L'ÉDITO
par Joël AUBERTEst-ce bien cela notre Europe?…
Franchement, et même si il est vrai que l'Europe ne sait pas comment s'y prendre pour ne pas être submergée par ce flux migratoire d'exception, elle est tombée bien bas pour verser dans un cynisme pareil; à la limite on peut comprendre que la chancelière allemande qui vient de payer, lors d'élections régionales, un lourd tribut à l'esprit d'ouverture dans lequel elle a engagé son pays, ait cautionné cet accord mais les autres démocraties, la nôtre en premier, quel discours tiennent-elles ? Ce qui est infiniment triste, mais au-delà lourd de sens, c'est l'effacement des valeurs qui ont été à la source même de la construction européenne. Et, là, notre responsabilité, celle de la France est très grande. A la faveur de quelques sommets, à l'Elysée ou à Berlin, nous entretenons la fiction d'un couple franco-allemand qui s'est progressivement défait, et les divergences en matière économique et financière n'expliquent pas tout.
L'Europe à vingt huit est née, à la hâte, de la mauvaise conscience d'une génération qui s'est sentie l'obligation de solder le passé du bloc soviétique, sitôt l'effondrement du mur de Berlin. Il est bien tard pour le regretter mais cette Europe est plus que jamais un sous-ensemble mou, tout juste utile en cas de dérapage nationaliste de tel ou tel pays, pour tirer les sonnettes d'alarme et dépêcher quelque mission de bons offices.
Ce sombre constat, avouons-le, est d'un ardent défenseur de l'Union, qui naguère a défendu Maastricht avec la foi de ceux qui croyaient, comme un Jacques Delors, que le message des pères fondateurs prendrait toujours le pas sur les égoïsmes nationaux. Et que l'union monétaire ne tarderait pas à déboucher sur une Union politique assez forte pour que l'Europe et ses 500 millions d'habitants soit le continent de référence et se dote d'une diplomatie capable de peser dans les crises régionales. De quel poids l'Union a-t-elle pesé face à la guerre civile en Syrie ? Aucun, et chacun y est allé de sa propre réaction désespérement tardive et d'ailleurs, pour notre pays, consécutive aux attentats qui ont frappé Paris.
Pour autant, sachons résister, par delà nos déceptions, à un air du temps qui n'a fait que croître et embellir : l'Europe serait à la source de tous nos maux. Economiques d'abord à cause des normes basées sur l'imperium allemand d'un pacte de stabilité qui requiert une grande discipline budgétaire: il est vrai que la monnaie unique ne s'embarrasse pas des contraintes sociales propres à chaque pays mais n'oublions pas qu'elle est aussi le véhicule d'un commerce intra européen qui s'est considérablement développé. Aujourd'hui, plutôt que de rendre l'euro responsable de la faible croissance et du chômage de masse, il semble beaucoup plus important de ne rien cèder dans la négociation en cours de ce fameux « TAFTA », traité transatlantique qui cherche à imposer à l'Europe un fort libéralisme des échanges, peu soucieux de nos choix de société. Et, surtout, pensons aux plus jeunes qui d'un pays à l'autre, d'une université à l'autre, partagent sans toujours les revendiquer, des modes de vie et une culture qui seront le socle de l'Europe de demain.