Alain Juppé va chercher à cultiver sa différence

En tout cas si ce livre-là a suscité en quelques jours autant de commentaires, d’ailleurs le plus souvent flatteurs, c’estbien parce que l’homme politique paraît toujours en mesure de retrouver les plus hautes marches du pouvoir.
En se livrant plus qu’il ne l’avait jamais fait, du moins sur le mode littéraire, il consent àdonner de lui une autre image que celle qui lui colle à la peau depuis ce péremptoire « droit dans mes bottes », aussi excessif que mal compris.
L’éternel premier de la classe qui bûchait ses leçons pendant que ses copains de Victor Duruy, à Mont-de-Marsan, jouaient au rugby en échangeant quelques marrons, à deux pas de la maison familiale, a la fierté légitime d’avoir redonné des couleurs à Bordeaux. N’empêche, les affaires du monde restent et resteront, pour lui, quoiqu’il arrive, un sujet de curiosité et le moteur d’un désir d’action. A soixante trois ans , l’ancien premier ministre sait que pour continuer à jouer sa chance, fût elle minime, il lui faut cultiver sa différence. Sans rompre avec le monarque mais en sachant saisir la moindre occasion de s’en distinguer. Jusque là, Alain Juppé ne s’en sort pas mal ; ces encouragements à l’homme de l’Elysée ne participent pas de cette déférence obligée qui sied aux vrais sarkozystes ; ils oscillent entre le soutien et la critique calculée. Le retour plein et entier de la France dans le commandement intégré de l’ Otan en est un bon exemple. On ne peut lui demander un alignement, le petit doigt sur la couture du pantalon et ce d’autant moins que les deux hommes ne s’aiment pas. Quant à la pratique du pouvoir chère à Nicolas Sarkozy, il faut comprendre qu’elle ne peut qu’étonner un homme de la V° République, conscient des risques encourus par un président qui se veut en charge de tout plutôt que de l’essentiel.
Désormais, seules les plus grandes difficultés de Sarkozy seraient de nature à remettre Alain Juppé dans le jeu, au sein de l’UMP. Car, même si l’envie de servir ne fait pas de doute, il serait étonnant que le maire de Bordeaux acceptât quelque maroquin de circonstance.

Joël Aubert