Une année catastrophique pour le tourisme en Nouvelle-Aquitaine


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Une année catastrophique pour le tourisme en Nouvelle-Aquitaine

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Temps de lecture 12 min

Publication PUBLIÉ LE 14/04/2020 PAR Claude-Hélène Yvard, Anne-Lise Durif, Romain Béteille

M.A.J du 24/04/2020

Ce vendredi 24 avril, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne a tenu une réunion téléphonique avec les acteurs du tourisme de la région Nouvelle-Aquitaine pour évoquer les conséquences du Covid-19 sur le secteur. Il a confirmé les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement en faveur des entreprises de l’hôtellerie et de la restauration, du tourisme, du sport, de l’évènementiel et de la culture. Elles comprennent une exonération de charges pour les TPE et PME de ces secteurs de mars à juin de manière automatique (et des étalements des reports de charges fiscales et sociales pour les ETI et grandes entreprises) et un élargissement du fonds de solidarité pour les entreprises du tourisme : 10 000 euros maximum au lieu de 5000 pour les entreprises jusqu’à 10 salariés et qui réalisent jusqu’à 2 millions de chiffre d’affaires. Le responsable a également affirmé qu’une partie du fonds d’investissements annoncé par les assureurs (1,5 milliards d’euros dont 150 millions pour le secteur du tourisme) allait être utilisé « pour créer ou venir renforcer des fonds d’investissements existants dans le but d’aider en fonds propres les entreprises du secteur ». Le fonds de solidarité pour les TPE est prolongé jusqu’à la fin du mois de mai. En Nouvelle-Aquitaine, 3780 entreprises du tourisme se sont vues accorder des prêts garantis par l’État, pour un montant total de 296 millions d’euros, et ces aides « continuent à monter en charge », a confirmé le secrétaire d’État.

En ce qui concerne spécifiquement les établissements d’hôtellerie et de restauration, le dispositif de chômage partiel sera prolongé au-delà du confinement. Si la date de réouverture de ces établissements n’a pas encore été annoncée (une réunion nationale doit se tenir fin mai), un « guide des bonnes pratiques » doit être publié. « Nous travaillons pour que ce guide puisse être opposable et qu’il puisse dégager de responsabilités les chefs d’entreprises. Il est important d’avoir une réassurance sanitaire pour les clients mais aussi une assurance juridique pour les professionnels », a ajouté Jean-Baptiste Lemoyne. « Parmi les mesures, on peut citer par exemple des tables qui ne seront pas composées de plus de huit personnes, devront être éloignées d’au moins un mètre chacune. Une jauge sera présente, ça va correspondre pour certain à une baisse de l’ordre de 30% de leur jauge habituelle », a-t-il également prévenu. Pour l’épineux problème du passage des frontières, actuellement fermées, pas de réponse définitive, si ce n’est un renvoi vers la mission interministérielle de Jean Castex, qui doit présenter ce lundi au élus de cadre général du plan de déconfinement. Un nouveau comité interministériel du tourisme doit annoncer un plan de relance pour le secteur le 14 mai prochain. Des calendriers de réouverture dédiés par secteurs sont également attendus « fin mai » pour l’activité touristique.

Article publié le 19/04/2020

A la mi-mars, Lascaux IV, (425 000 entrées avec Lascaux II en 2019) accueillait ses derniers visiteurs. La saison avec de belles vacances de février s’annonçaient sous les meilleurs auspices. Comme tous les sites touristiques de France et de Nouvelle-Aquitaine, le fac-similé de la célèbre grotte ne reçoit plus de visiteurs pour une durée indéterminée. En Dordogne, à la fermeture de Lascaux IV s’ajoute celle des sept autres sites gérés par la Sémitour :  Lascaux II, le parc du thot, la grotte du Grand Roc, les abris préhistoriques de Laugerie Basse aux Eyzies, le cloître de Cadouin, le château de Biron, le château de Bourdeilles , et le site d’hébergement  de Rouffiac. « Actuellement, sur les 100 salariés de la Sémitour, 90 sont au chômage partiel nous avons seulement maintenu quelques emplois au siège social, le gardiennage des châteaux et deux employés au parc du Thot, pour s’occuper des animaux, précise André Barbé, directeur de la Sémitour. Celui qui est aussi président de l’Association régionale des grands acteurs du tourisme de Nouvelle-Aquitaine n’a pas été rassuré par les dernières annonces du président de la République du 13 avril. « Aujourd’hui, la filière touristique qui est totalement à l’arrêt depuis un mois attend les ordonnances. Ce sont elles qui vont nous dire si on déconfine ou pas et dans quelles conditions. » Pour André Barbé, la prolongation de la période de confinement n’est pas une surprise au vu de la crise sanitaire sans précédent. « Quant j’ai quitté les salariés de la Sémitour, lors du dernier CSE, qui a eu lieu, la veille du confinement, je leur ai dit, j’espère vous retrouver le 1er juillet.« 

Lascaux IV est fermé au public depuis la mi mars

40 % de CA au moins pour la Sémitour au 1er juillet

Avec la prolongation du confinement, les vacances de printemps et les ponts de mai, n’assureront pas le flot de touristes habituel. Le directeur de la Sémitour a fait ses comptes : « au 1er juillet, j’aurai perdu 40 % de mon chiffre d’affaires, qui atteint habituellement 10,5 millions d’euros. » Concernant le lancement de la saison estivale, le flou est total. « À l’heure actuelle, nous ne savons pas si nous pourrons ouvrir au 1er juillet. On ne sait même pas si les hôtels et campings seront ouverts.  Nous ne pourrons pas ouvrir dans n’importe quelles  conditions, il faudra sans doute imaginer des mesures de protection pour les visiteurs, des circuits de visite modifiés en petits groupes. Nous y travaillons. Economiquement, il faudra trouver l’équilibre entre les charges fixes et le chiffre d’affaires, poursuit André Barbé. Si le chômage partiel des salariés  est pris en charge par l’Etat, le directeur de la Sémitour, comme tous les responsables d’entreprises du secteur, attend une annulation des charges, au minumum du deuxième trimestre,  pour toutes les sociétés du secteur. « Nous attendons aussi que les assureurs prennent leurs responsabilités en couvrant les pertes d’exploitation. Ils ne le veulent pas même si le risque est souscrit. En agissant ainsi, ils vont mettre des centaines d’entreprises au tapis. Aujourd’hui, l’enjeu est de sauver l’économie d’un pays et d’un secteur, qui est la première économie régionale« , ajoute André Barbé. Pour le président de l’Association régionale des grands acteurs du tourisme de Nouvelle-Aquitaine, concernant l’été, il y a beaucoup d’incertitudes et la situation épidémique est très variable selon les pays en Europe. « Pour nous, les étrangers représentent 20 % de la clientèle. Pour ce qui est des ressortissants hors espaces Schengen, nous n’aurons pas ces clients cet été. Et quant aux Espagnols, Italiens, je doute qu’ils aient envie de voyager, ils privilégieront des moments en famille. Au sein de l’Argat, nous travaillons sur plusieurs scénarios d’ouverture de la saison, soit au 1er juin avec un doute important, au 1er juillet, voire 1er août. Nous étudions même la possibilité  d’être à  zéro de chiffre d’affaires au début de l’automne, tout en maintenant le lien avec nos clients. Il faut surtout être humble face un événement de cet ampleur. Cette période de confinement est très importante. »

 Sur les deux Charentes, 25 % de l’activité

Dans les Charentes aussi, le tourisme pèse son poids dans l’économie locale. « L’avant-saison estivale, c’est 25% de l’activité sur les quelques un milliard huit cent millions d’euros de chiffres d’affaires annuels », rappelle le président de l’office de tourisme des deux Charentes Stéphane Villain, également conseiller départemental en charge du tourisme en Charente-Maritime, « Nous allons vers une perte considérable pour l’ensemble des acteurs du tourisme, de l’hôtellerie-restauration aux sites de visite ». Comme beaucoup, l’élu attend beaucoup de l’été pour faire remonter l’économie touristique. « La venue du Tour de France du 6 au 9 septembre sera une bouffée d’oxygène, ainsi que le maintien de certains festivals comme Le Violon sur le Sable à Royan », estime-t-il.

Les otaries à l'entraînement au zoo de la Palmyre

En attendant, les professionnels du secteur font le dos rond, comme au zoo de La Palmyre (17). Avec ses 1600 animaux et ses 600 000 visiteurs annuels, le troisième parc animalier de France a déjà fait les comptes : « Mars représente généralement 20 000 entrées, le mois d’avril, 70 000. C’est ensuite exponentiel jusqu’à l’été », explique le directeur Pierre Caillé, « sur l’ensemble de la période de restriction sanitaire, nous devrions perdre un peu plus d’un million d’euros ». Un coup dur pour le parc, dont 60% du chiffre d’affaires annuel permet de payer l’ensemble des charges. « Or, c’est la partie excédentaire de l’avant-saison et de l’été, de Pâques à septembre, qui nous permet de fonctionner l’hiver », précise le dirigeant. Même si la fréquentation est faible en hiver, le zoo reste ouvert à l’année car il faut s’occuper quotidiennement des animaux. D’ailleurs, Pierre Caillé n’a mis aucun de sa cinquantaine de salariés (dont 35 soigneurs) en chômage partiel. Mais il ne l’exclut pas pour les non soigneurs dans les prochaines semaines, si la situation devait se tendre. « On avait un fonds de trésorerie qui nous permettait de gérer la situation dans un premier temps », poursuit le dirigeant, « mais on a déjà dû rappeler la vingtaine de saisonniers qui devaient embaucher en avril pour leur dire de ne pas venir. On les rappellera dès qu’on pourra rouvrir, mais on sait déjà que nous ne pourrons pas prendre la cinquantaine prévue au plus fort de la saison. Nous privilégierons ceux avec lesquels nous nous étions engagés au printemps et les plus anciens ». N’ayant eu droit à aucune aide jusqu’à présent, Pierre Caillé espère des subventions de l’Etat et des collectivités, ainsi qu’un geste des assurances : « Les zoo de France ont des contrats spécifiques. Nous nous sommes concertés pour faire une action commune auprès d’elles pour bénéficier d’une prise en charge pour la perte d’exploitation. Normalement, le risque épidémique est inclus ».


Pierre Caillé espère néanmoins rouvrir le plus tôt possible. « Avant l’annonce du président, on avait misé sur une réouverture en juin. Nous sommes en discussion avec les services de l’Etat pour voir comment on pourrait accueillir de nouveau le public avant la mi-juillet. Le parc n’est pas un lieu confiné, nous avons 5 km de déambulation à ciel ouvert, on peut parfaitement faire des aménagements pour respecter la distanciation sociale », estime-t-il. Les mesures sanitaires sont déjà mises en place avec les animaux. « Ce sont des règles qu’on applique d’ordinaire, en particulier avec les primates car ils sont les plus proches de nous biologiquement, et les plus susceptibles d’attraper nos maladies courantes comme la grippe », explique le dirigeant. Seuls les spectacles avec les animaux pourraient être annulés jusqu’à nouvel ordre.

Des perspectives incertaines pour la Dune du Pilat

Dune du Pilat

En 2018, 1,33 million de visiteurs ont été comptabilisés sur le chemin d’accès à la Dune du Pilat (et 363 825 véhicules ayant utilisé le parking payant), l’un des lieux les plus visités de la région Nouvelle-Aquitaine, dont 400 000 entre avril et juin. L’endroit a beau être en plein air et disposer de la vue qu’on lui connaît, les problématiques de la crise du Covid-19 se posent tout autant. Pour la maire d’Audenge et présidente du Syndicat Mixte de la Dune du Pilat (qui regroupe la région Nouvelle-Aquitaine, le département et la commune de La Teste de Buch), Nathalie Le Yondre, il y a encore un « manque de visibilité sur les possibilités de réouverture du site, nous attendons des précisions. La difficulté pour nous, c’est le fait que ce manque d’accueil des publics va avoir des répercussions sur la gestion administrative et financière du site ». En effet, l’essentiel des recettes du Syndicat Mixte reposent sur les 1,4 million d’euros générés par l’aire d’accueil de la dune, autrement dit le parking payant.

« Nous avons des dépenses de structures (accueil du public, personnel administratif, médiation, sécurité) et de gestion et des investissements importants ». Habituellement, la saison estivale est notamment l’occasion pour le syndicat de renforcer les emplois en médiation, notamment pour accueillir les classes d’enfants au mois de juin. La conséquence, a priori inévitable, ce sont des perspectives compliquées. Nous revoyons donc notre budget prévisionnel fortement à la baisse ces jours-ci. On est en train de réaliser plusieurs simulations de dépenses et de recettes par rapport aux prévisions de fréquentation. Même si nous manquons de précisions sur les modalités de réouverture du site (notamment par rapport au rassemblement de personnes), nous sommes inquiets par rapport à ce socle de fonctionnement de la structure ». Le 6 avril dernier, la commission permanente de la région a voté une aide de 500 000 euros pour la restauration du site d’accueil de la Dune et la réhabilitation de son village de cabanes. Censés démarrer en octobre 2020 pour s’étendre sur toute l’année 2021, les travaux n’ont pas encore été remis en cause. L’élue affirme, en revanche, que les simulations actuellement à l’étude pourraient permettre au Syndicat Mixte de « saisir les collectivités et les partenaires pour travailler sur de nouvelles perspectives ».

Un impact fort pour toute la région… et au-delà

C’est peu dire que Michel Durrieu, le directeur du Comité Régional du Tourisme de Nouvelle-Aquitaine juge la situation alarmante pour le tourisme autant local que national ou mondial (il est aussi conseiller auprès du secrétaire général de l’Organisation Mondiale du Tourisme), pour les grands sites (illustrés ici par quelques exemples) comme pour la fréquentation en général. « Globalement, il n’y aura pas de clientèle étrangère, d’abord parce que les frontières sont fermées et que quand elles se rouvriront, les conditions sanitaires seront tellement strictes que les étrangers ne pourront pas ou très peu venir. Beaucoup ne voudront pas se déplacer. On peut considérer que sur cet été, il y aura une dégradation très importante des clientèles étrangères. La priorité des compagnies aériennes ne va pas être de revoler sur les destinations de Nouvelle-Aquitaine. En région, on dénombre environ quatre millions de touristes étrangers et 28 millions de touristes français, c’est la première destination touristique de France. Le secteur représente 140 000 emplois, 9% du PIB et environ 18 milliards d’euros de revenus touristiques. Pour l’instant, on table sur une dégradation de l’emploi entre 10 et 15%, environ quatre millions de touristes et trois milliards de revenus en moins. Si on regarde l’indicateur des réservations aériennes en régions, on est à -69% sur les trois prochains mois et à -60% sur les six prochains mois, et ça empire chaque jour parce que les egens annulent et ne réservent pas »

Pour le responsable régional, plusieurs facteurs expliquent ces prévisions et le poussent à dire que la clientèle nationale ne va pas forcément « rattraper » la perte de clientèle étrangère. « Beaucoup de familles auront été touchées par la maladie et vont avoir des difficultés à se projter pour partir en vacances. Beaucoup vont aussi penser à se retrouver, pas forcément en vacances, plutôt sur le lieu familial, ça ne compense donc pas la structure marchande touristique. Il y aura aussi nécessairement une perte de pouvoir d’achat des français, avec huit millions de personnes au chômage partiel et 16% de revenus en moins. Sachant que d’ordinaire, les français destinent entre 15 et 20% de leurs revenus annuels aux loisirs et aux vacances et qu’environ la moitié partent à l’étranger parce qu’ils cherchent un prix moins cher, forcément, ce chiffre va se réduire. On commence à parler de la crise économique. Les entreprises vont vouloir redémarrer leur activité, elles ne vont pas valider deux mois de congés à la reprise… Enfin, les gens risquent d’avoir peur de partir après avoir passé plusieurs mois enfermés. En dialoguant avec les grands acteurs régionaux, on peut dire que la majorité a des prévisions de recul entre 30 et 80%, les chutes les plus importantes étant pour les sites ouverts sur une période plus courte. Le tourisme d’affaires sera lui aussi fortement impacté, il l’est déjà, et ce n’est pas parce qu’on a déplacé des évènements du mois de mars au mois de septembre que ça va changer quelque chose…« , conclut Michel Durrieu. Pour tenter de valoriser les destinations régionales, le CRT a lancé une campagne, qui doit durer cinq mois, d’abord pour soutenir les acteurs locaux du tourisme, ensuite pour inciter les « près de 50% des français qui partent en vacances au même endroit chaque année » à continuer de le faire. Les bilans touristiques annuels, étalés entre septembre et novembre, devraient permettre de chiffrer plus précisément l’impact réel du Covid-19 sur le tourisme régional.

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