L'ÉDITO
par Joël AUBERTLa dissuasion reste le maître mot
Classique, le rappel par Nicolas Sarkozy, de la conception française de la dissuasion nucléaire. Classique et pas surprenant car s'il est un domaine où la rupture ne peut être ouvertement à l'ordre du jour c'est bien celui-là. Et, ce n'est certainement pas à quelques jours de l'annonce de sévères mesures d'économie pour les armées que l'hôte de l'Elysée pouvait se risquer à critiquer le coeur de la stratégie de défense du pays. La dissuasion, à l'heure de la guerre froide, c'était pour la France l'assurance que le faible avait une capacité suffisante de destruction à opposer au fort si l'idée le prenait de nous attaquer; c'était, aussi, le bras armé de la souveraineté nationale, si chère à De Gaulle dont on sait combien il avait appris à se méfier de l'Amérique. La guerre froide est derrière nous mais d'autres menaces sont apparues et d'autres pays, aux régimes peu recommandables, se sont ou vont se doter de l'arme nucléaire. La France, aujourd'hui, n'entend donc pas baisser sa garde minimale opérationnelle. Moins d'avions pour emporter des missiles mais des avions quand même, des Rafale à la place des Mirage, alors qu'un temps cette composante-là avait semblé menacée. Et, bien entendu les sous-marins.
Reste que la suite du programme risque de passer beaucoup moins bien auprès des armées. Un plan massif de suppression d'emplois, de nouveaux sites supprimés et des économies drastiques qui vont obliger le ministère et l'état major à réorganiser les moyens. A vrai dire il était devenu nécessaire de regarder l'état de nos forces avec une exigence de vérité. Des unités souvent incapables de se projeter faute de matériels, de pièces détachées, d'une logistique suffisante, des hommes impliqués dans des missions d'interposition de longue durée, ou déployés sur le théâtre de combats comme en Afghanistan: la France a moins que jamais les moyens de ses ambitions, y compris dans ce pays où la lutte contre les talibans semble vouée à l'échec. Elle doit donc les revoir à la baisse et les partager avec ses alliés européens. Le délicat exemple du Darfour est là pour le rappeler.Désormais, c'est bien dans le cadre européen qu'il convient de penser notre défense, d'approfondir des coopérations déjà engagées et de le faire en portant des valeurs qui sont aux antipodes de l'esprit guerrier, celles du respect des droits de l'homme et des démocraties, même si elles ne semblent pas toujours irréprochables.
Joël Aubert