L'ÉDITO
par Joël AUBERTLe lourd échec de la gauche et l’exception Aquitaine
Ce constat renvoie à une manière de gouverner qui, singulièrement depuis un an, malgré les efforts du premier ministre a souligné le divorce grandissant entre l'exécutif, le président en premier lieu, et sa famille politique. Devoir recourir à la grosse batterie de l'arsenal constitutionnel, le 49-3, pour faire plier sa majorité sur un projet de loi censé donner de l'oxygène à l'économie : cet épisode restera en quelque sorte comme le marqueur des divisions de la gauche, de ses fractures idéologiques qui l'ont décrédibilisée aux yeux de beaucoup de ses électeurs naturels.
Observer les résultats dans des citadelles jadis imprenables et de longue tradition socialiste, dans le Pas-de-Calais ou la Moselle et y voir la prééminence d' un Front National devenu le réceptacle des frustrations et du désespoir : quelle démonstration de l'échec de la gauche de gouvernement.
La droite qui a su, pour l'essentiel faire son unité avec le centre, remporte naturellement la mise de ce bouleversement dans ce qui constituait l'un des points les plus forts de la gauche: son ancrage départemental. L'extrême nationalisation d'une élection, pourtant par définition de proximité, a aggravé le cas du PS qui, ici et là, a sauvé les meubles quand la gauche, désunie au premier tour, a su resserrer les rangs de ses militants pour affronter le second. Et faire quelques promesses de gestion à ses vieux alliés ou aux dissidents du Front de gauche et bien sûr les écologistes. L'histoire retiendra que la gauche, après avoir voulu saborder le département et en faire un nouveau banc d'essai de la parité, l'a remis en selle sans d'ailleurs éclairer vraiment sur le champ final de ses compétences. Il y avait sans doute une meilleure manière d'aller au combat.
L'autre grande leçon de ces départementales tient en un mot ou plutôt une phrase : le Front National impuissant à gouverner. Car, ce second tour après une entrée en matière moins opulente que prévue mais quand même spectaculaire, avec pénétration dans le tissu social d'une France qui se sent abandonnée, ce second tour nous délivre une bonne nouvelle : Les Français ne font pas confiance au Front national pour passer à l'acte de gouverner: aucun département n'est tombé dans son escarcelle et le pouvoir de nuisance du FN a connu, en de nombreux endroits, ses limites. De très nettes limites. Songeons que dans un département comme le Lot-et-Garonne où il faisait figure d'épouvantail, présent dans les triangulaires, il n'a rien décroché et fait le jeu de la gauche qui, en se remobilisant, a su conserver le département. Faudrait-il pour autant sous-estimer l'implantation très large du parti de Marine Le Pen dans l'hexagone ? Ce serait une erreur et chacun sait que l'objectif du Front n'était pas tant de gagner quelques départements que de préparer, d'ores et déjà, le lancement de sa campagne présidentielle. Car, dans une France dont les institutions, ont été faites pour un homme et face aux circonstances -Charles de Gaulle et la guerre d'Algérie- il faut toujours craindre que l'histoire ne nous propose, face à la détresse populaire, une folle réponse. Nous n'en sommes pas là mais au moins gardons les yeux ouverts et démontons les invraisemblances d'un parti dont les idées sont hors du temps et qui, s'il arrivait au pouvoir, jetterait les Français les uns contre les autres.
Enfin, sachons tirer aussi de ce rendez vous quelques enseignements susceptibles de nous éclairer sur l'autre élection importante qui se dessine : la régionale, en décembre. En Aquitaine où les Pyrénées-Atlantiques, sans vraie surprise, sont retournées à droite la Gironde, les Landes, la Dordogne, et le Lot-et-Garonne restent à gauche. Dans un contexte national aussi négatif, c'est presque une performance...Pour autant les socialistes qui, autour d'Alain Rousset, se préparent à définir leurs axes de campagne pour la Grande Région ne devraient pas prendre la chose à la légère. Et faire une campagne qui donne du sens à ces Régions qui vont devoir porter la nouvelle donne de l'économie. Car, ne l'oublions pas et Nicolas Sarkozy tout à la joie de son succès l'a laissé entendre dès ce 29 mars : la droite et le FN vont nationaliser les Régionales. Des élections, faut-il le rappeler, qui ont lieu à la proportionnelle et où tous les excès sont possibles dans un climat aussi hostile au pouvoir.