L'ÉDITO
par Cyrille PitoisTransition écologique : du discours à la vision
Le nouveau préfet de Nouvelle-Aquitaine, qui s’exprimait à Bordeaux devant la presse, lors de sa prise de fonction en début de semaine, s’est engagé dans un développement long et appuyé sur la transition écologique, « ce moteur du développement économique, » a indiqué le haut fonctionnaire. Et d’évoquer en cascade les questions de l’eau, de l’artificialisation des sols, des mobilités, de la réduction de l’usage de la voiture… On aurait cru entendre un candidat écologiste dérouler un programme.
Quand c’est un préfet, bras armé du gouvernement sur un territoire, qui adopte ces éléments de langage, on se dit en l’écoutant qu’il y a quand même du nouveau sur la planète. Dans les années 70, René Dumont ou le commandant Cousteau, premiers lanceurs d’alertes, ne rencontraient qu’une attention polie. Mais tout ça paraissait loin, abstrait. Depuis, les rapports des scientifiques se sont enchainés, étayant ces premiers constats, et les signaux visibles du réchauffement climatique sont apparus dans notre quotidien.
Avec la tonalité du propos du représentant de l’Etat, on peut se réjouir que la société en général et plus particulièrement ceux qui nous gouvernent, ont bel et bien pivoté et replacé la question de l’avenir de la planète au centre des préoccupations. On imagine aussi que les militants d’une écologie plus radicale ont pris note de cette évolution et ne manqueront pas de venir réclamer des comptes tant que des projets qui ne leur conviennent pas continuent de voir le jour.
Si le discours est clair, comment le mettre en pratique ? Rappelons que le même préfet était, dans son poste précédent, en responsabilité du projet GPSO, la LGV qui doit relier Bordeaux à Toulouse et à Dax. Un dossier sur lequel les défenseurs de l’environnement sont globalement sur la défensive, au regard des hectares et des infrastructures qu’il va consommer. Ils préconisent plutôt de moderniser par exemple la ligne existante entre Bordeaux et l’Espagne, pour consommer moins de crédits, d’hectares et de béton. Le préfet promet d’entendre les oppositions. Gageons que le dialogue risque d’être animé.
Cette position, un rien schizophrénique vient illustrer l’état des lieux du moment. De nombreuses personnalités et pas que politiques, se saisissent des questions environnementales. Les collectivités, l’Etat lui-même, irriguent leurs actions de nouvelles orientations plus favorables à la planète. Même les entreprises s’inscrivent dans le mouvement en affichant des « missions à impact » et en cherchant des comportements plus vertueux. Jusque dans le monde de la finance où des start-ups, baptisées néo banques vertes, garantissent à leurs clients que l’argent déposé ne financera aucune activité économique en lien avec les énergies fossiles.
Intellectuellement, un pas semble franchi. Est-il réellement suffisant pour réduire notre consommation calamiteuse de réserves naturelles ? A l’évidence non, si l’on en croit les rapports scientifiques et les indicateurs de la biodiversité. Et ce n’est pas avec de pâles incitations à éteindre la lumière ou débrancher les appareils en veille que la bascule va s’opérer. Ce sont bien des actions massives comme la généralisation de l’isolation des logements anciens ou d’autres plans Marshal sur la propulsion des véhicules à hydrogène ou la conversion de l’agriculture qui nous feront atteindre des objectifs significatifs.
Changer de discours est un premier pas. Changer de vision est une longue marche.
2 commentaires
Pour écouter René Dumont, citoyen de la planète terre.
1992, 125 minutes, film de Bernard Baissat
http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/02/03/26317776.html
Les antis-LGV préconisent de moderniser les lignes entre Bordeaux et Irun dans le nord de l’Espagne, Bordeaux-Toulouse et Toulouse-Limoges-Paris. Concernant l’aménagement de la ligne existante Bordeaux-Toulouse en lieu et place de la LGV, les temps gagnés ne sont pas comparables. 56 minutes avec la LGV contre 27 minutes avec la modernisation de la ligne existante. Cette dernière option serait pour moi une catastrophe. En théorie 27 minutes gagnées pour un coût de 4,9 milliards contre 6,3 milliards et 56 minutes pour le GPSO (chiffres 2020). Mais il faudrait construire tout de même 50 kilomètres de voies nouvelles pour éviter des secteurs trop sinueux; riper 25 kilomètres de double voie; modifier 35 kilomètres de rayons de courbures; supprimer 98 passages à niveau; détruire 360 maisons, entrepôts, bâtiments le long des voies (contre seulement 300 pour le GPSO). Cet ensemble de travaux va durer des années voir une décennie et perturber voire interrompre le trafic et ainsi détourner les usagers du train pour se tourner vers la voiture et l’avion. Combien de temps faudra-t-il pour aménager la ligne Bordeaux Toulouse longue de 230 Km ? 100 ans de travaux de nuit ? Fermer la ligne 5 ans ? Mais faire cet aménagement ne va pas solutionner le problème de capacité. En effet si vous faites circuler des trains à 220 kilomètres/heure, vous réduisez d’autant les possibilités de sillons pour les autres trains (TER, trains de marchandises). Il y a quelques semaines à Carcassonne. Un train de marchandises qui a déraillé et endommagé les voies bloquait tous les TGVs sur l’axe Toulouse-Narbonne ! Faire cohabiter des trains qui circulent à 220 kilomètres/heure et des passagers qui attendent des TER dans des petites gares est dangereux. Je vous rappelle que les collectivités locales de l’ex région Midi-Pyrénées ont participé à la construction de la LGV Tours Bordeaux à hauteur de 280 millions d’euros avec l’engagement de l’état, de la région Aquitaine et de la métropole bordelaise de réaliser les prolongements LGV vers Toulouse et Dax. Et pour finir seul le GPSO permet un report modal important de l’avion vers le train, la ligne aérienne Toulouse-Paris étant la plus fréquentée en Europe.