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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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26/05/2023

Logement : les sirènes hurlantes d’une crise majeure

Le taux de refus de prêts immobiliers sollicités par les particuliers auprès des banques atteint un record de 45% en mars 2023. Presque une famille sur deux qui se projette dans une accession à la propriété, se retrouve les ailes coupées. La banque s’abrite derrière l’explosion des taux d’intérêts qui croisent le fameux taux d’usure. La réalité est cependant moins arithmétique: les banques recherchent une rentabilité maximale, le coût de l’argent étant devenu pour elles aussi, beaucoup plus élevé. Elles privilégient le dossier facile d’un candidat à l’acquisition, jeune, avec de bons revenus réguliers et un apport personnel conséquent. Une fois le quota d’accords de prêt atteint avec ces demandes, elles laissent de côté tous les dossiers un peu plus complexes.

Ce comportement qui accentue le décalage entre les attentes du consommateur et le rôle des établissements financiers dans la marche de l'économie, a un effet délétère sur le reste de la chaîne du logement. Les professionnels de la négociation immobilière ne vont pas pouvoir tenir des mois à rapprocher acheteurs et vendeurs, pour qu’au final la transaction échoue.

Mais c’est aussi toute une logique qui se grippe derrière. Ces exclus de l’accession n’ont pas d’autres choix que de se cramponner sur le marché de la location, lui-même déjà très tendu et inflationniste. Et ce sont les nouveaux venus dans la vie active qui sont interdits de logement et se retrouvent à squatter, parfois en couple, chez les parents ou à rester en colocation format étudiant, alors qu’ils aspirent à autre chose.

Même les maires de communes rurales sont confrontés à la difficulté d’héberger des familles locales pour garnir les effectifs scolaires, alors que les urbains viennent se réfugier dans les territoires et contribuent à la hausse des prix.    

Dans les zones touristiques, les grandes villes ou sur le littoral, les propriétaires de logements jouent avec cette tension en relevant les niveaux d’exigence de solvabilité des locataires. Les collectivités ou les employeurs privés sont obligés d'investir pour héberger et retenir les saisonniers.

Les bailleurs sociaux pour leur part, sont sous la pression d’une baisse du nombre de sorties du parc HLM, tandis que chaque projet immobilier qui est envisagé pour étoffer l'offre devient plus coûteux du fait de l’explosion des prix de la construction.

Et voilà que la location courte durée, de type Airbnb, vient rajouter quelques degrés à ce climat enfiévré. Cette semaine, le député socialiste des Pyrénées-Atlantiques, Inaki Echaniz espérait faire examiner par l’Assemblée nationale un texte visant à réguler cette anomalie du marché. Raté : le projet de loi a été écarté des débats du mois de juin, alors que l'offre de locations touristiques a presque triplé entre 2016 et 2021.

D’évidence il est urgent d’agir. D’évidence rien ne se passe. Les exclus du logement s’en sortent comme ils peuvent, le plus souvent en s’éloignant de leur lieu de travail ou des sites de formation. Ils sont contraints de multiplier les trajets en voiture, ce qui est totalement contre-productif en terme de résilience climatique, sans parler du stress et de la fatigue.

L'allumette du mécontentement est allumée. Le logement a déjà réuni à deux reprises des milliers de manifestants dans les rues d’une ville comme Bayonne. Quand la mèche sera consumée, ce sera l’explosion de colère. Les gilets jaunes ou autre mouvement aussi spontané qu’incontrôlable politiquement y trouveront le terreau du désordre. Et ce sont encore les extrêmes qui en tireront, in-fine, les bénéfices.

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