L'ÉDITO
par Joël AUBERTAfghanistan: mission impossible
A priori, il ne fait donc pas bon sembler vouloir prendre le parti inverse, celui du désengagement de l’armée française de cette bataille de l'Otan contre le terrorisme. Il ne serait question, en effet, que de démocratie, celle que l’Occident a crée ex-nihilo, allant jusqu’à importer un président, Amin Karzaî pur produit de son moule. Les Afghans n’ont-ils pas voté, les femmes en tête, enfin libérées du joug masculin et de l’ignoble burka ?
L’équation initiale voulue par l’Amérique des bons sentiments, après les terribles épreuves du 11 septembre, peut-elle résister à l’épreuve du temps ? Elle semble, déjà, terriblement compromise. D’abord parce que la démocratie reste formelle dans le pays, ensuite parce que la corruption a eu tôt fait de s’installer et de dessiller les yeux des afghans qui ne croient guère plus aux lendemains radieux, enfin parce que le pouvoir central, à Kaboul, ne tient que par la présence occidentale et n’a aucune influence sur le système féodal que l’URSS avait voulu détruire avant de battre en retraite. Lamentablement.
L’Occident s’enferme en Afghanistan dans un redoutable malentendu. Venu pour libérer un peuple accablé par la guerre et l’obscurantisme, il semble, de plus en plus, vécu par la population comme l’occupant, celui avec lequel il ne faut plus coopérer, à moins qu’il ne s’agisse de trahir. La France aura beau se doter d’équipements supplémentaires, cela ne suffira pas à éviter de nouveaux drames, de nouvelles pertes de vies humaines. Qu’on nous comprenne bien: il ne s’agit pas de céder à unpacifisme à l’ancienne, version aménagée de la guerre du Vietnam, mais de défendre l’idée que la stratégie imposée par les Etats-Unis n’est pas la bonne. Il faut croire, d’ailleurs, que l’administration américaine commence à s’en rendre compte en décidant d’aller frapper les bases arrières des talibans dans ce Pakistan incontrôlable qui est le vrai foyer du terrorisme mondial. Que faire?Renoncer à une mission impossible, se concentrer sur le renseignement comme c’est déjà le cas en France et dans l’Union européenne, soutenir l’Algérie et ses voisins dans leur propre lutte contre le terrorisme. Et cesser de croire abusivement que l'on peut partout, et dans n'importe quel contexte, imposer, du jour au lendemain, la démocratie dans des pays qui n'ont aucune culture ni structure pour la faire progresser.
Joël Aubert