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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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11/05/2023

L’agriculture, mamelle au goût de poison ?

Bordeaux héberge cette semaine le Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. Cette réunion annuelle de ce que nos départements comptent comme acteurs engagés dans la ruralité, est bien plus qu’une vitrine des énergies, des techniques et des politiques agricoles.

Avec les concours d’animaux, les démonstrations en tout genre, les rencontres entre professionnels et institutions, c’est un concentré pendant une dizaine de jours de tout ce que l’agriculture est capable de générer à longueur d’année sur le plan économique, environnemental et humain.

Depuis les besoins alimentaires insatiables du lendemain de la guerre, suivis des Trente glorieuses, de l’exode rural, des progrès techniques et technologiques des méthodes de culture et d’élevage, du développement des fertilisants, mais aussi de quelques catastrophes écologiques ou de crises de production avec des dégâts sociaux souvent restés dans le secret des cours de fermes, l’agriculture dont les métiers sont pourtant issus d’une longue tradition et de savoir-faire acquis au fil des siècles, a vu sa boussole perdre le nord en quelques décennies.

La montée en épingle de faits désastreux relatifs au bien-être animal ou à la privatisation de la ressource en eau ne doit pas cacher le travail fait avec humilité par la majorité des agriculteurs et de leur environnement pour faire évoluer le modèle vers davantage de bon sens.

Mais il n’y pas que le monde agricole qui s’y implique. Cette recherche d’une filière agricole capable à la fois de jardiner nos paysages, d’assurer une alimentation en quantité et en qualité, de faire vivre nos campagnes dignement et de protéger l’environnement dont nos enfants auront un impérieux besoin, cette aspiration sociétale n’est pas de la seule responsabilité des paysans.

La crise Covid a pu laisser croire que les comportements de consommation allaient évoluer durablement vers plus de proximité et d’authenticité. Mais la hausse des prix et l’inflation qui ont suivi ont finalement briser cet élan, comme le démontre la crise que traverse la production bio depuis un an.

La guerre en Ukraine a ouvert brutalement nos esprits engourdis sur l’insuffisance de notre souveraineté alimentaire. Un an après, la campagne de Dijon retrouve enfin les semis de graines de moutarde. Et voilà le vignoble bordelais contraint d’arracher 10% de ses surfaces pour s’aligner sur les besoins d’un marché international dont on feignait de croire qu’il ne serait jamais saturé.

Stratégies planétaires contre logique de proximité ? Production de masse contre qualité réservée à une élite boboïsante ?  Militants bios contre agro-industrie cotée en bourse ?  Il est urgent de cesser les duels stériles et de réfléchir ensemble à des options médianes qui concilient l’Homme et la nature, qui produisent pour tous sans sacrifier la qualité, qui rémunèrent chaque producteur sans que sa propre santé soit mise en danger.

Les sujets sont nombreux. Les consommateurs, par leurs achats quotidiens peuvent peser sur ces choix de société. Les politiques doivent définir une ligne directrice plutôt que rester paralysés face aux lobbies et à leur poids électoral.  

Ce qui est réjouissant c’est d’écouter tous ces jeunes paysans qui, malgré les difficultés, s’engagent à la ferme pour une vie entière, impliquant souvent toute leur famille (Lire notre dossier: agriculteurs nouvelle génération). Ils y vont par passion. Pas une passion auto centrée qui viserait la satisfaction de leur plaisir personnel. Cette passion leur dit que chacun d’entre eux, a un rôle, une réflexion et des gestes quotidiens qui peuvent éclairer et orienter notre société. Cette société, si prompte à engager de l’intelligence artificielle et des outils virtuels, mais totalement désorientée sur le chemin de la terre nourricière, pour laquelle sa responsabilité aux yeux des générations futures est pleine et entière.

Découvrir, interroger, dialoguer et ouvrir des perspectives nouvelles, voilà pourquoi il faut aller au salon bordelais. Il est là pour dessiner les contours d’un projet collectif autour de cette mamelle essentielle. Pour qu’elle n’ait jamais le goût du poison.

 

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