L'ÉDITO
par Joël AUBERTLascaux III à Cap Sciences: les raisons d’un grand succès populaire
Certes, Bordeaux et l'Aquitaine n'étaient pas peu fiers d'offrir en première mondiale, et de le faire savoir, une exposition que Paris avait semblé bouder, alors même que quelques uns des plus grands musées scientifiques du monde se l'arrachent. Et ceci, qu'il s'agisse du Field Museum de Chicago, où elle restera six mois en 2013 avant de poursuivre son périple en Amérique du Nord à Montréal, Denver, San Francisco, puis en Chine à Pékin et Shangaï en 2015 et 2016, avant d'aller en Corée, au Japon et en Australie jusqu'en 2017. Une manière de Tour du monde dont on pressent, déjà, qu'il sera triomphal pour une exposition conçue, aussi, comme une ambassade de l'art pariétal dont la vallée de la Vézère est le haut lieu mondial.
A Cap Sciences, depuis le 10 octobre, sont venus sans doute ceux qui avaient eu l'occasion, à Montignac, depuis qu'il fut ouvert en 1983 de visiter Lascaux II, le fac similé déjà remarquable d'une partie de la grotte. Mais la foule des nouveaux visiteurs a pu découvrir les progrès extraordinaires d'une reconstitution millimétrique, rendue possible, à la fois par le numérique et la création de nouveaux matériaux. Chacun devait pouvoir éprouver le sentiment de pénétrer dans le saint des saints, dans ce trésor de l'humanité, né il y a plus de 20.000 ans, sur les parois de rochers dont les artistes ont su utiliser le relief pour donner vie à leurs desseins, à leurs peintures. Et, disons-le, pour avoir naguère eu le privilège de visiter la grotte, aujourd'hui fermée, cette lente descente, le souffle suspendu, à la rencontre de la vache noire, des bisons, des cerfs... nous doutions de ressentir une émotion du même ordre. La magie du lieu, recrée au plus près de l'origine, harmonieusement, ce trait de lumière qui vous invite à découvrir le foisonnement des figures, participent de l'émotion ressuscitée. Pedro Lima, dans un très bel ouvrage, « Les Métamorphoses de Lascaux », note qu'à notre « admiration se mêle aussi une forme de reconnaissance, d'empathie, voire de fraternité vis à vis de celles ou ceux qui nous ont légué, à plusieurs millénaires de distance, un tel chef d'oeuvre. Derrière chaque trait peint ou gravé, c'est bien l'homme de Lascaux, dans toute sa complexité et sa proximité, un Homo sapiens comme nous, qui se manifeste . »
La clé d'une reconnaissance populaire est là, dans cette familiarité ressentie, l'éternité d'un geste que l'on devine, la simplicité absolue du trait qui a peint cette frise des cerfs nageant.
Bon vent, désormais, à Lascaux III qui va porter haut et loin le message, éminemment humain, des artistes de la Préhistoire. Et annoncer la naissance de Lascaux IV le centre international d'art pariétal, voulu à l'horizon 2015 par le département de la Dordogne, la Région Aquitaine et que l'Etat soutiendra, finalement moins que cela fût éspéré, mais soutiendra quand même, conscient des considérables enjeux culturels et économiques qu'il représente.