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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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06/10/2023

Etats généraux de l’information: le syndrome du thermomètre

Les états généraux de l’information sont lancés depuis cette semaine. Une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, mise en œuvre comme une réponse à la crise qui a conduit à l’explosion de la rédaction du Journal du Dimanche au cours de l’été.

Les citoyens déplorent être pris dans un tourbillon d’informations et avoir de la peine à démêler le vrai du faux, la démarche honnête de la tentative de manipulation, la source vérifiée de la fantaisie d’une influence.

L’intrusion massive d’internet dans nos vies quotidiennes a ouvert les portes à des flux désordonnés et si les tranches d’âge qui ont connu l’époque du sacro-saint journal papier déplié sur la table de la cuisine ou de la grand messe du 20 heures suivie depuis le canapé familial, force est de reconnaître qu’aujourd’hui l’information s’affranchit des rendez-vous rituels, des enseignes respectables de grands journaux et des lectures approfondies. Le bal est permanent et le rythme s’emballe au gré des faits divers, des affaires et de quelques surenchères. Le tout décortiqué à la minute sous le feu nourri des alertes qui font vibrer les smartphones en permanence.

Prendre un temps d’arrêt pour réfléchir collectivement n’est évidemment pas superflu. Et la mission du comité de pilotage représenté par Christophe Deloire, également secrétaire général de Reporters sans frontières, comporte de nombreux enjeux à un moment où la technologie s’empare de tout. Comment supporter de nourrir son sens critique et élargir ses horizons sur la base d’articles écrits à coups d’intelligence artificielle? Comment enrichir sa culture en s’appuyant sur les diffusions des influenceurs auto-déclarés, sans aucune information sur la fiabilité de la source ?

Dans cette jungle, les médias et les journalistes sont au début d’un long travail de reconnaissance et de valorisation de leur approche professionnelle de l’information. Critiquée pour son côté anxiogène, la variété de la presse montre que de nombreux médias valorisent pourtant les bonnes idées, les solutions, les initiatives de colibris. Mais ce ne sont pas forcément les plus lus ou les plus regardés. Ce qui fragilise leur modèle économique et met en cause leur existence.

Les journalistes ont déjà compris que l’information leur échappe désormais. Publier sur les réseaux sociaux est à la portée de n’importe qui, quelles que soient ses intentions et sans aucune obligation de vérifier, de contredire ou de mettre en perspective. Tant mieux sans doute. Encore qu’à voir certains posts juste défoulatoires ou grossiers, on se pose parfois des questions.

Considérons désormais que la production d’information est du domaine public. Tout citoyen peut avoir un avis dans ce domaine et les états généraux leur ouvrent largement la porte. Essayons sincèrement de faire mieux, d’imaginer des mesures pour cadrer les manipulateurs, mieux partager une information fiable et enrichir la culture collective. Chacun peut et doit y participer.

Mais les médias ne sont qu’un miroir. Le reflet nous déplaît ? Si l’information est malade, les journalistes mal aimés, le citoyen perdu et désabusé, c’est à l’image de tout un système de valeurs collectives qui vacille. A ne décortiquer que les leviers d’information, on se focalise sur le thermomètre en oubliant les causes de la fièvre, qui dit une société dont la narration commune s’épuise face à la technologie galopante. On peut changer le thermomètre, le jeter ou le casser, la fièvre ne baissera pas et la maladie continuera de progresser.

1 Commentaire

Un commentaire

  • Jean, le 6/10/2023 à 13h05

    Merci Cyrille pour ce nouvel édito pertinent. Je me permets d’ajouter qu’à ce jour, les syndicats de journalistes ne sont pas invités. Le thermomètre serait-il truqué? Décidément, les corps intermédiaires ne sont pas le fort de Macron.


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