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L'ÉDITO

 par Solène MÉRIC Solène MÉRIC
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07/09/2023

Faim et pauvreté : le coup de fil à un ami ne suffira pas

Ca a d’abord été la viande, maintenant les français sont aussi de plus en plus nombreux (43 %) à se passer au moins partiellement de fruits et légumes frais dans leurs repas quotidiens. C’est un des enseignements du 17 ème Baromètre de la Pauvreté tout frais moulu des analyses Ipsos pour le Secours Populaire. Moins d’1 français sur 2 parvient à mettre de l’argent de côté et près d’un français sur 5 vit à découvert... Le constat est sans appel, la situation sociale française, va de mal en pis après un baromètre 2022 déjà révélateur d’une dégradation importante.

L’inflation partout, sur tout, est pointée du doigt par les enquêteurs. Les prix de l’alimentation, pour ne regarder qu’eux, ont grimpé de plus de 20 % par rapport à août 2021. L’angoisse au quotidien, les arbitrages permanents se généralisent dans les foyers. 32% des Français rencontrent des difficultés pour se procurer une alimentation saine, leur permettant de faire trois repas par jour. La même proportion se prive de repas pour pouvoir nourrir ses enfants.

Ces chiffres appuient bien sûr les alertes lancées par les grandes associations cette semaine, en mode Abbé Pierre à l’hiver 54. Le bal a été ouvert dimanche par les Restos du coeur. L’association ne peut plus faire face au flux des demandeurs sans risquer la banqueroute. La Croix Rouge, les Banques alimentaires ont aussi tiré la sonnette d'alarme avec un même constat : la précarité et les besoins ne cessent d'augmenter (+35% en un an pour les Restos du coeur ! ), l’enveloppe globale des dons ne suit pas et les associations elles-mêmes subissent l’inflation.

À qui lit, regarde et écoute, le cri lancé dimanche n’est pas vraiment une surprise, ces associations ont déjà souvent communiqué sur leurs difficultés à faire face à une précarité de plus en plus large, des étudiants aux retraités en passant par les travailleurs pauvres, et leurs familles. 

Mais le « coup » de dimanche a été réussi et relayé au plus haut niveau. Le gouvernement, disant donner sa part (15M€) en appelait alors aussi aux grandes entreprises et à leur générosité. Plusieurs se sont ainsi lancées dans une surenchère à l'altruisme après le coup d’envoi (à 10M€) donné par Bernard Arnault et sa famille : Carrefour, le groupe Les Mousquetaires, de même que le Crédit Mutuel, ou encore Total Energies… Certes, rien n’obligeait ces « Enfoirés » d’un nouveau genre à agir à grand coup de communication. Mais l’essentiel est le geste. Sans ergoter non plus sur les montants, finalement minimes au regard du patrimoine de la famille du premier ou des bénéfices et dividendes indécents versés par certains d'entre eux à leurs actionnaires, les responsables associatifs n’ont naturellement pas oublié de dire merci. Les sommes versées au regard des besoins exprimés sont, sans conteste, importantes.

Dans cet élan de bonté et de mobilisation, il y a quand même un constat amer et persistant. Celui de l’impuissance de l’État à trouver _chercher ?_ des réponses pérennes face à la crise traversée par les associations d’aide alimentaire, et plus encore face à l’appauvrissement de sa population… Cet « appel à un ami » de la ministre des Solidarités en dit long sur les (in)capacités d’action du pays. La France, toute 7ème puissance mondiale qu'elle est, ne pourra encore longtemps se payer le luxe de se passer d'une politique structurelle sur l'aide alimentaire. Un Plan contre la faim ne serait en rien excessif.

Il est plus que temps aussi que la Conférence sociale sur les bas salaires, tout juste annoncée pour le mois d’octobre, mette l'inflation au coeur de son sujet « sans idéologie, discours ou baratin » mais avec efficacité et, risquons-le, concertation. 

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