Soeur et Femme: Emmanuelle s’en est allée…

Que dire face à tant de dévouement, d’engagement, de lucidité, jusques et y compris lorsqu’elle tenta de convaincre Jean Paul II de l’importance de la contraception? Sœur Emmanuelle s’en va avec la suprême élégance de tutoyer ses cent ans. Sans devoir les fêter, elle que les médias de l’audiovisuel s’arrachaient, tant était grands son charisme et la force de son propos. Elle n’aura pas connu l’inévitable procession des admirateurs, hommes de télévision en premier lieu qui avaient trouvé en elle une « cliente » d’exception, habile à se servir de la caméra pour crier sa colère et appeler les puissants à la rescousse.
Son envolée, venant après celles de Mère Térésa et de l'abbé Pierre, ne peut pas ne pas susciter la question suivante : Etait-elle le dernier grand témoin de la misère universelle ? Certes les humanitaires sont sur le terrain, ici et là, au péril de leur vie pour venir en aide aux populations déplacées, humiliées, épuisées. Au Darfour comme au Congo. Mais des personnages de cette dimension, capables de dépasser les clivages politiques et les interdits pour tendre la main et partager la condition des plus pauvres et des plus humbles, peuvent-ils exister et être acceptés par les gouvernements, les opinions, d’autres confessions ? A l’heure où une certaine forme de gouvernance mondiale semble plus que jamais nécessaire, où la misère et l’oppression alimentent le terrorisme,où le fondamentalisme entretient la haine de l’Occident, nous ne devons pas oublier le message d’une sœur et d’une femme qui avait fait le choix de l’amour du genre humain et entretenu, du même coup, un peu d’espoir.

Joël Aubert