L'ÉDITO
par Joël AUBERTL’A 65, cette autoroute Langon-Pau qui ne décolle pas…
Pour en arriver là le débat avait été long. On avait même bien cru qu'il serait sans fin, la mise à deux fois deux voies de la Nationale 134 de sinistre mémoire où tant de drames s'étaient produits ayant, un temps, la préférence, avant qu'il devienne évident que pareil chantier ne pourrait bénéficier de crédits publics suffisants. La solution de la concession s'imposa alors, non sans réserve.
Aujourd'hui, la société A'liénor et ses actionnaires, Eiffage et la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France, à l'occasion de la publication de son second exercice depuis l'entrée en service de l'A 65, doivent faire un rude et double constat. D'une part, leurs pertes sont très importantes, atteignant quasiment le niveau de son chiffre d'affaires mais, surtout, le trafic de l'autoroute ne progresse que faiblement. En tout cas, de façon très inférieure aux prévisions initiales. Le Trafic Journalier Moyen Annuel, de 5562 véhicules/jour en 2012, est à peine supérieur à celui de 2011 qui était de 5332. Une fréquentation inférieure de quelques 40% aux prévisions qui figuraient dans le contrat de concession, signé en 2006. Les associations qui sous l'égide de la SEPANSO n'ont jamais caché leur hostilité à l'autoroute avaient d'ailleurs, en juin dernier, organisé, sur 24 heures, un comptage dans les Landes, la Gironde et les Pyrénées-Atlantiques qui corroborait les chiffres officiels. (1)
Cette situation conduit à s'interroger sur les conséquences financières éventuelles pour les collectivités, la Région, les départements de Gironde, des Landes des Pyrénées Atlantiques qui ont garanti les emprunts du groupement d'actionnaires, à hauteur de 400 millions d'euros. Le scénario catastrophe est brandi par ceux qui envisagent le cas de figure où celui ci ne ferait pas face à ses pertes, plaçant les collectivités dans l'obligation de rembourser leur part du financement. Rien de tel ne se profile pourtant à court terme; l'hypothèse d'une intervention de l'Etat, amené à prononcer la déchéance du contrat de concession, est improbable, d'autant que le coup de ce renoncement serait exorbitant pour le concessionnaire qui dispose de fonds de réserve jusqu'en 2017 et a la faculté de renégocier sa dette.
Certes, la situation économique des ces dernières années n'a pas facilité le démarrage de l'exploitation de l'A 65 mais le niveau de son péage non plus, fortement dissuasif (21,6 euros aujourd'hui de Langon à Pau) sauf à devoir l'emprunter pour raisons professionnelles impérieuses. Ou, ce qui est quand même souvent le cas, par crainte de circuler sur une nationale hyper dangereuse. La politique commerciale initiale d'A'liénor, d'abord en manière de clin d'oeil, celui adressé par exemple, aux skieurs girondins et charentais qui, dès l'ouverture de l'autoroute pour le prix de quatre forfaits bénéficiaient en 2010 d'un péage gratuit, n'a pas été reconduite malgré des résultats prometteurs. Les stations pyrénéennes étaient pourtant satisfaites de ce démarrage et évoquaient, sur le mode mi-sérieux mi-plaisant, leur « sponsorisation d'A'liénor. L'initiative avait séduit ; l'exploitant devrait s'en souvenir et proposer des offres incitatives dans la durée.
Quant à la nature même du trafic il ne peut laisser les pouvoirs publics indifférents : les poids lourds, notamment, sont vraiment trop peu nombreux à emprunter l'A 65 alors que l'A63 est saturée. Il est vrai que le trafic camions en provenance de l'Espagne, de l'Aragon en particulier, via Pau, est nécessairement limité et que personne n'imagine qu'il pourra aller au-delà de ce qu'il est déjà en provenance du tunnel du Somport, en vallée d'Aspe. Reste qu'au moment où on attend, cette semaine, les derniers arbitrages concernant la Ligne à Grande Vitesse avec la confirmation qui s'annonce de Bordeaux-Toulouse et l'inscription probable de Bordeaux-Dax dans la procédure d'enquête publique, le débat sur les implications financières des grandes infrastructures pour les collectivités risque de rebondir.
1. comptage effectué du 12 juin 20h au 13 juin 20h , 5436 véhicules dont 493 poids lourds