L'ÉDITO
par Joël AUBERTLe syndrome de la sous-préfecture : une France délaissée mais sous contrôle
Est-il si éloigné de nous ce temps-là? L'époque où le maire allait chercher conseil et protection auprès du représentant de l'Etat? Il faut le croire puisque dans la grande entreprise "d'amaigrissement" en cours, le remodelage du paysage s'accélère, sans état d'âme pour cette France-là qui devra s'adapter coûte que coûte: bureaux de poste, hôpitaux, maternité, tribunaux, sous-préfectures. Entendons-nous: la nostalgie n'a pas cours dans ce jugement qui ne saurait ignorer les changements, y compris institutionnels, de l'organisation territoriale française. Maintenant que l'intercommunalité a pris une large place dans la vie quotidienne des Français,que la décentralisation a transféré et continue de transférer des compétencesimportantes aux départements et aux régions, l'Etat prend ses distances. D'une façon, dont le grand débat démocratique engagé autour de la création du fichier Edvige porte témoignage. Il reconcentre ses pouvoirs et accroît ses moyens de contrôle sur la société. Il n'est que considérer, par exemple, le fonctionnement de la gendarmerie nationale dont le centre de décision est, désormais, départemental. Le rapport, essentiel, que le gendarme devrait avoir avec la population s'estompe ou disparaît. Purement et simplement. Avec son lot de conséquences ordinaires et ce sentiment d'abandon du citoyen qui est de mauvaise augure.
Résumons-nous: la grande question, la seule qui vaille porte un nom: proximité. Au coeur du dispositif marchand qui gouverne notre société, la publicité nous rebat les oreilles, à tout instant, sur le thème de la proximité mais la vraie, celle du service, de l'écoute, de l'aide indispensable à la vie sociale de millions de gens, est de plus en plus menacée. Encore est-il heureux que les collectivités, souvent méprisées, prennent le relais, combattent notamment la fracture numérique, au lieu et place d'un Etat dont les serviteurs auront de plus en plus de mal à faire face à leurs missions. Derrière cette litanie de petites morts annoncées, sous-préfectures ou bureaux de poste, il faut en prendre conscience, s'engage la vraie bataille pour la démocratie et le vivre ensemble. L'humanisme, en quelque sorte.
Joël Aubert