icone plume

L'ÉDITO

 par Solène MÉRIC Solène MÉRIC
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
24/03/2023

Le président et son petit carton

« Je suis sûr que l'on saura s'unir, se réunir pour l'avenir de notre pays, j'en suis convaincu ». La dernière phrase de l'interview donnée par Emmanuel Macron mercredi sonne décidément de plus en plus faux. Les faits ont mis hier encore à rude épreuve les propos de celui qui se campe comme le détenteur du monopole de la raison face à la foule et, oui, au peuple.

Si celui-ci est en marche, ce n'est résolument pas pour faire union avec l'hôte de l'Elysée. Le marcheur devenu, et redevenu président, refuse lui-même d'avancer. Il l'affirmait encore mercredi, son seul horizon, après la décision du Conseil constitutionnel : la mise en œuvre de la réforme des retraites avant la fin de l'année. A défaut de marcher, il « entend », dit-il, de là à écouter...

La seule « invitation » à l'adresse des syndicats, sur le travail, est pour après la réforme sur les retraites. La charrue avant les boeufs, et alors ? La « justice sociale » qu'il dit rechercher passera après sa mathématique de la démographie. Et promis, ça ne lui fait « pas plaisir », tient-il à préciser. Quid, face à la colère de la rue, qui ne cesse d'enfler, entraînant avec elle grèves et blocages de plus en plus nombreux, des raffineries aux universités ? « Il y a une tendance dans notre démocratie à vouloir s'abstraire du principe de réalité », il fallait quand même oser. Autant, que celle sur les heureux smicards qui « n'ont jamais autant vu leur pouvoir d'achat augmenter ». En stratégie d'apaisement, on a connu mieux.

Au dialogue, le président préfère une leçon de mathématiques comparées, diagramme en main... Au-delà de l'incomplétude dudit diagramme, l'image est pour le moins étrange. Le président et son petit carton. Les tableaux et les chiffres donc. Que les syndicats et opposants, se le tiennent pour dit. Eux font alors valoir une autre forme de calcul : les participations aux manifestations, les taux de grévistes, les nombres de blocages ou de ronds-points occupés, ils pourraient même mettre en avant les cotisations en hausse apportées par des sympathisants, pas forcément affiliés.

Ce qui se compte aussi dans la rue, ce sont les violences, qui vont crescendo, les arrestations, les blessés qu'ils soient casqués et vêtus de bleu, ou non. Le chef de l'Etat, qui répond sécurité républicaine, n'a pu sans doute, comme tout le monde, que regarder la porte plus que centenaire de la mairie de Bordeaux être ravagée par les flammes. Plus symbolique et dérangeant, que des poubelles. Sur quelle échelle transforme-t-on la radicalisation en chiffre ? Sur quelles données évalue-t-on la rupture sociale, politique et démocratique ? Ah oui, le vote. La montée des extrêmes, l'explosion de l'abstention, ou vice-versa. Après lui, le déluge ?

Il y a un an pourtant, Macron ne jurait que par le dialogue, arguant comme une évidence dans « la nécessité de maintenir le contact autant que je le peux et autant que nécessaire ». Objectif alors : « chercher sans relâche à prévenir la contagion et l’élargissement du conflit autant que nous le pouvons. » Il s'agissait là, certes, de diplomatie internationale. Cette stratégie du dialogue valait pour un certain Vladimir Poutine, aujourd'hui officiellement sous mandat d'arrêt international. Que Laurent Berger et les autres ne se vexent pas. Deux poids, deux mesures sans doute...

L'heure en France, même si rien ne rassure, n'en est pas au conflit armé, et la comparaison avec la prise du capitole ou la tentative de coup d'Etat au Brésil est plus qu'inappropriée. Mais tout de même, après des débuts qui se voulaient pourtant prometteurs, quelle image donne au monde ce président, dont la figure ne brille plus à l'international, et qui se mure dans ses certitudes et dans une forme de solitude, face à une France en rébellion ? L'image de la Révolution colle aux basques de notre pays, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire... A défaut de faire plier Jupiter, c'est un roi, Charles III, qui annule sa visite française.

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents