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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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08/06/2023

Comment la savonnette retraites a lessivé la démocratie

Cette fois, la fin du match est bel et bien sifflée. La réforme sur les retraites semble désormais incontournable, même si la victoire n’est pas acquise à la loyale. La rue a échoué là où elle avait réussi à faire plier d’autres gouvernements sur le même sujet. Renvoyés derrière le banc de touche, les syndicats ont échoué également, malgré une union quasi inédite. Les parlementaires ont eux aussi échoué, le gouvernement ayant dribblé avec tous les artifices constitutionnels au goût de 49-3 et autres non-recevabilité pour ne jamais soumettre le texte au vote.

Cette réforme ressemble à une savonnette. Impossible à saisir pour l’empêcher de rebondir jusqu’au terme qu’elle s’est fixée, échappant à tous ceux qui tentent de stopper sa trajectoire aux sinusoïdes imprévisibles. Comme la savonnette, cette réforme est difficile à avaler, à cause d’un ingrédient particulièrement peu savoureux : le déficit démocratique. Avec ce parcours chaotique, une première pendant la Ve République, la réforme des retraites laisse un goût de passage en force contraire à l’idée que l'on se fait de notre Constitution. On se souvient de nos cours d’histoire que De Gaulle était très sourcilleux sur l'étendue de la fonction présidentielle. Mais à ce point, les Français n’en avaient pas conscience.

Soustraite au vote des députés, désapprouvée par la majorité de la population si l’on en croit les sondages et rejetée par l’ensemble des organisations représentatives des salariés, on en vient inévitablement à se demander comment ce texte est parvenu à se glisser dans un processus réputé démocratique. Ajoutons que ceux qui ont voulu marteler un avis contraire au son de casserolades improvisées, ont pris quelques coups de matraque et la question devient franchement brûlante à l’aune de la liberté d’expression.

Pousser jusqu’à la dénonciation d’un Etat totalitaire est évidemment excessif et simpliste. Le Président de la République est passé par deux fois au tamis de l’élection au suffrage universel. Ses ministres ont fini par être contraints à l’obligation d’être élu quelque part pour asseoir leur légitimité à la table du Conseil des ministres. De nouveaux outils de dialogue et d’écoute genre convention citoyenne sont apparus même s’ils n’ont pas encore fait la preuve de leur véritable impact sur l’intérêt collectif.

Mais l’apparition d’une forme avérée d’un cancer démocratique est évidemment une mauvaise nouvelle. Dans le cas probable d’une nouvelle opposition frontale avec un(e) candidat(e) du Rassemblement national à la prochaine présidentielle, celui-ci n’aura plus qu’à cueillir, comme un fruit mûr, la déception généralisée d’une démocratie lessivée. Le jeu est à hauts risques.

A moins de tirer vraiment profit des quatre petites années qui nous séparent de cette consultation pour redonner de bonnes couleurs à la République autour de projets co-construits et partagés sur la santé, l’éducation, l’agriculture et l’environnement, la justice, la sécurité, le logement… Une liste digne des douze travaux d’Hercule. Le fils de Jupiter, selon la mythologie romaine.  

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