstres. « Quand j’étais petit, il y avait des tableaux de Yamashita Kiyoshi dans notre maison qui me faisaient peur, mais après avoir terminé « L’Attaque des Titans », j’ai réalisé à quel point ils m’ont influencé », a déclaré Isayama.
« L’Attaque des Titans », qui raconte l’histoire de l’humanité confrontée à des monstres humanoïdes anthropophages, déploie un « univers parmi les plus stimulants de la culture populaire contemporaine », selon Fausto Fasulo, commissaire de l’exposition. Le manga est salué pour sa qualité graphique et son écriture, mais son auteur peine encore à se considérer comme un artiste. « Au Japon, les œuvres sont jugées en termes de commerce, mais en France, on nous considère comme des artistes », a-t-il expliqué, en rappelant la grande productivité attendue des mangakas au Japon, qui peuvent livrer jusqu’à 20 planches par semaine.