L'ÉDITO
par Joël AUBERTDanger: la liberté d’informer sous contrôle policier
Vivement interpellé à l'Assemblée nationale le ministre dont une partie de la majorité, les centristes du Modem notamment, n'ont pas caché leur inquiétude, a semblé vouloir jurer, la main sur le cœur , que les journalistes ne seraient pas empêchés de faire leur travail … Et que ce n'était pas tant leur profession qui était visée que tous les vidéastes qui, depuis le temps de Gilets Jaunes et des débordements de casseurs, ont filmé le travail des policiers, révélant, aussi parfois, des faits de violences policières. Un des responsables du syndicat unité SGP-Police-FO a pu même écrire : « Ce ne sont pas les images prises par les journalistes qui posent problème – ils ne sont d'ailleurs pas concernés puisque la loi vise les publications malveillantes. » On voudrait le croire mais il a suffi d'une simple manifestation pacifique à Paris pour qu'une jeune consoeur soit inutilement bousculée et qu'un confrère soit gardé à vue, une nuit durant, alors qu'il était pourtant parfaitement reconnaissable, via sa carte de presse brandie.
Ce renforcement de l'appareil répressif ne doit pas, ne peut pas qu'interpeller une profession ; il ouvre la porte à de possibles abus et en tout cas ne fait que les légitimer sinon les encourager. La défenseur des Droits, Claire Hédon, le rappelle sans détour : « L’information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique » Et il n'y a pas lieu d'être fier que le pays de la Déclaration des Droits de l'Homme se voit rappeler, par les rapporteurs de l'ONU, à son obligation de ne pas entraver « le contrôle démocratique des institutions publiques. »
Le quitus d'une Assemblée aux ordres ne signifie pas que les désirs d'un ministre qui, chaque jour agit davantage en pensant au Front National, ce qui lui vaut les quasi félicitations de Marine Le Pen, qu'au bon usage de la démocratie, seront validés. On attendra avec la plus grande attention le jugement du Conseil constitutionnel pour espérer qu'il ait l'obligation de renoncer à sa copie ou à tout le moins à la retravailler. En attendant, au-delà d'une profession, l'inquiétude citoyenne reste vive comme les manifestations importantes de ce 21 novembre l'ont prouvé à Paris et dans nombre de grandes villes, à Rennes, Lille, Montpellier, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Limoges, Poitiers...