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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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26/01/2023

La copie retraites est à revoir

Et nous voilà repartis dans un conflit social, probablement historique, autour de la réforme des retraites. Avec ses cortèges dans les rues, ses journées de blocage du pays et ses conversations enfiévrées à la machine à café.

Sur le fond, le sujet est éminemment technique. Peut-on continuer à financer le système actuel ou faut-il obligatoirement jouer sur les curseurs qui fâchent, comme le recul de l’âge de départ, pour sauver la mécanique de la répartition ? Les analystes ne lisent pas les indicateurs avec les mêmes lunettes. Il semble cependant que le recul de cette fameuse ligne rouge de l’âge ne soit pas la plus imaginative dans le champ des solutions possibles.

Loin du fond du sujet, la question est de savoir pourquoi le gouvernement prend le risque, pour une réforme qui suscite si peu d’adhésion, de mettre le pays dans tous ses états, avec un coût social et économique qui va laisser des traces? Juste pour plaire aux sympathisants LR ? Selon une étude Ipsos Sopra-Steria pour Le Point, du 18 janvier, 29 % des proches de LR pensent qu’il faut réformer le système de retraites, mais « selon des modalités différentes de celles proposées par le gouvernement ». Donc même sous ce prisme, le retour sur investissement de la ténacité n’est pas acquis.

« Quand un projet rencontre un tel niveau d’opposition sur le terrain, cela pose un réel problème démocratique, » confessait, inquiet, un élu de Loire-Atlantique en 2015, lui-même favorable à l’aéroport nantais de Notre Dame des Landes sur lequel il était interrogé. Le dit projet fut finalement abandonné en 2018 par Edouard Philippe, après vingt ans de résistance entre les talus du bocage, pas moins de 160 procédures en justice et même un référendum voulu en 2016 par François Hollande et dont le résultat était favorable au projet!

C'est quoi le rapport? Un projet, un dossier, un texte aussi soigneusement élaboré soit-il, doit à un moment donné, rencontrer son public, suscité une adhésion globale.

Peu importe à ce stade, le bienfondé de la réforme des retraites. Les Français ne veulent pas de cette loi pour des raisons variées que l’on identifie facilement. Par exemple la question jamais résolue des femmes qui sont pénalisées par des carrières à trous pour avoir élevé leurs enfants ou suivi les mutations de leur mari. On mesure aussi que la pénibilité, les carrières longues ou la prise en compte des années d’études sont des sujets sur lesquels il y a un légitime affect en fonction de la situation particulière de chacun.

Sans avoir décortiqué la mécanique budgétaire de la loi, une majorité de Français la ressent comme une injustice, un coup de canif dans l’engagement nourri jour après jour, à l’égard de la vie professionnelle. Quand la rue mobilise toutes les générations, quand les petites villes manifestent autant que les grandes métropoles, il faut savoir lire le signal envoyé, et comprendre avec modestie que la copie est à revoir.

Avoir (peut-être ?) raison dans l’isolement des cabinets du pouvoir, à la lumière de savants ratios et de tableaux Excel, ce n’est pas avoir raison en démocratie.

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